Culture: les instances d’avis restent un casse-tête

La nouvelle gouvernance culturelle établie en 2019 par la ministre de la Culture Alda Greoli (CDH) a bien du mal à se mettre en place. Plus d’un an après l’appel aux candidats pour composer les nouveaux organes de consultation culturelle, les instances d’avis espérées pour l’hiver dernier ne sont pas près d’aboutir : il manque toujours plus d’un quart des candidats. Sur 760 postes à pourvoir, ce ne sont pas moins de 46 effectifs et 160 suppléants qui restent à identifier, au point que l’administration générale de la Culture a lancé vendredi dernier un nouvel appel. Il est donc peu probable que les instances soient en place avant 2021. Soit une année de retard par rapport aux prévisions initiales. Le cinéma, c’est OK Un bilan positif : les chambres de concertation (l’articulation entre les secteurs professionnels d’une part, l’exécutif et le législatif d’autre part) sont constituées. Mais les nouvelles instances d’avis (assemblées d’experts chargées de conseiller la ministre sur l’attribution des subsides individuels) sont loin d’aboutir. Les manques actuels correspondent aux listes fuitées que Le Soir avait pu consulter en mars, ce qui signifie deux choses : les manques sont étrangers à la crise Covid, ils ont été identifiés bien avant. Et la crise a ajouté au minimum quatre mois de retard qui viennent se greffer aux complications antérieures. [scald=27639233:sdl_editor_representation] Seule la commission du cinéma (130 membres) est complète. D’autres commissions ne sont pas loin du but : constituée à 92 %, la commission des arts vivants ne cherche plus que 2 effectifs sur 65. Idem pour la commission des musiques, constituée à 82 % : un seul membre effectif lui manque. Mais l’action culturelle n’est pourvue qu’à 50 %, la commission des écritures et du livre est constituée à 55 %. Or les exigences sous-sectorielles sont telles que ce sont les derniers postes les plus difficiles à pourvoir. On est donc bien loin de la moitié du processus. L’oiseau rare… ou imaginaire Un exemple : le conseil de la langue française, qui doit être constitué de 17 effectifs et autant de suppléants, cherche encore 4 membres effectifs et dix suppléants. Cela semble anodin. Cependant, la complexité du décret en termes de non-cumul, d’exclusion, d’équilibre des genres et équilibre des sous-secteurs induit qu’il manque par exemple « deux expertes suppléantes en langues régionales endogènes, selon une représentation équilibrée des différentes variétés linguistiques ». Il n’est même pas certain que ces personnes existent. [scald=27639235:sdl_editor_representation] Linguiste, professeur émérite de l’ULiège, Jean-Marie Klinkenberg siège dans ce conseil depuis 1985 et en a assuré à trois reprises la présidence. Sollicité par nous, il constate que les exigences décrétales « sont presque surréalistes : il faudrait quelqu’un qui représente le picard, un autre le lorrain, un autre l’ouest-wallon (il y a quatre variétés de wallon, une variété de picard, une variété de lorrain, et nous devrions aussi penser au bruxellois, et le luxembourgeois du côté d’Arlon). Si nous voulons respecter cette nomenclature, il faut dénicher la perle rare : par exemple, une femme spécialiste de l’arlonnais. Il est possible que cela n’existe pas. Et si elle existe, il est possible qu’elle n’ait pas envie de venir à Bruxelles pour 50 euros la demi-journée. » Une grande lassitude L’expérience du Pr Klinkenberg est particulièrement intéressante car il a siégé – et siège toujours aujourd’hui, faute de remplaçant – à la fois dans le conseil de la langue française (ancienne formule) et dans la commission des lettres, appelée à être engloutie dans une vaste commission des écritures et du livre. Même s’il a été sensible à l’écoute dont a fait preuve la ministre Greoli, il parle d’une réforme « mal emmanchée dès le départ. Une partie du manque de candidats actuel s’explique par le caractère extrêmement complexe et très précis de la nomenclature. » [scald=27639232:sdl_editor_representation] L’impasse actuelle a un double effet : une lassitude accrue de la part des membres dans anciennes instances, qui n’ont d’autre choix que de prolonger leurs interventions, par égard pour la continuité de l’État. A 75 ans, le Pr Klinkenberg a tenu son dernier conseil de la langue française en décembre 2019, il a encore répondu à une demande d’avis durant le confinement mais aujourd’hui « je n’envisage rien, aucun dossier nouveau, je ne veux même pas y penser : je suis fatigué ». Par contre, il estime qu’il n’a pas la même latitude concernant la commission des lettres : il y siège toujours activement, « dans la mesure où il y a des bourses à attribuer, avec un crédit qui court sur l’année. Il y a d’autre part des livres qui paraissent et dont nous devons recommander l’achat à la ministre. Si nous avions tout arrêté (comme prévu) en décembre dernier, la commission qui allait se mettre en place en septembre – une échéance dont on voit maintenant qu’elle est problématique – aurait eu à couvrir une demi-année de publications, ce qui est titanesque : lire tout ce qui parait en Belgique est un gros, gros travail. A peine mise en place, cette nouvelle commission aurait croulé sous la charge. Donc nous devons continuer à assurer le suivi. » [scald=27639234:sdl_editor_representation] L’autre effet de cette impasse serait un découragement des nouveaux membres. Quant à ceux qui doivent encore se manifester, notamment 160 suppléants, le Pr Klinkenberg n’est pas optimiste : « Se porter candidat comme suppléant, il faut vraiment avoir un sentiment d’“oblation” extraordinaire. Ils ne les trouveront pas, c’est certain. Moi-même pour le conseil de la langue, j’ai voulu solliciter des candidatures, j’ai frappé à une quinzaine de portes pour avoir 4 ou 5 candidats… »

Votre compte

Culture: les instances d’avis restent un casse-tête

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Livres

Livres: l’éditrice belge Luce Wilquin est décédée

La folle histoire des manuscrits de Céline

Entretien Annie Ernaux: «Je ne peux pas imaginer ma vie sans l’écriture»

Critique Jeunesse: Marfarlane, le chaman qui murmurait à l’oreille des enfants

J.K. Rowling menacée après avoir soutenu Salman Rushdie: «Tu es la prochaine»

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Orages, averses intenses… la Belgique en double alerte

Décodage Rentrée scolaire: le matériel informatique fait grimper la facture

L’heptathlon est lancé aux championnats d’Europe: Noor Vidts est deuxième du général après le 100m haies, Nafi Thiam troisième

Grand format Réfugiés ukrainiens: la pression sur les hébergeurs diminue

L’eau du robinet va-t-elle devenir plus chère pour l’utilisation non essentielle?

Flandre: une jeune fille reçoit une balle dans la nuque pendant qu’elle étudie dans son jardin

Près de 2 Belges sur 3 ont la possibilité de se rendre au travail à vélo

Travailleurs ukrainiens : de nouvelles mesures entrent en vigueur

Gestion des salaires : quand la Belgique est à la pointe de la technologie

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel