Les coopératives citoyennes, un atout de poids pour les communes

Depuis l’extérieur, sur la grand-place de Paliseul, rien que de très normal : le bâtiment de la poste semble tout ce qu’il y a de plus banal. Ce n’est qu’en s’approchant du perron que l’on remarque un panneau un peu original : magasin de village. Depuis le début du mois, services postaux et magasin alimentaire cohabitent en effet au rez-de-chaussée. En fait, c’est bpost qui est locataire ici et le proprio, c’est une coopérative citoyenne, Ethic’ et toit. [scald=27705027:sdl_editor_representation] « L’idée est née en 2013-2014, la crise nous avait fait remettre en question le modèle économique, nous avons donc lancé cette structure afin de créer une épargne citoyenne », explique Pierre-Alexis Roland, à l’origine du projet. « Le bâtiment de la poste était en vente et nous nous sommes dit qu’il s’agissait là d’une belle opportunité. On a alors sondé l’intérêt du public en 2016 et 2018 en venant donner une conférence et évaluer ce qu’ils aimeraient voir ouvrir dans la commune. La plupart ont répondu qu’ils aimeraient voir une petite épicerie revenir dans le centre. » [scald=27706727:sdl_editor_representation] La coopérative a donc investi les lieux et a ouvert un magasin dans les locaux abandonnés. « On le constate un peu partout dans le pays, les villages se vident. Entre les services postaux qui se raréfient, les banques qui ferment leurs antennes et les petits magasins franchisés qui ne peuvent plus supporter les contraintes imposées par leur enseigne, il devient compliqué, pour les citoyens, d’accéder à un service public ou aux premières nécessités. » [scald=27705026:sdl_editor_representation] Empêcher la désertification des villages D’une certaine façon, cet ancien fonctionnaire aux Finances a le sentiment de lutter contre la privatisation progressive du patrimoine de l’Etat. « La tendance est plutôt au détricotage du bien commun et du patrimoine collectif. Ici, l’épicerie appartient à la collectivité. Enfin, aux coopérateurs ». [scald=27706356:sdl_editor_representation] Pour l’heure, ils sont 65 à avoir investi dans la structure. Ainsi, les services postaux restent dans le bâtiment et côtoient le petit magasin au rez-de-chaussée. « A l’étage, quatre appartements ont été aménagés afin de nous permettre de rembourser les prêts contractés chez W.alter et chez Crédal », ajoute Pierre-Alexis. Mais ce n’est pas la seule épicerie qui a essaimé dans la province. Une autre remporte un vif succès à quelques kilomètres de là, dans le village gaumais de Bellefontaine. « Plusieurs agences de développement local (ADL) se sont réunies dans les locaux de Prométhique, à Saint-Hubert. La coopérative avait déjà racheté des bâtiments pour les transformer en logements sociaux et en espaces de rencontre. L’ADL de Tintigny nous a sollicités pour mettre sur pied une coopérative sur un modèle similaire dans leur commune. J’ai donc décidé de prendre une pause carrière pour me consacrer au projet, car à cette époque, à Bellefontaine, dans la commune de Tintigny, un petit magasin franchisé s’apprêtait à fermer ses portes. Il y a eu comme un soulèvement de la part des habitants qui ne voulaient pas voir disparaître le dernier commerce de leur localité. Ils se sont donc fortement mobilisés pour lancer Cœur de village. En tout pas moins de 90 coopérateurs ont financé le projet et le font tourner au quotidien ». [scald=27706357:sdl_editor_representation] « Un supplément de vie » La commune, elle aussi, est ravie de cet engouement : « Au départ, nous avions évoqué la possibilité de racheter le bâtiment. Nous ne voulions pas trop nous impliquer dans la création de la coopérative, mais nous n’étions pas certains qu’il soit très sain que la commune s’implique trop. Mieux valait laisser cours à la concurrence. Toutefois, il y avait clairement une volonté citoyenne forte, un souffle pour éviter que la dernière surface commerciale du village ne disparaisse, explique Benjamin Destrée, deuxième échevin de Tintigny. On a donc limité notre action à des contacts avec l’ADL qui a participé à la mise en marche du bâtiment. Au final, cette gestion citoyenne du magasin nous semble être une très saine hybridation. Et, clairement, cela apporte un réel supplément de vie au village. Les gens ont appris à travailler ensemble et créer un terreau favorable. On a la chance de compter d’autres coopératives sur le territoire communal et chacune apporte du positif à la vie locale. » [scald=27706358:sdl_editor_representation] Pierre-Alexis Roland, lui, estime que les communes devraient s’investir davantage dans ce genre d’initiatives. « Ici, à Paliseul, nous n’avons pas reçu la moindre aide de la commune. Ils ne nous mettent pas de bâtons dans les roues, mais ils n’ont rien fait pour nous aider à nous implanter. Quand on y réfléchit, il s’agit pourtant de préserver un bâtiment public pour qu’il continue à offrir des services de première nécessité. La Région wallonne, elle, aide par l’intermédiaire de W.alter, mais la plupart des communes ne voient pas l’intérêt d’investir dans ce genre d’initiative alors qu’elles redynamisent bien souvent l’économie locale et luttent contre l’effet des villes-dortoirs. La commune de Meix-devant-Virton, par exemple, l’a bien compris. Son dernier magasin fermait. Les habitants avaient investi 4.000 euros dans le projet Epicentre. La commune a donc décidé d’investir 4.000 euros elle aussi. Pour moi, les communes devraient suivre cet exemple, car bien souvent ces petits magasins qui ne recherchent pas les profits à tout prix sont bien plus résilients et pérennes que les magasins traditionnels. Ils participent en plus à l’économie locale et font vivre les producteurs du coin. » [scald=27706359:sdl_editor_representation] Mieux que la banque Mais les citoyens, eux aussi, ont parfois du mal à se laisser convaincre d’investir dans ces projets. « Le plus souvent, on continue d’avoir confiance dans les banques pour garder notre argent. Pourtant, celles-ci, en investissant dans des produits à risque, ne proposent même pas de taux de croissance très intéressants pour les petits épargnants. En devenant coopérateur, en revanche, on sait dans quoi on investit et on a son mot à dire sur ce à quoi cet investissement peut servir. On recrée du lien, et on permet de préserver du bien commun. »

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