La toux de Jean-François, la panique de Loredana et la cheville de Marc

Un bip qui sonne comme une délivrance. Jean-François, 45 ans, employé à la Commission européenne, vient de recevoir le « go » de son médecin généraliste. Grâce à l’attestation électronique reçue par mail, il peut enfin aller se faire tester pour le coronavirus. Cela fait plusieurs semaines qu’il en rêvait. « Difficile de se concentrer en télétravail avec la gorge qui gratte sans cesse. J’ai tout essayé : spray, pastille à sucer. Je suis très fatigué et j’ai de plus en plus de mal à respirer. Ce sont peut-être mes allergies saisonnières mais je n’ai jamais connu ça. Or, je ne peux pas me soigner car les anti-inflammatoires sont déconseillés en cas de Covid. Et puis, je m’inquiète pour ma fille qui est aussi asthmatique… » Quand Jean-François a appris aux infos que les critères pour se faire tester au coronavirus étaient désormais élargis à toute personne qui en présente les symptômes, il a recontacté une énième fois son médecin. « Hier, elle m’a annoncé qu’elle avait rempli le formulaire et que je pouvais me rendre à l’hôpital Saint-Luc. Je vais enfin pouvoir être rassuré. » « Restez chez vous » En ce premier lundi ensoleillé de déconfinement, Loredena, 26 ans, est clouée au lit. [scald=27540971:sdl_editor_representation] Garde-malade dans la région de Tournai, elle a travaillé toute la semaine auprès d’un public âgé et sensible. Samedi, elle a ressenti quelques frissons et de la fatigue. Dimanche, elle était barbouillée. Aujourd’hui seule, car son mari, conducteur de poids lourds, a repris la route, elle panique un peu. Impossible de bouger. Elle pense à une sinusite et, « évidemment » au coronavirus. Sa généraliste l’a mise sous certificat pour une semaine et lui a ordonné de ne pas bouger, au moins jusqu’à mercredi. Mal équipés, mal informés ou trop inquiets, de nombreux généralistes ont décidé de refuser de tester dans leur cabinet, alors qu’ils en ont la possibilité depuis le 4 mai. Certains s’accrochent encore à l’ancien protocole, à savoir : le dépistage reste réservé à ceux qui nécessitent une hospitalisation. D’autres, comme Florence, à Namur, sont à l’inverse prêts à se lancer. La généraliste doit pourtant annoncer à Marc* qu’il va devoir se rendre au centre de tri. Sa maison médicale ne dispose que d’une dizaine de kits. Florence préfère les garder pour ceux qui sont totalement incapables de se déplacer. Face à elle, Marc tousse, à cause de sa bronchite chronique de fumeur, bougonne un peu mais promet qu’il ne lui en veut pas. Le quinquagénaire n’a de toute façon pas le choix. Après quatre mois dans la rue, il a enfin trouvé un centre d’accueil avec un lit confortable et un peu de sécurité. Comme pour les hôpitaux, les maisons de repos, les centres d’accueil et les prisons, les règles viennent de changer. Pour y entrer, il faut passer par la case test. Marc, qui en sera à sa troisième PCR, car il a notamment passé une nuit dans un abri contaminé au Covid le mois dernier, se demande surtout comment il va parvenir au « drive-in » où l’attendent les médecins. Il est situé sur le parking du Decathlon à la sortie de l’autoroute à Jambes. Marc n’a pas de voiture et il s’est foulé la cheville la veille… Pendant ce temps-là, à Bruxelles, Jean-François a enfourché son vélo et est arrivé au centre de tri des urgences de Saint-Luc. Dans son téléphone, le précieux PDF avec le descriptif de ses symptômes. Il suit la piste des panneaux « test Covid-19 » et se retrouve devant un préfabriqué qui semble avoir poussé pour l’occasion sur le parking. « Il y avait quelques personnes devant moi mais on m’a dit que j’étais l’un des premiers de la nouvelle vague. » Il constate d’ailleurs que la file s’allonge dans son dos. Un volontaire de la Croix-Rouge le fait entrer, lui donne un masque et l’invite à se laver les mains. On le transfère vers un deuxième cabanon où il doit montrer sa carte d’identité et patienter. [scald=27540979:sdl_editor_representation] Une heure passe, le soleil tape, plus de 20 degrés à l’ombre. Une dame pas très en forme s’assoit sur un bloc en béton. Une autre s’agite, elle veut se faire tester là, maintenant, tout de suite. « Je crois qu’elle avait des problèmes psychologiques », raconte Jean-François. « Un médecin est vite intervenu ». Il est écrit que je dois rester isolé dans une pièce et ne pas manger avec mes proches. Heureusement qu’on a une chambre d’ami Il y a une tente avec des chaises en plastique mais personne n’en profite. Finalement, une infirmière emmène Jean-François dans une petite pièce pour le prélèvement. Il s’assoit, enlève son manteau car il fait chaud et répond une nouvelle fois à une série de questions. « Ils ont aussi pris ma tension, ma saturation en oxygène, puis le médecin m’a ausculté ». On lui demande ensuite de retirer son masque avant que l’infirmière lui enfonce un écouvillon dans le nez. Ce fameux long coton-tige qu’il a vu à la télévision. « C’est impressionnant mais ça ne fait pas mal. Disons que ça picote légèrement. J’ai continué à parler avec le médecin pendant les trente secondes où l’infirmière touillait dans mon nez. » Quatre heures se sont écoulées et Jean-François est de retour sur le parking de Saint-Luc. Il a reçu une feuille avec des instructions à suivre à la maison pendant les 48 heures à venir, soit le temps maximal estimé avant que l’hôpital le rappelle avec les résultats du test. « Il est écrit que je dois rester isolé dans une pièce et ne pas manger avec mes proches. Heureusement qu’on a une chambre d’ami. » En s’en allant, Jean-François jette un dernier coup d’œil vers l’hôpital et aperçoit une infirmière les bras chargés de ce qu’il croit être des tubes. Avec un des siens ? * Prénom d’emprunt

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