Coronavirus: la BCE subventionne les banques pour qu’elles ne ferment pas le robinet du crédit

L’impact économique des mesures de confinement, décidées afin de stopper la propagation du Covid-19, est massif en zone euro. Selon une estimation préliminaire d’Eurostat, au premier trimestre, le PIB, en volume, aurait baissé de 3,8 %, par rapport au trimestre précédent. En Belgique, l’Institut des comptes nationaux (ICN) pointe un recul d’une ampleur similaire (-3,9 %), tandis qu’en France, la production aurait, selon l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques, chuté de 5,8 %. Sachant que les différents Etats-membres n’ont mis en œuvre les mesures de lockdown qu’à partir de la fin de février, en Italie, et dans le courant du mois de mars ailleurs, on doit s’attendre un impact nettement plus prononcé au deuxième trimestre. La Banque centrale européenne (BCE) – dont le conseil des gouverneurs, son organe décisionnel, s’est réuni ce jeudi – craint une baisse du PIB de 15 % entre avril et juin, en espérant un redémarrage progressif au fur et à mesure que le confinement est progressivement levé. Mais la plus grande incertitude demeure : sur l’ensemble de l’année, le recul du PIB serait au moins de 5 %, mais pourrait atteindre… 12 %, selon les économistes de la BCE. Une dégringolade sans commune mesure avec la Grande récession qui avait suivi la crise financière il y a douze ans. Contrairement à ce qui s’était passé alors, l’Institut d’émission de la zone euro a réagi, cette fois, bien plus rapidement et plus massivement. Ainsi, ce jeudi, sa présidente, Christine Lagarde a annoncé de nouvelles mesures visant à éviter un resserrement du crédit et un assèchement des liquidités sur les marchés financiers. Maintenir ouvert le robinet du crédit Comment ? D’une part, en offrant aux banques de la zone euro du financement à plus long terme à des conditions favorables. La pratique n’est pas neuve. Depuis 2014, la BCE a déjà organisé deux vagues d’opérations de refinancement à plus long terme, baptisées TLTRO, pour « targeted longer term refinancing operations », dont la caractéristique est d’être ciblées – comprenez : conditionnelles à l’octroi par les banques qui y ont recours d’un certain niveau de crédits aux ménages et aux entreprises. Pour la troisième vague, prévue de juin 2020 à juin 2021, le conseil des gouverneurs a décidé d’encore réduire le taux d’intérêt. Les banques auront ainsi accès à ces liquidités à un taux de -0,5 %, voire, si elles maintiennent l’encours de leurs crédits au niveau du 1er avril, à -1 %. En pratique, cela revient à subventionner les institutions bancaires (puisqu’elles… gagneront de l’argent en empruntant auprès de la banque centrale) afin de les inciter à maintenir ouvert le robinet du crédit. La BCE a également décidé de créer un nouvel outil : les PELTRO, pour « pandemic emergency longer-term refinancing operations ». Il s’agit, cette fois, d’opérations de refinancement non ciblées, qui seront menées régulièrement dès le mois de mai, afin de garantir l’approvisionnement en liquidités du système financier de la zone euro, en particulier du marché monétaire. Ici aussi, le taux sera négatif, de -0,25 %. Les taux d’intérêt directeurs, pour leur part, restent inchangés, le taux de refinancement principal à 0 %, son niveau depuis plus de quatre ans ; et le taux de dépôt (celui qui s’applique aux dépôts des banques auprès de la banque centrale), à -0,50 %. Un vrai bazooka, assure Christine Lagarde Ce jeudi après-midi, Christine Lagarde a insisté sur l’importance des mesures prises depuis plusieurs semaines par la BCE. Ainsi, la présidente de l’institut d’émission a précisé que les opérations TLTRO peuvent apporter 3.000 milliards d’euros de liquidités au système bancaire de la zone euro, en insistant sur le fait que la BCE avait aussi réduit ses exigences quant à la « qualité » du collatéral, autrement dit : des actifs que les banques doivent déposer en garantie. Christine Lagarde a rappelé qu’à la mi-mars, après un conseil des gouverneurs convoqué en urgence, la BCE avait dévoilé un nouveau programme de rachats de titres financiers, doté d’ici à la fin de l’année d’une enveloppe globale de 750 milliards d’euros. [scald=27525586:sdl_editor_representation] Ce « Programme d’achat d’urgence face à la pandémie » (PEPP) s’ajoute au programme déjà en cours de 20 milliards par mois (APP), auxquels avait été ajoutée une enveloppe additionnelle temporaire de 120 milliards d’ici la fin décembre. De sorte que via ses rachats d’actifs financiers – en grande majorité des obligations émises par les Etats-membres de la zone euro, mais aussi des obligations d’entreprise –, la BCE injectera dans le système financier un peu plus de 1.000 milliards d’euros (1.050 milliards précisément) entre avril et décembre. Empêcher la hausse des taux en Italie La présidente a insisté à plusieurs reprises sur la détermination du conseil des gouverneurs d’en faire plus si nécessaire pour « assurer la bonne transmission de la politique monétaire » à tous les pays de la zone, même s’il faut, pour cela, augmenter le volume des programmes de rachats de titres ou « revoir les règles que la BCE s’était fixées », en particulier, la répartition des achats selon les différents Etats-membres. Le message, déjà porté Christine Lagarde à la mi-mars, a beau être, il est sans ambiguïté. La BCE interviendra pour éviter une hausse des taux d’intérêt pour les pays les plus « fragiles », ceux du Sud de la zone euro fortement touché par la pandémie et supportant déjà une dette publique élevée (relativement au PIB) – et, particulier, l’Italie, aujourd’hui en première ligne. Autrement dit : la BCE veillera à ce que tous les Etats-membres de la zone euro, et pas seulement l’Allemagne et ses voisins, puissent se financer sur les marchés à des taux très bas. La BCE a donc bien pour mission de « resserrer les spreads » – les écarts de taux avec l’Allemagne ; et elle utilisera à cet effet les 750 milliards d’euros du PEPP. Pas besoin du programme OMT Ce programme exceptionnel et temporaire, a ajouté Christine Lagarde, est approprié face à la situation actuelle. Il rend inutile le recours éventuel de certains Etats à un autre outil dont dispose la BCE, le programme OMT, dévoilé en 2012 en pleine crise de la zone euro. Le programme OMT, qui promettait le rachat sans limite de la dette d’un Etat qui en demanderait le bénéfice, mais était soumis à des conditions strictes en matière de consolidation des finances publiques, n’a jamais été utilisé. Cela expliquant sans doute cela. [scald=27525587:sdl_editor_representation] Face aux conséquences économiques et financières de la pandémie, l’éventualité d’un recours à ce programme avait été évoquée, mais refusée par les pays du Sud. Christine Lagarde leur donne donc raison. « Le programme OMT a été conçu à une autre époque, face à une autre crise. Il était destiné à des pays individuels. Nous faisons face à une crise qui touche tous les pays. Le PEPP est le meilleur outil (…) et il pourra, si nécessaire, être prolongé au-delà de la fin de l’année », a affirmé la présidente de la BCE. Christine Lagarde s’est félicitée des mesures déjà prises par l’eurogroupe, qui réunit les ministres des finances de la zone euro. Mais elle a appelé avec insistance les Etats-membres à prendre « des mesures additionnelles et en temps utile (…) de manière ambitieuse et coordonnée », dans le cadre du plan de relance que la Commission a été chargée de préparer.

Votre compte

Coronavirus: la BCE subventionne les banques pour qu’elles ne ferment pas le robinet du crédit

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Économie

Info « Le Soir » Parlement wallon: le vrai coût du voyage de Jean-Claude Marcourt à Dubaï

Manque de neige au ski: que valent les assurances dédiées?

Vie privée: la Belgique une nouvelle fois mise en demeure

Zone euro: la BCE relève à nouveau ses taux d’intérêt de 0,50 point

ING divisera au moins par deux son nombre d’agences

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Bart De Wever: «Magnette Premier ministre? C’est un non franc et massif»

Qatargate: le Parlement européen vote la levée des immunités de Marc Tarabella et Andrea Cozzolino

Entretien L’ancien directeur de Chatham House: «En Ukraine, on ne peut pas accepter une paix boiteuse, une paix de perdants»

Zone euro: la BCE relève à nouveau ses taux d’intérêt de 0,50 point

Critiqué, torpillé, saboté… le projet de loi APD de Mathieu Michel va une nouvelle fois se faire recaler

Simon Mignolet envisage d’arrêter avec les Diables: «C’est devenu un fardeau...»

30 années au service d’une passion : le métier d’infirmière

Des soins intensifs polyvalents et à la pointe des technologies

L’indemnité vélo pour tous les travailleurs belges dès le mois de mai

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel