Mario Notaro: «À 70 ans, tu t’approches de la sortie de tout…»

Allô, Mario ? Bon anniversaire ! Mais je ne suis sûrement pas le premier, à vous le souhaiter, vu que pas mal de sites vous ont fait naître le 7 mai 1950… Oui ! Je ne sais pas d’où vient cette erreur ! Du coup, chaque année, des supporters m’appellent dès le 7 et je suis donc fêté deux fois. Même si, à force, la plupart ont compris que c’est bien le 27… Toujours bon pied, bon œil ? Tout va bien mentalement et physiquement, même si je sens quand même que l’âge est là. Du coup, je reste confiné le plus possible, je ne sors pratiquement pas. À 70 ans, tu t’approches de la sortie de tout… Et de celle du Sporting ? Je pense poursuivre mais je dois évidemment voir avec Mehdi. Mais il m’a déjà dit, en son temps, que j’aurai toujours ma place ici ! En tout cas, j’ai bien pris mes marques dans mon nouveau rôle de conseiller sportif. Et j’ai peut-être lancé la mode puisque j’ai lu que Michel Preud’homme pourrait également occuper ce poste ! En quoi consiste-t-il ? C’est un job qui n’existait pas et donc, j’ai dû trouver ma place. Karim Belhocine est très mature mais il ne connaissait pas le club et Mehdi voulait que je sois là parce que je connais bien la maison, les gens, le fonctionnement. Avec Karim, on avait déjà discuté plusieurs fois, quand il était à Courtrai puis à Anderlecht, et le courant était bien passé. Ici, j’ai découvert un entraîneur qui m’a surpris, techniquement et tactiquement. Et qui fait preuve à mon égard, ainsi que tout le staff, d’un grand respect, aimant avoir mon avis et tenant à ce que je sois toujours sur le banc. Chapeau pour ce qu’il a mis en place, surtout en venant après l’ère Mazzù ! À l’entraînement, évidemment, je ne suis plus sur le terrain car je n’ai plus mes jambes de 20 ans… Si on refait l’histoire, votre passage au Sporting, vous le devez à un exploit historique quand, le 25 août 1991, avec l’Olympic alors en D3 et dont vous étiez le T1, vous avez éliminé le Sporting en 32es de finale de la Coupe de Belgique (2-1), dans un stade de La Neuville en fusion. Un grand moment pour moi qui ai fait un peu tout à l’Olympic : joueur en jeunes, directeur sportif, T2 puis T1 pendant cinq ans. Dans ce derby de folie, à l’entame de la prolongation, mon gardien, Pascal Colinet, touché aux côtes, n’était plus en état de jouer. On ne pouvait mettre alors que trois joueurs sur le banc et je n’avais pas retenu de deuxième gardien, me disant que mon attaquant Pascal Horion, qui s’amusait parfois dans le but à l’entraînement, ferait l’affaire au cas où. Je dis à Pascal de s’habiller en gardien et de s’échauffer mais au dernier moment, alors que Colinet vient de signer un arrêt incroyable en hurlant de mal, je décide de le laisser au jeu et je fais entrer Horion en attaque. Il se rechange, il monte au jeu et c’est lui, l’ancien Zèbre, qui marque le but de la qualification ! En plus, la veille du match, on était tous au mariage d’un de nos joueurs alors que le Sporting était en retraite. Vous aviez titré : « Les Zèbres au vert, les Dogues au verre ! » Et en 1994, le président Jean Pol Spaute, toujours marqué par cet exploit, me faisait venir dans le staff du Sporting. Où vous arrivez en même temps que Georges Leekens… Oui. Robert Waseige devait rester et j’avais même préparé la reprise avec lui, avant qu’il décide de partir au Standard. Au départ, Leekens s’est montré très froid. Il faut dire qu’il n’aimait pas déléguer et que le début de saison avait été compliqué. Pas facile de passer après Waseige ! Mais bon, au fil du temps, ça s’est arrangé. Au Sporting, vous avez été T2, coach des Espoirs et même parfois T1. Soit en tandem, avec Raymond Mommens, Michel De Wolf, Tibor Balog ou Khalid Karama, soit tout seul, pendant 8 matches répartis sur plusieurs saisons. Pour un beau bilan de 3 victoires, 4 nuls et 1 défaite. Et surtout, en février 2012, lors de la saison en D2, vous faites 2 matches entre le limogeage de Tibor Balog et l’arrivée de Dennis Van Wijk et vous les gagnez, contre Saint-Nicolas et à Alost, pour propulser le Sporting en tête pour la première fois de la saison ! Oui. Une saison incroyable puisque c’est Jos Daerden qui avait commencé le championnat. Nous avons donc été champions avec quatre coaches différents ! Sans doute un record du monde… Je me souviens que contre Saint-Nicolas, on est menés 0-1 à la mi-temps, Abbas Bayat quitte le stade et les fans, qui adoraient Tibor, sifflent. Moi, je n’en mène pas large ! Heureusement, on gagne 3-1… Pas de regret de ne pas avoir achevé vous-même le travail ? Non. Je voulais durer et ce n’était pas possible comme T1, surtout avec Abbas Bayat… L’essentiel est qu’on soit remonté car sinon, c’était peut-être la fin du club. La descente, parlons-en, en 2010-2011… Là, il y avait eu cinq T1 sur la saison : Jacky Mathijssen, Csaba Laszlo, Tibor Balo, Zoltan Kovac et Luka Peruzovic. Avant les sinistres Playoffs 3 face à Eupen, c’est en montant dans l’avion pour un stage en Espagne que j’ai découvert Kovac… qui allait être viré après son premier match ! Abbas Bayat interrompait parfois l’entraînement… Il prenait alors le ballon et montrait aux joueurs comment il fallait tirer ! Mais il venait rarement. Par contre, il nous sonnait souvent le midi pour nous faire monter à Bruxelles afin de nous engueuler. Avec Balog, quand le téléphone sonnait, on n’osait plus décrocher… Le coach le plus dur, c’était Luka Peruzovic ? Après certains entraînements, des joueurs vomissaient… Ça, c’est arrivé quand il a remplacé Heylens, alors que j’étais encore à l’Olympic ! À mon époque, les joueurs sortaient déjà un peu moins même s’ils souffraient toujours au décrassage de lendemain de match… Peruzovic, dès qu’il voyait arriver le médecin, il hurlait : « Va-t’en ! Quand tu es là, tout le monde se blesse ! » L’entraîneur qui vous a le plus marqué ? John Collins. Un vrai gentleman. Et le lendemain d’une défaite, il arrivait au stade en chantant, pour ne pas paraître abattu devant les joueurs. Le plus incompréhensible ? Tommy Craig, car il ne parlait pas français, et moi pas anglais. Mais c’était un chouette gars. La plus grosse colère ? Van Wijk, parce qu’un joueur avait effacé quelque chose au tableau. Il a hurlé en anglais mais on a tout compris car ce n’était qu’un torrent d’insultes très typiques… Les moments les plus chauds ? Quand Etienne Delangre est viré après 11 matches, en 2002, on reprend l’équipe, Khalid Karama et moi, pour un match à Lokeren. On perd 4-1 et au retour, notre bus est arrêté par la police qui nous explique que les supporters nous attendent au stade et qu’il ne faut surtout pas y aller. Alors, tout le monde descend à Marcinelle, on se débrouille et on récupère nos voitures le lendemain… Le moment le plus surréaliste ? En 2012, on est champions de D2 sans jouer, suite à la défaite d’Eupen le samedi. On a entraînement le dimanche matin et 200 fans montent sur le terrain, en complète folie ! Pour les calmer, je leur dis qu’ils vont s’échauffer avec nous, et on le fait ! Le lundi, on perd 0-3 contre l’Antwerp mais le stade est en fête… Le moment le plus surprenant ? Le 31 octobre 2009, alors qu’on joue le soir à Zulte Waregem, je commence à donner la théorie sur l’équipe adverse en m’étonnant que Stéphane Demol, notre T1, n’arrive pas. Il débarque enfin, très en retard, et me dit qu’il démissionne. Je ne sais toujours pas vraiment pourquoi ! On coache le match à trois, avec Raymond Mommens et Michel De Wolf, et on fait 2-2… La plus belle saison ? Celle-ci ! Historique puisque le Sporting n’avait jamais fini 3e en D1. Le mieux, c’était 2e, en 1969. J’entends que l’Antwerp râle car il espérait nous souffler la 3e place mais moi, je crois que le coronavirus nous a peut-être coûté la 2e place ! Nous n’étions qu’à une longueur de La Gantoise, sur le terrain de laquelle nous avons effectué une véritable démonstration (1-4) lors de la 29e journée et finalement dernière journée. Sincèrement, je pense que tous les espoirs nous restaient permis. Sauf, quand même, pour le titre ! Les joueurs qui vous ont laissé le meilleur souvenir ? Il y en a tellement… Badou Kere, d’une gentillesse incroyable. Il était venu passer un test au stade Jonet et à un moment, tout le monde était rentré au vestiaire à cause d’une tempête de neige. On cherchait Badou et on ne l’a retrouvé qu’une heure plus tard, avec du givre dans les cheveux, au bout du terrain car il n’avait pas osé rentrer… Ederson et Sergio Rojas étaient aussi des types épatants. Mais le plus professionnel, le plus remarquable, c’était Javier Martos. Mais j’aimais bien aussi Roch Gérard et Philippe Albert qui étaient, comment dire, plus festifs…

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