Procès Marc Progin à Hong Kong: contre la démocratie, ou la francophonie?

Quatre octobre 2019, à Hong Kong : Marc Progin, Suisse, part « shooter » la manif du jour, celle de dizaines de milliers de jeunes qui protestent contre… l’interdiction du port du masque. Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif (pro-Pékin), veut en effet pouvoir identifier et poursuivre ceux qui se battent contre la montée du pouvoir communiste sur l’enclave en Chine méridionale. Ce genre de manif, Marc Progin, résident à Hong Kong depuis plus de 40 ans, les suit toutes. Jusqu’alors, son action volontaire n’a pas connu de soucis majeurs. [scald=27703380:sdl_editor_representation] Mais cette fois, un incident va se produire, qui va mettre un terme à sa chance : il tombe sur un mouvement de foule qui brutalise un militant pro-chinois, puis se retrouve enfermé avec lui dans le hall d’une banque, sous les objectifs d’une meute de journalistes. Immanquablement, dès le lendemain, sa photo apparaît dans la presse locale, avec des commentaires le désignant comme l’auteur du coup. Très vite, l’internet chinois se met en piste pour l’identifier, l’accuser, et jeter son adresse privée en pâture. Le 23 décembre à 7h du matin, arrêté, il comparait face à un magistrat qui l’accuse de sédition et troubles à l’ordre public. Il ressort 12 heures plus tard, mais inculpé sous caution. Homme d’affaires à la retraite Progin, à 74 ans, n’a rien d’un révolutionnaire échevelé : homme d’affaires à la retraite, il s’est aussi fait connaître par ses longues marches à pied, à vélo ou à cheval à travers les steppes mongoles, et ses photos bientôt célèbres de la faune et des nomades qui les sillonnent. Ce blogueur infatigable met son clavier au service de ses lecteurs, décrivant ses randonnées, et défendant les libertés dans Hong Kong : « N’abandonnez jamais », semble être son maître mot dans ses écrits. Mais c’est justement là où le bât blesse : au sommet de l’appareil, le Président Xi Jinping a décidé de remettre au pas cette ville de 7 millions d’habitants, une fois pour toutes. Au terme de l’accord signé en 1984 avec Margaret Thatcher, la ville retournant à la Chine en 1997 comme « Région administrative spéciale » devait jouir pendant 50 ans d’un « haut degré d’autonomie ». Mais après 23 ans, Xi fait voter une loi de sécurité très sévère contre Hong Kong. Le 31 août dernier, prétextant l’épidémie de Covid, le pouvoir local, complètement à ses ordres, reporte d’un an les élections législatives, relançant ainsi la confrontation avec la rue. Depuis lors, une spirale de violence s’enclenche. Jimmy Lai, le milliardaire propriétaire du journal indépendant Apple Daily, est brièvement arrêté. Ce dimanche 6 septembre, 300 militants sont emmenés sans ménagement, y compris une fillette de 12 ans jetée à terre par trois paramilitaires : filmée par un smartphone, la scène est visionnée des millions de fois à travers le monde. [scald=27703445:sdl_editor_representation] Témoin à charge Vu l’absence de toute preuve contre lui, Progin croyait que l’action s’éteindrait d’elle-même. Mais, quelques heures avant la prescription des six mois, l’inculpation était bel et bien confirmée en mai, avec comparution pour le 9 septembre. Il risque un an de prison. Et la durée du procès fixée à deux jours laisse deviner que le régime ne compte rien lâcher. D’ailleurs, le militant pro-chinois victime des coups à l’origine de l’affaire est attendu pour déposer, comme témoin à charge. [scald=27703382:sdl_editor_representation] Dans ce Hong Kong au souffle coupé dans l’attente du verdict, le moral est au plus bas. Plus personne n’ose parler : « tous », dit Progin, « se réfugient derrière leur masque… sous prétexte de Covid ». Mais s’il écope d’une peine de prison, nombreux sont ceux, étrangers comme Hongkongais assez riches pour se le permettre, qui penseront à faire leurs valises. C’est peut-être le but voulu dans les hautes sphères : pour cette ville qu’il veut mettre au pas, le pouvoir socialiste rêve de réduire l’influence étrangère, les envies de droits de l’Homme et de démocratie. Peut-être même, à travers Progin, est-ce autre chose qui est visé : « Parenthèses », la légendaire librairie française de Hong Kong, qui n’est tenue par nulle autre que son épouse. En langue française certes, et donc pour un public restreint, ce sont tous les livres des auteurs chinois, même dissidents, qui sont accessibles en cet espace discret. Et nul doute que Pékin ne verrait pas d’un mauvais œil l’extinction de ce phare de la liberté de pensée sur sol hongkongais. Verdict attendu jeudi 10 au soir ! [scald=27703381:sdl_editor_representation]

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