Pompéi somnole en attendant les touristes disparus

Seul un vent chaud en provenance de la mer parcourt les grandes allées vides et s’engouffre dans les villas romaines en sifflant de façon singulière. Vito Di Gennaro a aujourd’hui du mal à reconnaître ce lieu, patrimoine de l’humanité et deuxième site le plus visité en Italie. Guide polyglotte, passionné d’antiquités et encore en activité, malgré plus de cinquante ans de travail derrière lui, il n’a pas résisté à la tentation de revoir « sa » Pompéi. [scald=27663955:sdl_editor_representation] « Je m’y suis rendu bien qu’aucun engagement professionnel ne m’y attendait. C’était irréel !! Le site a rouvert mais, sans les grands flux touristiques du passé, notamment en provenance des Etats-Unis, il semble désert. C’est le moment idéal pour venir le visiter », lance-t-il d’un accent chantant. Avec des musées presque vides, de grands événements artistiques annulés, des sites du patrimoine dépourvus de leur clientèle touristique habituelle, la Péninsule doit aujourd’hui faire face aux douloureuses répercussions économiques du Covid-19 sur le secteur culturel national. Selon les dernières indiscrétions, le gouvernement s’apprête à injecter 65 millions d’euros supplémentaires, qui s’ajouteraient aux cent millions déjà accordés, pour la relance des musées publics. Un effort significatif mais nullement suffisant pour compenser l’actuelle perte de visiteurs étrangers et de recettes. Un carcan nommé mesures de sécurité Réservations en ligne, distanciation sociale, caméras thermiques pour le contrôle de la température, masques de protection obligatoires… la direction du site de Pompéi, comme toutes les autres institutions culturelles de la Péninsule, respecte, de plus, un carcan contraignant de mesures de sécurité. « Les visites à Pompéi se font désormais en petit comité. Nous avons commencé par des groupes de huit personnes et on passera bientôt à une trentaine de visiteurs, voire plus. Mais par le passé, avec l’arrivée à Naples des grands bateaux de croisière, nous arrivions à gérer des milliers de touristes », déplore Vito. [scald=27663954:sdl_editor_representation] Une nostalgie teintée d’inquiétude qui ne semble pas toucher les touristes étrangers ayant affronté le risque du voyage. Janice Jaraicie, une Américaine, tombée amoureuse de la ville éternelle, vient de visiter, à nouveau, les Musées du Vatican. Rouvert le 1er juin dernier, ce lieu unique du tourisme international peut se vanter d’abriter l’une des principales collections d’art au monde et de recevoir presque sept millions de visiteurs chaque année. « Il n’y avait pas de queue à l’entrée, le silence était absolu et nous n’étions que deux visiteurs en tout ! J’avais l’impression que la chapelle Sixtine, La transfiguration peinte par Raphaël ou l’escalier de Bramante n’étaient là que pour moi », révèle Janice. Les Italiens renouent avec leur patrimoine Dans un élan de solidarité et de fierté nationale, de très nombreux Italiens ont, de même, renoué leurs liens affectifs avec un patrimoine culturel qu’ils ont parfois l’habitude de délaisser ou de considérer comme acquis. « L’exposition dédiée à Raphaël aux Écuries du Quirinal, à Rome, avait été interrompue, quelques jours seulement après son inauguration, par l’explosion de la pandémie. Dès sa réouverture, je l’ai visitée avec deux amis de Ferrare venus spécialement pour l’occasion. Et j’ai dû réserver un mois à l’avance : toutes les places étaient prises », révèle Cristiana, une Romaine qui a profité de la fin du lockdown pour redécouvrir sa ville natale. Surprise par l’impeccable organisation des visites, elle évoque une précision digne « d’une horloge suisse » et la sérénité avec laquelle elle a pu profiter, presque seule dans les grandes salles des Écuries, de ces chefs-d’œuvre de la Renaissance. La beauté est, toutefois, un luxe voué au partage. « Je suis reconnaissante pour tous les souvenirs de cet été mais j’espère que ce pays sera bientôt, à nouveau, la patrie des touristes du monde entier », avoue Janice.

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