Quatre mesures contre le dumping social

Le respect ou le rétablissement des droits sociaux n’est pas une affaire du siècle dernier. La persistance de la crise et les carences de l’Union européenne en matière d’harmonisation législative favorisent le dumping social, qui se traduit par l’exploitation de travailleurs (en provenance, pour la plupart, du Portugal, de Roumanie et de Pologne) sur des chantiers de construction, où ils évoluent dans des conditions non conformes à la réglementation fédérale, également par la prolifération de sociétés « boîtes aux lettres » qui exercent leurs activités sur le territoire mais installent leur siège dans un pays où les conditions salariales et de sécurité sociale sont plus avantageuses pour les employeurs. Le phénomène est en expansion, peut-on le contrecarrer ? C’est l’objet d’une proposition de loi PS-SP.A (signée Di Rupo, Kitir, Daerden, Massin et Delizée), prise en considération à la Chambre, évoquée en séance ce mercredi, et qui sera soumise aux travaux en commission parlementaire à la rentrée d’octobre. Les auteurs précisent : « De plus en plus, nous sommes interpellés par des PME, des entreprises, des travailleurs, des partenaires sociaux, par rapport à des problèmes de concurrence déloyale, et à un dumping social préjudiciable à notre économie et à l’emploi. » Les mêmes rappellent les propos alarmistes de l’administrateur délégué de la confédération de la construction, Robert de Mûelenaere, dans Le Soir du 5 mai, estimant que le dumping social est en train de… tuer le secteur de la construction. Le fait est que l’activité progresse (de 1,8 % depuis 2011), mais que l’on a assisté à la perte de 17.000 emplois, alors que le nombre de travailleurs « détachés », en provenance d’un autre pays donc, a, lui, explosé, passant de 118.800 à 314.924 entre 2010 en 2014… Il n’y a pas que la construction : les secteurs du transport, nettoyage, de la découpe de viande, sont frappés eux aussi. Nos législations sont « insuffisantes », la proposition de loi vise à muscler les textes existants. De quatre façons. A commencer par l’extension de la période d’application de la « responsabilité solidaire salariale », avec un maximum de trois mois. Décodage avec Frédéric Daerden : « Actuellement, lorsque l’inspecteur social constate un problème sur un chantier – on pense au recours à un sous-traitant –, l’employeur a 14 jours pour réagir et, s’il est en ordre à ce moment, il ne se passe rien. Avec notre proposition, l’employeur devra rendre des comptes rétroactivement, pour les trois mois qui ont précédé le contrôle de l’inspecteur social, ce qui aura un effet dissuasif. » Ceci encore : la proposition de loi vise à établir que le travail normalement exécuté par les travailleurs ne peut être sous-traité par l’employeur à des tiers, non plus à une société momentanée, pendant toute période de chômage temporaire. Décodage là encore : « Des sociétés mettent leurs travailleurs en chômage économique temporaire et recrutent des travailleurs détachés ! Ce ne sera plus possible avec notre proposition, qui l’interdit formellement et, en outre, hisse les sanctions au niveau 3, avec amende pénale de 200 à 2.000 euros, ou amende administrative de 100 à 1.000 euros. ». Trois : PS et SP.A proposent que le service d’information et de recherche sociale ou/et le conseil supérieur des indépendants et des PME puissent définir une série de critères propres à un ou plusieurs secteurs, une ou plusieurs professions, permettant de qualifier la relation de travail, l’existence ou non d’un lien d’autorité. Une liste précise qui permettra aux services de l’inspection sociale d’agir alors plus aisément, et de veiller au respect des droits et législations, « alors que, jusqu’à présent, des travailleurs détachés se présentaient comme des indépendants, opérant sans lien avec la sécurité sociale, et, aucune définition de la relation de travail ne permettant de caractériser leur situation, ils ne pouvaient être inquiétés, a fortiori leurs employeurs. » Quatre : la proposition prévoit de doubler les sanctions (des amendes) à tous les coups, cela pour toutes les infractions ayant trait au dumping social. Frédéric Daerden : « Mais on doit tenir compte du fait que tout cela est évolutif. Nous avons des contacts avec les syndicats et les employeurs. On se reverra avec le SP.A à la rentrée. Il faudra probablement renforcer notre propre proposition de loi. Là au moins, nous tenons une bonne base de travail. »

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