Patrick Colpé: «Je vais demander que notre théâtre soit assimilé à un A380»

Patrick Colpé, directeur du Théâtre royal de Namur, a écouté attentivement les nouvelles directives concernant le secteur culturel. Et il s’inquiète pour la rentrée qui reste très incertaine dans les circonstances actuelles. Votre réaction ? On nous laisse toujours en plan, rien n’est résolu pour nous. Nous sommes demandeurs d’un cadre qui nous permette de vivre au moins jusqu’au 31 décembre. Le CNS revient dans un mois, et moi, je peux faire quoi avec 200 places ? 200 places, aux conditions sanitaires actuelles, c’est 800 mètres carrés !! Pour l’Intime festival qui commence fin de ce mois, nous sommes à la cathédrale Saint-Aubain, qui fait 400 mètres carrés utiles. Donc nous restons à cent places, cela ne change rien ! 200 places, mêmes dispersées sur quatre étages (un rez-de-chaussée et trois étages), d’abord cela ne ressemble à rien. Ensuite, si nous pouvons accueillir Pueblo , la création de David Murgia, ce n’est économiquement pas possible pour des spectacles plus importants, avec dix ou douze comédiens sur scène. De nouveau, nous sommes placés dans une situation où nous ne savons pas ce que nous devons faire ! On a lancé la saison, on a deux tiers de nos réabonnements – donc il nous manque aujourd’hui plus de 1.500 personnes qui ne se sont pas réabonnées, ce qui a un coût. Un abonnement représente chez nous une moyenne de 6,5 spectacles, soit plus de dix mille places qui n’ont pas trouvé preneur. Je suis de nouveau suspendu à un cadre qui n’est pas correct par rapport à nos métiers, un cadre qui ne nous respecte pas. Si on me disait « Rien avant le 31 décembre », je peux l’entendre. Le théâtre de Namur, c’est un centre culturel et un centre d’art dramatique. C’est à la fois le théâtre royal et les 3.000 mètres carrés de l’abattoir de Bomel. Ce sont cinquante personnes qui y travaillent. Je fais quoi, moi, avec tout cela ? Quelle dynamique est-ce que je propose au personnel ? On ne peut pas revenir à ce qu’on a fait durant le premier confinement du printemps. Si au moins on me disait « Rien avant le 31 décembre », j’aurais au moins un cadre juridique qui me permet d’activer les clauses qui me délient des contrats signés avec un certain nombre de compagnies, de troupes. On accueille en décembre Hofesh Shechter, qui est un des plus grands chorégraphes européens à ce jour : il me faut un cadre pour pouvoir annuler avec ce garçon ! Les contrats sont signés depuis avant le confinement ! Je vais peut-être vous surprendre, mais si on me dit « rien avant le 31 décembre », je peux mettre une dynamique. Nous faisons partie de ces institutions dont le « théâtre en ordre de marche » est couvert par la subvention. Donc, en ne fonctionnant pas, il y a un effet d’aubaine budgétaire, ce qui me permettrait de réinventer quelque chose par rapport aux metteurs en scènes, aux acteurs, aux compagnies. On pourrait mettre en place l’infrastructure en recherche et développement pendant trois ou quatre mois, c’est-à-dire donner du temps là où on n’en a jamais, permettre par exemple qu’un chorégraphe ou un metteur en scène puisse travailler avec un dramaturge ou un vidéaste, toutes ces choses qu’ils n’ont jamais le temps de faire. Nous devrions sans doute réinventer une relation au public un peu différente, mais au moins on saurait où on va. Mais là, je dois attendre le 20 septembre pour savoir si je dois annuler tout ce qui vient après la mi-octobre ? Et comment voulez-vous que je relance une saison début septembre ? C’est insupportable. [scald=27678171:sdl_editor_representation] Cette possibilité de demander une dérogation au bourgmestre, c’est faisable ? Oui. Et je vais demander à notre bourgmestre Maxime Prévot (CDH) que notre théâtre soit assimilé à un Airbus A380. Idem : 380 places côte à côte avec un masque. Et nous avons de meilleures conditions sanitaires qu’un A380 puisque nous avons beaucoup plus de toilettes et beaucoup plus de circulation possible pour un flux et reflux du public. J’ai un bureau du CA le 1er septembre et je vais demander qu’on fasse cette demande. Avec 380 places, je peux continuer à fonctionner globalement jusqu’au 31 décembre, en perdant de l’argent. Le théâtre de Namur, c’est pas loin d’un million d’euros de recettes propres et ce que vous entendez de la part du théâtre Le Public, nous le vivons aussi. Moi, la marge de perte tolérable, elle est de 100.000 euros maximum, ce qui est assez serré par rapport à l’ensemble des activités que nous avons. Si je tombe à une jauge de 380 places, je serai à 2,5 fois cette perte maximale, mais on peut l’envisager. Donc, oui, je vais interroger mon CA pour demander cette dérogation.

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