Jean-Marc Nollet: «La N-VA décide de tout, Michel est en vitrine, le CD&V compte pour du beurre»

Il emmène Ecolo à la Chambre, et les verts plus généralement, avec Kristof Calvo, son compère de Groen. A la veille d’une semaine au finish au Parlement fédéral, avec trois séances plénières exceptionnelles, mercredi, jeudi et vendredi prochains, Jean-Marc Nollet qualifie l’action du gouvernement après neuf mois aux affaires. Pas de quartiers ! Vous n’avez pas épargné le gouvernement ces derniers mois à la Chambre. C’est de bonne guerre dans l’opposition, non ? Pas si simple. Ce qui se passe est très sérieux, très important. On voit bien maintenant, après quasiment un an aux affaires, que c’est un gouvernement qui a fait un choix : l’austérité ; et qui utilise un logiciel : celui des années quatre-vingt. Un gouvernement qui s’accroche à des principes, peu importe l’effectivité des mesures ou leurs conséquences : l’âge légal de la pension, l’index, le nucléaire, les économies linéaires dans la fonction publique – 10 % en personnel, 20 % en frais de fonctionnement, 30 % en réduction des investissements –, privatisations de certains services de police, visites domiciliaires… Tout cela est réalisé sur la base de principes, peu importe l’impact. Un logiciel. Ajoutez que cet exécutif travaille à la hussarde : depuis janvier, il y a 26 textes de lois pour lesquels il a demandé l’urgence au Parlement. C’est du jamais vu. Il avance comme un éléphant dans un magasin de porcelaines : peu importe la concertation sociale, balayée, ou minimisée, peu importe ce que peut dire le Conseil d’Etat, peu importe ce que dit la société civile, ce que dit l’opposition… On fonce ! Avec des dégâts à moyen et long termes dont on ne mesure pas encore aujourd’hui l’ampleur. C’est un tableau très sombre que vous faites là. Les suédois disent, eux, qu’il faut réformer, agir. Ils se présentent comme des « faiseurs »… Des réformes sont nécessaires, et nous, écologistes, sommes tout sauf des conservateurs, c’est vrai en matières économique, sociale, environnementale. Mais là, ils ont branché le mauvais logiciel, ils ont appuyé sur « Enter » et sur l’accélérateur, alors que, justement, pour enclencher des réformes de société, il faut prendre le temps, dialoguer, rassembler, inclure, et faire tout autre chose que ce que l’on voit depuis neuf mois. Vous parlez de « graves dégâts à terme ». A quoi, à qui pensez-vous ? Aux jeunes et aux femmes, principalement. Les jeunes sont non seulement exclus de l’emploi, mais des préoccupations mêmes de la société. Par exemple, en prolongeant les carrières comme on le fait, on va leur prendre des emplois. Et il n’y a pas de « plan tandem » comme Ecolo-Groen l’avait proposé, liant les départs en fin de carrière et l’embauche pour les jeunes. Non, ici, rien de tel. Quant aux femmes, c’est vicieux, cynique. Pensez à la réduction des allocations de garantie de revenus : on présente ça comme une prime que des chômeurs à temps partiel touchaient injustement… Faux. Et ça passe. En fait, cela frappera en toute grande partie des femmes qui ne trouvent pas un emploi à temps plein. C’est un véritable scandale. Un scandale silencieux. Les femmes toujours, seront les premières victimes de la prolongation des carrières, de la réforme des pensions, et tout ça est nié par le gouvernement, vissé à ses principes. Les jeunes, les femmes, dites-vous, seront frappés… Ce sont là deux catégories sociales « vitales » pour le sort d’une société… Avec les jeunes, on tue l’espoir ; avec les femmes, on impose un modèle de société insupportable. Oui, en effet. Vous parlez d’un gouvernement qui s’inspire des recettes des années quatre-vingt. Pourtant ce n’est pas à proprement parler un exécutif de septuagénaires… Mais on peut être jeune et être branché sur le logiciel des années quatre-vingt. C’est un peu un grand retour idéologique. On est tout proche des grandes options de Thatcher. Et, il y a une logique : tout tourne autour de la N-VA. La N-VA qui pilote cette majorité, on a entendu ça souvent ces derniers mois. Vous maintenez ? Le CD&V compte pour du beurre, et Charles Michel est mis en vitrine pour le service après-vente. Les grandes orientations, c’est la N-VA : les pensions, l’index, les privatisations dans la police, la taxe diamants., aucun autre parti n’avait cela à son programme. Même chose pour l’attitude de la Belgique dans les négociations sur la Grèce : c’est la N-VA qui donne le ton, les autres doivent s’aligner, en gros. Le Premier ministre fait des tweets pour dire qu’il y a un accord, il communique de temps en temps, parfois quand il faut ramer, ou rectifier un peu, mais sur le contenu, les orientations… Quant au CD&V, il a beau crier tout le temps dans les médias : « Je veux que, j’exige que ! », le fait est qu’il compte pour du beurre. J’ai fait un petit relevé… En décembre, Kris Peeters dit au « Soir » qu’il n’est plus possible de réduire les dépenses publiques… L’accord budgétaire présenté quelques jours plus tard par le Premier ministre ? 50 % des efforts en recettes, 50 % en dépenses… Silence au CD&V, défaite en rase campagne ! Même chose : le CD&V assurait qu’on ne déciderait pas de la prolongation de Doel 1 et Doel 2 avant de savoir quoi sur Doel 3 et Tihange 2… Vous avez vu ce qu’il en est advenu ? Le gouvernement a prolongé Doel 1 et 2, le CD&V s’est écrasé, il se tait. Et ainsi de suite. Le CD&V dit qu’on n’ira pas plus loin dans les économies en sécurité sociale, la N-VA réplique : foutaise ! Je continue ? Soit. Mais alors, à vous suivre, que fait le CD&V sur ce navire ? Son problème, c’est son choix de départ : avoir considéré qu’il était plus important de sauver leur « Madonne », Marianne Thyssen, de lui attribuer un poste de commissaire européen aux Affaires sociales – du reste, on ne l’entend pas ! – que de prendre le poste de Premier ministre. Avec pour conséquence que le parti n’influe ni sur l’agenda ni sur le contenu de la politique gouvernementale. Le CD&V s’est trompé de gouvernement, il est prisonnier de celui-ci. Ils visent le tax shift tout de même, un virage fiscal en faveur du travail… Et ils auront un mirage fiscal. Il y aura des mesures à la marge, pour équilibrer le budget, mais la réforme fiscale promise, attendez ! Non, les trois principaux rendez-vous dans les semaines et les mois qui viennent, ce sont ceux-ci à mon sens… Un : le virage fiscal. Un vrai, indispensable, pas le mirage fiscal auquel on va avoir droit, et je rappelle que les écologistes proposent la « globalisation des revenus », travail et capital, une vraie réforme ça. Deux : la conférence de Paris 2015 sur le climat. La Belgique est un cancre aux yeux de l’Union européenne, 24e sur 28 en énergies renouvelables, et ils s’en fichent au gouvernement. La compétitivité, et l’emploi, ça se joue aussi sur l’environnement. La FEB dit que le coût des embouteillages, c’est 8 milliards d’euros. Le plus gros tax shift pourrait être fait là-dessus, sur la mobilité. Trois : la SNCB. Je suis très inquiet pour les navetteurs. Les chiffres aujourd’hui sont clairs : plus de 3 milliards d’euros d’économies sur la législature… Enorme ! Déjà, on ferme des guichets, on ferme des lignes en zone rurale. Les tarifs vont exploser, ils vont les « différencier », comme ils disent, pour mieux les augmenter. Avec la SNCB, on touche à un « grand » service public… Evidemment, et ce n’est pas pour rien que ce gouvernement piloté d’Anvers s’en prend à ce « grand » service public : de cette façon, à terme, ce sera soit la privatisation, soit la régionalisation, probablement les deux. Une logique est à l’œuvre. Un logiciel tourne. Leur projet de société est néfaste, ce n’est pas le nôtre.

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