Chine: les Hongkongais se remobilisent contre l’offensive sécuritaire de Pékin

La tache de sang rouge vif a commencé à couler le long du trottoir. Un policier a marché dedans, laissant des empreintes ensanglantées dans son sillage. La victime, un homme blessé à la tête, est assise à même le sol, sonnée. Personne ne sait s’il a reçu un coup de matraque de la part des policiers qui viennent de charger les manifestants défilant le long de l’une des principales artères de Hong Kong ou s’il a été pris dans la mêlée qui s’en est suivie. [scald=27562321:sdl_editor_representation] Une heure plus tôt, les protestataires avaient envahi Hysan Place, un centre commercial huppé, hurlant des slogans comme « L’indépendance pour Hong Kong, c’est notre seule issue ! » et entonnant en chœur « Glory To Hong Kong, un hymne national informel composé par un protestataire l’été dernier. « Nous devons nous battre pour les libertés dont nous jouissons à Hong Kong et montrer au gouvernement que nous ne baisserons jamais les bras, même si nous devons mourir pour la cause », s’emporte German (*), un jeune homme de 26 ans en short et t-shirt noir qui travaille comme éducateur. « Retournez au travail ! » Lorsque les protestataires se sont finalement déversés sur la route, entre les boutiques de montres de luxe normalement fréquentées par des touristes chinois, 80 d’entre eux ont été appréhendés par les forces de l’ordre et embarqués dans des fourgons de police. Certains étaient âgés de 14 ans à peine. Deux fillettes étaient en uniforme scolaire. [scald=27562318:sdl_editor_representation] A 3 km de là, une autre manifestation sauvage a enflammé un carrefour au cœur de Central, le quartier des affaires. Durant une bonne partie de l’après-midi, manifestants et policiers se sont tancés, insultés et pourchassés dans le dédale de ruelles. Des balles contenant du spray au poivre ont fusé, tirées dans le dos des manifestants en fuite. Des dizaines de personnes ont été arrêtées. « Arrêtez de crier des slogans, vous savez très bien que cela ne sert à rien. Retournez au travail, retournez à vos vies ! », s’est écriée une policière dans un micro. En uniforme de Robocop Ces scènes contrastaient avec le silence oppressant qui s’était abattu sur la ville en début de matinée, lorsque 3000 policiers en costume de Robocop, munis d’armes à feu et de matraques, ont été déployés à proximité du parlement, mettant à mal les plans des manifestants – annoncés sur les réseaux sociaux – d’assiéger l’institution et de bloquer les rues alentours. Leur objectif était d’empêcher les parlementaires de se pencher sur une loi criminalisant les atteintes à « La Marche des Volontaires », l’hymne national chinois. La peine maximale prévue par la nouvelle législation, passée en seconde lecture mercredi, est une amende de 50.000 HKD (5900 euros) et trois ans d’emprisonnement. « Toute personne qui manquerait de respect face à cet hymne, par exemple en détournant le regard du drapeau chinois lorsqu’il est entonné pourrait potentiellement se retrouver en prison », grince German. [scald=27562319:sdl_editor_representation] Mais les manifestants sont aussi sortis dans la rue pour s’opposer à une autre loi, en cours d’examen au parlement chinois, destinée à lutter contre les actes de sécession, de subversion et de terrorisme. « La définition de ces termes est ambiguë », souligne John (*), un étudiant de 18 ans sorti manifester mercredi pour la première fois depuis la crise du Covid-19, qui avait donné un abrupt coup de frein à un mouvement de contestation né en juin 2019. « Dans les faits, cette loi permettra d’enfermer les dissidents politiques, de museler la presse et d’arrêter des gens simplement pour avoir critiqué le gouvernement chinois. » Contourner le parlement local Elle autorisera aussi des agents de sécurité venus de Chine continentale à opérer sur le petit territoire. « Avec cette loi, Pékin va tout simplement exporter son appareil policier et sécuritaire à Hong Kong », glisse Willy Lam, un politologue de l’Université chinoise de Hong Kong. La façon dont la nouvelle législation a été introduite risque en outre de créer un précédent, selon lui. Prévue dans la mini-constitution dont Hong Kong a hérité au moment de sa rétrocession à la Chine en 1997, elle n’avait jamais été réalisée, rappelle-t-il. Une première tentative en 2003 avait échoué suite à des manifestations de masse. Mais le mouvement de contestation de l’été dernier a convaincu Pékin qu’il était temps d’agir. [scald=27562320:sdl_editor_representation] « Les autorités chinoises savaient que la loi ne passerait jamais au parlement de Hong Kong, en raison de l’opposition du camp pro-démocratie, alors elles ont contourné cette institution pour l’imposer par le haut, évitant par là même de devoir consulter la population », dit-il. Mercredi en fin de journée, alors que des manifestations sporadiques continuaient aux quatre coins de la ville, la police a annoncé avoir procédé à plus de trois cents arrestations. (*) Prénoms d’emprunt

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