A l’aéroport de Liège, faire travailler 750 personnes ensemble chaque nuit depuis le début de la crise

reportage Pour certains, le travail reprendra bien, avec les collègues, mais dans des conditions particulières. D’autres, qui n’ont jamais arrêté et pour qui le télétravail n’était pas une option, connaissent cette vie au travail si différente depuis des semaines. C’est le cas au hub de Fedex à l’aéroport de Liège où, chaque nuit, environ 750 personnes déchargent, chargent, trient des colis du monde entier. Y compris de la Chine et de l’Italie, pays vecteurs de la pandémie de coronavirus. [scald=27525519:sdl_editor_representation] Ce soir, comme tous les autres, sur le tarmac de l’aéroport, des équipes attendent l’arrivée massive des avions vers 23h. Ils sont deux ou trois par camionnette pour se rendre à côté des avions alors que, d’habitude, ils s’y entassent à une dizaine. Dès qu’un avion atterri, on conduit l’équipe par petit groupe, la marchandise n’attend pas. Les portes restent ouvertes, pour éviter de toucher les poignées Depuis des semaines, des mesures de protection ont été prises, non sans l’insistance des syndicats, et chacun s’y est visiblement adapté. Dans la partie bureaux, quasi déserte, les escaliers sont devenus à sens unique. Et les ascenseurs sont tout simplement condamnés. Toutes les portes restent ouvertes pour éviter de devoir saisir les poignées. Dans les salles de réunion, on a retiré trois chaises sur quatre. À chaque point de contrôle, où chacun doit passer pour aller du côté accessible aux « pistes » de l’aéroport, il y a des marques sur le sol pour aider à respecter les distances et les horaires ont été adaptés afin que tout le monde ne débute et ne quitte pas au même moment, histoire d’éviter les croisements inutiles. « Le plus dur à adapter, à Liège, c’est que tout le monde se donne des bises pour dire bonjour, chaque jour ça prend beaucoup de temps parce que ne pas dire bonjour est considéré comme un manque de respect » explique Jean Muls, vice-président de Fedex Europe. Chaque travailleur a reçu cinq masques lavables tandis que les intérimaires reçoivent de « simples » masques chirurgicaux à usage unique chaque jour. Du gel hydroalcoolique est disponible en de nombreux points. Et pour les collations, la grande cafétéria habituelle est fermée et répartie sur plusieurs endroits directement dans l’entrepôt, évitant les vis-à-vis et avec de l’espace entre chaque chaise. « Après le secteur des soins, on doit être dans les premières entreprises à avoir assuré notre personnel avec des équipement de protection et à proposer des masques, des gants, du gel hydroalcoolique » insiste Jean Muls. Travailler avec une visière de protection Pour travailler, là où les gens se côtoient généralement d’assez près pour décharger les avions, puis pour décharger les conteneurs transportés par les avions arrivés, puis recharger les conteneurs pour les avions au départ, la méthode a été adaptée : ce qui se fait habituellement à deux est fait par une seule personne (ce qui a augmenté mais pas doublé la durée de chaque opération) mais on a multiplié ou rallongé les pauses. Pour certains conteneurs de 4 tonnes dont la manutention réclame une plus grande proximité, c’est l’équipement de sécurité qui a été adapté : visière complète de protection du visage… Sur certains postes de tri et de manipulation des colis, une cage vide est installée entre chaque poste de travail pour maintenir les distances. Évidemment, les radios/talkies, très nombreux entre les équipes qui travaillent sur le tarmac, sont désinfectées à chaque shift. « On n’a jamais arrêté depuis le début de la crise, où que ce soit dans le monde. Aujourd’hui, à Liège, notre réseau n’a pas été modifié » rappelle Jean Muls, sans rentrer dans les détails des volumes transportés et traités. Juste la confirmation que le matériel sanitaire, médical ou pharmaceutique a augmenté et remplacé une partie des marchandises habituelles. Les syndicats, eux, parlent de très forte baisse, il y a plusieurs semaines, de tout ce qui provenait d’Italie et d’Espagne. « Nous avons été confrontés à des restrictions des transports variables selon les différents pays, nous avons dû nous adapter chaque fois. Mais Fedex a toujours été un “first responder”, capable de réagir très vite, de s’adapter pour des activités de soutien (assistance humanitaire, tsunami…). Nous avons toujours des plans de contingence prêts. En cas de crise, nous réalisons un véritable pont aérien. On a livré du matériel en Italie, notamment des respirateurs, quand tout était fermé, même si c’était parfois compliqué parce que, par exemple, il n’y avait plus d’hôtels ouverts pour accueillir les pilotes. On a dû s’adapter. Notre flux vers l’Asie et la Chine a largement augmenté. Ce mois d’avril Fedex assure 146 vols vers l’Asie alors qu’en temps normal, c’est une centaine. Des vols qui arrivent ensuite à Charles de Gaule, Liège ou Cologne. Mardi (21/4, ndlr), le trafic aérien sur 24h en Belgique a été de 218 mouvements, in et out, il y en avait 62 pour Fedex ou les compagnies qui travaille pour nous. » Des millions de masques transportés Jean Muls ne compte plus les millions de masques transportés ou les tests Covid, il souligne aussi les 20.000 PC acheminés lorsque le télétravail s’est imposé un peu partout, y compris pour les fonctions administratives de soutien de Fedex à Liège ou Charles de Gaulle. Tout en reconnaissant que, durant cette crisequi a chamboulé toute l’économie mondiale mais de manières décalée, « les avions ne retournent pas aussi pleins qu’ils ne viennent ». Par ailleurs, en aval du tri des marchandises qui arrivent par avion, se posent également les adaptations nécessaires pour les transports en camion. « Par la route, les restrictions de transport entre les différents pays font que le temps d’acheminement devient de plus en plus long. Il y a parfois une queue de plusieurs heures à la frontière entre la Pologne et l’Allemagne, par exemple, ce qui fait qu’on doit répartir le même volume dans plusieurs camions pour ne pas perdre trop de temps. » [scald=27525518:sdl_editor_representation] Et de poursuivre : « Dans les circonstances actuelles, l’entreprise est bien consciente qu’elle a un rôle à jouer dans les solutions mises en place par les États. Pour le personnel, au début, il y a eu de l’anxiété chez tout le monde, à Liège comme dans tout le réseau. Il y a eu des absences, bien sûr et nous n’avons jamais voulu forcer les gens à travailler ou envoyer des médecins contrôler les situations. D’autant que les instructions étaient claires : si vous aviez un symptôme, vous restez à la maison. Mais au hub de Paris, à Charles de Gaulle, par exemple, on a dû faire recours à des sociétés d’intérim bien plus qu’à Liège. Aujourd’hui, je dois dire que je suis fier du personnel. Au début la peur avait le dessus mais quand les gens ont compris le grand rôle que nous jouons dans la société, il y avait une volonté de dire je serai là. Dans la vie, je sais qu’il ne faut jamais dire qu’on n’a pas commis d’erreur mais, ici, je crois que personne ne peut dire qu’on n’a pas fait de notre mieux. »

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