Amandine Lauro, historienne, chercheuse qualifiée du FNRS à l’ULB, est la coautrice du livre Le Congo colonial. Une histoire en questions paru à la Renaissance du livre. [scald=27581255:sdl_editor_representation] Comment interprétez-vous le déboulonnage des statues de Léopold II ? Pour moi, il s’agit d’une accélération de la temporalité post-coloniale : alors que des contestations montent en puissance depuis plusieurs années, elles se sont télescopées avec la commémoration prochaine du 60e anniversaire de l’indépendance du Congo. A cette occasion, des manifestations diverses étaient depuis longtemps en préparation, et s’y est ajouté le choc émotionnel provoqué par la mort de George Floyd aux Etats-Unis. Ce télescopage a provoqué une accélération de la prise de conscience du racisme, dans l’histoire et dans le présent immédiat. Deux contextes différents se sont ainsi réunis, ce qui a permis de toucher des cercles beaucoup plus larges que le public habituel. [scald=27581257:sdl_editor_representation] Cette prise de conscience concerne-t-elle le racisme, le colonialisme ? De quoi s’agit-il exactement ? Au départ, il y avait certainement une réflexion sur le racisme, à laquelle s’est ajoutée une autre réflexion sur les origines de ce racisme contemporain. La question posée était « quelle est la part de l’héritage de la colonisation dans le racisme d’aujourd’hui… ? » Selon vous, la Belgique a-t-elle fait un travail de mémoire suffisant… Certainement pas. Cependant, parler de tabou absolu dans le cas de la Belgique, ce serait aller un peu loin, il faut nuancer… De telles questions sont réellement revenues dans l’espace public depuis le tournant du millénaire et elles montent en puissance maintenant. Il y a une certaine exaspération née du fait que ce débat sur la décolonisation de l’espace public existe depuis un certain temps, que des personnalités politiques se sont exprimées mais que peu de mesures ont été prises concrètement. Il y a eu des discours mais peu d’avancées… [scald=27581259:sdl_editor_representation] Cette exigence actuelle est-elle le fait des afro-descendants ? Des jeunes ? Traduit-elle une radicalisation politique ? Je crois que l’on constate surtout le résultat du travail de sensibilisation mené depuis plusieurs années sur ces sujets-là et qui a sensibilisé des franges nouvelles de la jeunesse. Déboulonner des statues, à quoi cela sert-il ? C’est plus une question de mémoire que d’Histoire. Ceux qui s’y opposent avancent toujours le fait que déboulonner les statues pourrait effacer l‘histoire. En fait, ce qui est mis en cause c’est la représentation du passé telle qu’elle est mise en scène dans l’espace public. N’y a-t-il pas là une démarche « anachronique » ? Je le répète : c’est toujours la différence entre Histoire et mémoire. Si on était dans une recherche historique, oui, ce serait un anachronisme, mais là c’est dans le registre mémoriel que l’on se trouve : quelles sont les figures que l’on a envie de mettre en avant dans l’espace public ? C’est un choix, qui est présenté aux personnalités politiques… [scald=27581258:sdl_editor_representation]