Le vaisseau Trinkhall prend enfin la mer

Ce devait être une mise à l’eau en fanfare mais le 19 mars, le Trinkhall est resté à quai, victime du Coronavirus. Pourtant, depuis trois ans, les travaux avaient transformé radicalement l’ancien Mad Musée en un bâtiment moderne, lumineux, attirant les regards au cœur du Parc d’Avroy. Un nouvel espace artistique enfin en fonction après des années d’attente. « Les travaux ont débuté en 2017, sourit Carl Havelange, directeur des lieux. Mais le concours d’architecture avait été remporté dès… 2008 par le bureau Beghin-Massart. Il a ensuite fallu attendre dix ans avant de lancer le chantier par manque de subventions. Et quand enfin tout était prêt, le Covid est arrivé ! » [scald=27591336:sdl_editor_representation] Devant l’impossibilité d’ouvrir, Carl Havelange et son équipe décident de tout reporter à l’automne. Puis, le déconfinement arrive et avec lui un petit souffle d’air marin qui leur donne l’envie d’entrouvrir les portes et de larguer quelques amarres. Sans attendre l’inauguration officielle, toujours fixée en septembre, le Trinkhall accueillera donc le public, en nombre réduit et sur réservation, dès ce mercredi 18 juin pour son « Entr’ouverture ». Une saga en trois étapes La première surprise pour ceux qui ne sont plus passés depuis un moment dans le Parc d’Avroy sera le bâtiment lui-même. Une élégante architecture aux formes douces et aux façades lumineuses. « Le bâtiment est le compagnon de route de notre politique muséale, souligne Carl Havelange. Il m’importait de l’inscrire dans un lieu. En 1880, le premier Trinkhall a été construit ici même. Une architecture recouverte d’un voile d’acier ouvragé à l’orientale avec deux tours de cuivre mauresques. C’était un lieu de réunion, on y dansait, on y accueillait les premières séances de cinéma. En 1908, il a été victime d’un incendie puis il a subi la première et la seconde guerre mondiale. Abandonné, il a été rasé et remplacé en 1963 par un bâtiment moderniste, tout en béton avec une esthétique entre le style californien et Modeste et Pompon. D’abord restaurant de fruits de mer, il aura plusieurs vies avant d’être occupé en 1981 par le Créahm que venait de créer Luc Boulangé. » Ce dernier a découvert le travail d’artistes handicapés et décide de s’y consacrer. Il crée les ateliers du Créahm en 1979, à un moment où, un peu partout dans le monde, d’autres font la même chose sans le savoir. « Luc Boulangé met sur pied des ateliers de création sans vocation thérapeutique ni occupationnelle. Seul compte l’aspect artistique. Voulant organiser une expo, il s’adresse à d’autres associations comme la sienne à travers le monde. Des œuvres affluent de partout constituant la première collection du Creahm riche de 300 œuvres. » Une collection internationale L’occupation du bâtiment prévue pour quelques semaines dure deux ans à l’issue desquels, suite à un bras de fer avec la ville, le Créahm obtient un bail emphytéotique. Mais à la fin des années 90, le lieu est devenu trop petit et doit être rénové et agrandi. En 2020, c’est enfin chose faite avec une nouvelle carapace en matériau composite augmentant considérablement les espaces d’exposition. Mais au-delà de ceux-ci, il y a bien sûr une collection dont le premier accrochage est consacré à la notion de portrait à travers des œuvres réalisées dans les ateliers du Créahm mais aussi d’autres structures semblables en Belgique et à l’étranger. « La seule caractéristique commune à ces œuvres est l’idée de fragilité », précise Carl Havelange qui entend changer notre regard sur ces artistes. « L’idée qui m’habite, c’est de changer la direction du regard. On a toujours regardé ces productions avec la vision du monde de l’art. Nous voudrions cette fois regarder le monde de l’art avec les yeux de la collection. » Dès le 18 juin au Trinkhall (Liège).

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