Gucci craque pour le son belge

M ani Meme, ça sonne drôlement bien et ça sonne surtout drôlement italien. C’est ce qui aura tapé dans l’oreille de Gucci. Mais phonétiquement, Mani Meme, c’est du néerlandais : « Maar niet met mij. » Mais pas avec moi. C’est pourtant avec lui, avec l’Anderlechtois Walter Verdin, que la maison de haute couture a choisi de collaborer. Plus précisément, Gucci et le groupe Kering (dont Balenciaga, Alexander McQueen…) utiliseront son morceau, sorti en 1983, pendant une période de cinq ans sur leurs réseaux sociaux, leurs événements et expositions dans le monde entier. [scald=27790957:sdl_editor_representation] « Un contrat de 12 pages quand même », explique le musicien, vidéaste et artiste graphique de 67 ans. « Je ne sais pas comment ils sont tombés dessus. Une agence de New York m’a contacté pour savoir si j’étais bien détenteur des droits de la chanson. Je pense qu’ils ont vu la vidéo en noir et blanc que j’avais réalisée en 1983 et que j’ai mise sur YouTube en 2008. » [scald=27790964:sdl_editor_representation] Pour les droits, c’est un peu compliqué puisque plusieurs personnes ont contribué à la création du titre signé du groupe De Nota : Pieter Vereertbruggen, Karel Vereertbrugghen, Bieke Daems et Walter Verdin. Après la séparation de De Nota, Walter fonde Pas De Deux avec Dett Peyskens et Hilde Van Roy et réalise un nouvel arrangement, avec des cuivres et une percussion sur un rythme de batterie typique des années 80. « L’énergie du chant et des cuivres en combinaison avec le son rétro-électro s’intègre parfaitement à la nature contradictoire nostalgique de la collection Epilogue d’Alessandro Michele », déclare-t-on chez Gucci. Cette collection expérimentale se réfère aux créations des années 60 et 70 et veut célébrer la magie de la mode en montrant ce qui se passe dans les coulisses. D’où les images du photographe américain Alec Soth où, derrière les modèles, on voit s’affairer des « petites mains » portant le masque… Une chanson intemporelle et joyeuse « La période qui est vraiment synonyme de libération, pour moi », raconte Alessandro Michele, le directeur artistique de la maison italienne, « ce sont les années 70, quand j’étais enfant. C’était l’âge d’or de la marque Gucci et je m’y réfère sans cesse parce que c’est à ce moment-là que les vrais changements ont commencé. » [scald=27790965:sdl_editor_representation] Ce vent de liberté, de changement et d’expérimentation, il en a trouvé l’illustration sonore dans ces 3 minutes 26 parues à l’origine sur le mini-album Des Tailles. « Avec De Notta, on n’a jamais enregistré de disque », poursuit Walter Verdin. « On n’a jamais trouvé de firme. Mais on a fait des tas de concerts, la première partie de Jo Lemaire & Flouze, ou d’Echo and the Bunnymen. Avec Pas de Deux, on a enregistré ce mini LP en 1983, sur lequel il y avait notamment Rendez-vous, une chanson qui a participé à l’Eurovision 1983 – on a eu 13 points, beaucoup de la Grande-Bretagne, de l’Espagne et du Portugal. Plus tard dans la même année, Mani Meme est sortie chez Parsley Records, avec sur la face B, le morceau Cardiocleptomania qui est assez culte aujourd’hui. Il a dépassé les 112.000 écoutes sur Spotify, les fans d’électro connaissent bien. » [scald=27790956:sdl_editor_representation] Mani Meme est la seule chanson en italien de Pas de Deux. « On a fait des chansons en flamand (Iedereen is zot, elle est aussi sur Spotify), en anglais, en allemand et dans des langues qui n’existent pas. On aurait peut-être dû continuer, vu le succès qu’on a plus de 30 ans après. Mais on était jeunes, on avançait, on voulait passer à autre chose. J’avais déjà une carrière sous mon propre nom avec le tube Is er iets, en 1980. J’avais aussi déjà créé des tas de pochettes de disques, toutes celles de Kamikaze, entre autres, le label de Marc Moulin. » Mais le faiseur de tubes a lâché la musique pour la vidéo. Ses installations ont parcouru le monde entier, il a travaillé pour le théâtre et la danse, avec Wim Vandekeybus et Octavio Iturbe, Steve Paxton ou Anne Teresa De Keersmaeker et sa compagnie Rosas. « Mes vidéos sont comme ma musique », dit-il. « Il ne faut pas chercher d’histoire dedans, pas de message. Je ne raconte rien. J’expérimente, je fouille. Je m’amuse. Mani Meme, ce n’est pas autre chose. Une chanson intemporelle et joyeuse. On a bien besoin de ça à l’heure actuelle. »

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