Angel Olsen: troubles et tourments intérieurs

C’est dans un lieu pas comme les autres mais qui lui ressemble finalement pas mal qu’a été enregistré Whole New Mess : The Unknown, une église catholique reconvertie en studio par le producteur Nicholas Wilbur et Phil Elverum (alias Mount Erie, 19 albums sous ce pseudo), nichée à Anacortes, un petit bled de l’Etat de Washington, à quelques encablures de Seattle. « Je n’avais jamais été là-bas , explique Angel Olsen, mais j’avais entendu parler de l’énergie qui s’en dégage. J’avais juste besoin d’aller m’y asseoir avec mes chansons, m’y installer comme en résidence. Je n’avais pas besoin de grand-chose, juste une guitare. » Il se dégage effectivement quelque chose d’intime des chansons de ce nouvel album. « J’ai vécu une rupture , explique l’Américaine en guise de préambule, mais c’était bien plus que cela. Quand vous sortez d’une relation, vous devez vous demander ce que vous étiez dans celle-ci, dans toutes vos relations. J’ai voulu enregistrer alors que j’éprouvais encore ces sentiments. » Même si le ton est différent, nettement moins « symphonique », on se retrouve dans la même veine envoûtante de son précédent disque, All mirrors, sorti début octobre 2019. A son sujet, elle disait alors : « Pour moi, et objectivement, c’est un album où il est question d’admettre ce qu’on est et d’apprendre à se détacher. A arrêter d’avoir de l’empathie, de la confiance et de l’amour pour les gens destructeurs. A s’éloigner du bruit et réaliser qu’on peut trouver la solitude et la paix dans ses propres pensées, seule, sans que personne ne doive le savoir ou le valider. Sous toutes ses facettes, qu’il s’agisse de sa création, des textes ou de la manière dont il me fait avancer, ce disque parle d’admettre son côté obscur, de trouver la capacité d’aimer à nouveau et de ne pas refuser le changement même quand on se sent étranger. » La magie opère toujours Aux Nuits Botanique 2017 (on parle là quasiment d’un autre siècle), nous étions allé l’écouter sous le chapiteau, le temps d’un concert souvent planant mais aussi bien bluesy. Mais quelle voix ! Expressive, sensuelle, habitant véritablement les lieux. « Dans un club ou une petite salle faite pour la musique, on aurait trouvé ça normal, écrivions-nous alors, mais ici, c’est presque un petit miracle ! » Certes, il y a toujours eu beaucoup d’introspection dans les chansons d’Angel Olsen. Des questionnements sur la rupture, les relations, l’amitié, la vulnérabilité… « Pour survivre, estime-t-elle, un artiste doit être constamment exposé à du changement. En ce qui me concerne, c’est pouvoir exprimer dans mes chansons une sorte d’épiphanie. Je ne sais pas si c’est ce que j’inspire ou ce que j’attire, ou si c’est juste ma manière de regarder autour de moi, mais il y a du drame dans mon univers. Et il y en a toujours eu. Au moins, je suis heureuse d’avoir appris à coucher cela sur papier ! » Celle qu’on retrouvait à ses débuts aux côtés de Bonnie Prince Billy n’a pas pour autant sa langue en poche. On risque de s’en souvenir à l’heure de la campagne présidentielle aux Etats-Unis. En 2017, elle figurait avec « Fly on your wall » sur une compilation anti-Trump (Our first 100 days). « Nous étions très fâchées à l’époque, exposait-elle dans une interview au magazine InStyle. Le moment était donc propice pour sortir quelque chose qui pouvait remuer les consciences. J’ai l’impression que nous sommes, en tant que femmes, sur le point de perdre le droit de contrôler notre propre corps. C’est quelque chose qu’il faut garder en tête et dont il faut parler en tant qu’artiste, comme le ferait n’importe quelle personne disposant d’un minimum de pouvoir. » On imagine que la vigilance d’Angel sera d’autant plus grande ces prochaines semaines…

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