En mode local - Le choix de la qualité pour prendre son destin en mains

Je ne voulais pas faire manger aux gens ce que je ne mangerais pas moi-même ». Alors qu’on leur posait à chacun (à des moments différents) la question du choix d’une production de qualité différenciée, Jordan Godfriaux et Jean-François Labeye nous ont donné exactement la même réponse. Le premier est éleveur de porcs fermiers à Malèves-Sainte-Marie et président de la coopérative Porc Qualité Ardenne. Le second élève des poulets bio, commercialisés sous le label Coq des Prés de la coopérative Coprobel, à Trooz. [scald=27765171:sdl_editor_representation] [scald=27765168:sdl_editor_representation] Et le choix de l’agriculture durable et de qualité, « à taille humaine », ils l’ont fait il y a longtemps, en 2006 pour Jordan Godfriaux, et dans les années 90 déjà pour Jean-François Labeye et sa femme Anne dans leur Ferme de Chevronsart. Sans le moindre regret. « Je n’aurais pas voulu dépendre de l’industrie pour avoir un revenu », déclare Jordan Godfriaux, par ailleurs bourgmestre de Perwez. « C’était le bon choix, je ne sais pas si on serait encore là si on n’avait pas fait ça », abonde de son côté l’aviculteur, qui est également producteur laitier bio. [scald=27765173:sdl_editor_representation] Un choix encore conforté par une demande des consommateurs que les deux hommes voient croître lentement mais sûrement. Certes, reconnaît Jordan Godfriaux, cela reste « un marché de niche ». PQA, la plus grosse coopérative wallonne qui fait de la qualité différenciée (porc fermier, porc plein air et porc bio), produit environ 55.000 porcs par an, sur un total de 750.000 en Wallonie et… 13 à 14 millions en Flandre. Et pour ce qui est de la volaille, les Belges mangent encore 90 % de poulets « standards » (qui grandissent en 31 jours, contre 56 jours pour un poulet de qualité différenciée intermédiaire et 70 à 75 jours pour un poulet bio). Changements de comportement alimentaire « Mais une partie des consommateurs commencent à réfléchir à leur alimentation, même s’ils ont été conditionnés par des décennies de produits industriels », constate l’éleveur porcin, qui a fait, comme les Labeye, le choix de la vente à la ferme. « Les gens aiment le contact avec les producteurs », insistent ces derniers. « Ils veulent retrouver le produit d’antan ». Nostalgie ? « Oui, cela revient souvent », précisent-ils. « Mais on voit aussi une clientèle plus jeune qui est attirée par nos produits ». Et si les crises, comme on l’a vu pendant le confinement, n’ont généralement qu’un effet de « boost » provisoire – les habitudes de la grande distribution reprennent rapidement le dessus –, il reste toujours quelques pour cent d’acheteurs qui changent durablement leur mode de consommation et se transforment en clients fidèles. [scald=27765176:sdl_editor_representation] Notez que l’argument du goût n’est évidemment pas le seul. Les cahiers des charges des différentes filières de qualité différenciée, contrôlés par des organismes indépendants, insistent sur la nourriture (céréales en tout ou en partie locales, absence d’OGM, diminution des produits phytosanitaires voire pas du tout en bio…), l’importance des circuits courts (vente chez des artisans-bouchers, aux restaurateurs, à des groupements d’achat ou directement à la ferme), du respect de la biodiversité et du bien-être animal. Si les cochons de Jordan Godfriaux ne sortent pas de leur porcherie, ils bénéficient de 50 % d’espace en plus que dans l’élevage traditionnel, avec un paillage régulier. « Le transport est adapté pour réduire le stress », explique l’éleveur. « Et les porcs sont anesthésiés avant l’abattage selon une technique unique utilisée dans notre abattoir de Malmedy ». Mutualisation des forces Mais attention aux clichés, prévient de son côté Jean-François Labeye, « il faut une certaine échelle pour que ça tourne. Les écolo-bobos rêvent de cinquante poulets qui gambadent dans la basse-cour. On ne sait pas vivre avec ça ! ». A la Ferme de Chevronsart, les 4.800 poulets n’en bénéficient pas moins de deux hectares de verte prairie pour s’égailler sous la vigilante surveillance de deux bergers Patou, chargés d’éloigner les renards. [scald=27765172:sdl_editor_representation] Surtout, les agriculteurs mettent en avant le fait que le travail sur la qualité en coopérative leur a permis de mutualiser les forces et les investissements, et de reprendre en mains leur destin, singulièrement leur rémunération. « On a une politique de prix stable alors que le marché du porc industriel est très volatil », indique Jordan Godfriaux. « On ne veut pas gagner beaucoup d’argent mais être sûrs d’avoir un revenu toute l’année. Un prix juste et durable tout le temps ». « L’alimentation est plus coûteuse, ce sont des poulets à croissance plus lente, il y a les frais de contrôle, l’abattoir spécifique (NDLR, ArdenneVolaille à Bertrix) : c’est plus cher à produire », rappelle Jean-François Labeye. « On ne devient pas riches, on ne compte pas nos heures, mais on a la garantie de recevoir toujours un prix juste pour notre travail ». « Il y a des contraintes liées au cahier des charges », reprend Jordan Godfriaux. « Mais cette manière de travailler a un impact positif sur le bien-être de l’agriculteur lui-même : il est respecté dans la filière. Chacun de ces éléments est important pour la qualité finale du produit ». Une qualité qui se paie, côté consommateurs. « En sortie PQA, la viande est environ 20 % plus chère », concède Jordan Godfriaux. « Mais quand vous cuisez une saucisse de 140 grammes composée uniquement de viande de porc, de sel et de poivre, et qu’il vous en reste 130 grammes dans l’assiette – et pas 100 ou 110 et le reste d’eau –, ce n’est pas plus cher. C’est important », conclut-il. [scald=27765175:sdl_editor_representation]

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