«La crise du coronavirus aura des impacts sur les déplacements à moyen terme»

Le Covid-19 amènera des occasions de changer notre façon de voyager, juge Jean-Michel Decroly. Mais il le fera de façon brutale, avec de la casse sociale, là où on aurait pu y aller par étapes, dans une démarche volontariste. [scald=27542014:sdl_editor_representation] Quelle vont être les premières répercussions de la pandémie sur le tourisme et la manière de voyager ? Il risque d’y avoir deux impacts à moyen terme qui seront ressentis pendant un an ou deux. D’abord, une partie des ménages dont le revenu a diminué et pour laquelle les dépenses touristiques, par définition élastiques, va se réduire. Cette dimension sociale de la crise aura des impacts sur les déplacements à moyen terme. Ensuite, d’un point de vue psychologique, les vacances, le tourisme, c’est un moment privilégié pour être avec les autres dans les moyens de transport, les hébergements, les plages. Dans quelle mesure les limitations aux interactions avec les autres ne vont-elles pas réduire notre propension à effectuer des déplacements, parfois longs, pour être confrontés avec d’autres, inconnus. Il existe un risque de crainte plus grande des déplacements, de la fréquentation des monuments les plus fréquentés, des bateaux de croisière, des trains, des avions. [scald=27542017:sdl_editor_representation] L’occasion de changer le tourisme et la manière d’en faire ? Aller vers un tourisme plus durable ? En Europe ? Depuis 30 ou 40 ans, on assiste au développement non durable du tourisme qui implique un recours croissant au transport par avion, un mode de développement qui repose sur une mobilité débridée, une concentration des flux dans des hauts-lieux (Barcelone, Venise…). On peut imaginer qu’à l’avenir, il y ait des critères durables mis en œuvre pour limiter les impacts au niveau environnemental, comme les déplacements en avion, l’accès au logement pour les résidents des grandes villes touristiques. Une manière de rendre durable, c’est aussi de relocaliser, ne pas chercher toujours plus loin, plus exotique… C’est l’enjeu de ce qui se passe aujourd’hui. Les gens ne cherchent-ils pas avant tout le soleil, rarement garanti en Belgique, et des options « tout compris » ? Il n’y a pas que cette dimension-là qui intervient. Pour les vacances, il est important d’être ailleurs pour se reposer et on peut aussi trouver le soleil accessible en voiture ou en train. Pour la durabilité du tourisme, le plus problématique, c’est la multiplication des sauts de puce (city trips) et des voyages lointains. Privilégier des voyages à forfait, pas trop lointains, pas trop massifs, pourquoi pas ? [scald=27542016:sdl_editor_representation] Qui a le pouvoir de faire changer les choses ? Pour les orientations qui vont être prises par rapport aux différentes forces en présence (tour-opérateurs, compagnies aériennes, pouvoirs publics, citoyens), les rapports de force peuvent être remis en question. Peut-être que les pouvoirs publics seront en état de faire changer les choses mais, pour l’instant, la priorité semble être de soutenir les compagnies aériennes pour éviter la casse sociale. Et, dans certains pays, le tourisme est un moteur important de l’économie. Ici, plutôt que d’avoir une forme touristique moins impactante à moyen ou long terme, qui était l’objectif de certains, peut-être qu’on aura une transition plus brutale qui risque de faire de la casse. Aujourd’hui, demain, il y a des opportunités de changer alors qu’on aurait pu y aller par étapes.

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