Comment mettre fin au scandale de la pauvreté des enfants en Belgique?
Alors que la pauvreté frappait déjà 20 % des enfants en Belgique, le covid risque de faire grimper cette proportion à 25 %. Il est cependant possible d’agir pour éviter cette catastrophe.



Selon les chiffres de l’Unicef, un enfant sur cinq (20,6 %) en Belgique vit dans un foyer disposant d’un revenu inférieur à 60 % de la moyenne : un taux extrêmement choquant dans un pays riche et aussi développé que le nôtre. Et la crise du covid risque bien de le faire grimer à 25 %. Mais il n’y a aucune fatalité : des mesures bien identifiées peuvent mettre fin à ce scandale.
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C’est quoi, la pauvreté infantile ?
« Comme nous l’a expliqué un ado, la pauvreté, ce n’est pas seulement un manque d’argent, c’est surtout un manque de possibilités de faire des choses », décode Bernard De Vos, délégué général aux droits de l’enfant. « La pauvreté infantile en Belgique, c’est en effet un affront à la Convention des droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 20 novembre 1989. Car face à la grande pauvreté, que devient le droit à des conditions de vie décentes, à la culture, aux loisirs ? Même en Belgique, des enfants sont privés de soins de santé en raison des dettes de leurs parents. Qui sont confrontés à des choix impossibles : payer les lunettes du petit dernier ou remplir le frigo ? Et où est le droit à l’instruction de ces enfants alors que notre système scolaire est l’un des plus inégalitaires, avec un excellent niveau pour les meilleurs élèves, et des résultats très mauvais pour les plus faibles ».
« Trop souvent, poursuit Bernard De Vos, les enfants vivant dans un milieu culturel pauvre ont un retard scolaire et sont envoyés dans l’enseignement spécialisé alors qu’ils ne souffrent d’aucun handicap. Et les classes populaires sont surreprésentées dans les sections techniques et professionnelles, qui sont très mal considérées alors qu’elles devraient être des filières d’excellence ! »
On pourrait remettre en cause le concept même de la pauvreté infantile : si les enfants sont pauvres, c’est évidemment parce que leurs parents le sont. Mais cette pauvreté des plus jeunes risque de conditionner toute leur vie future : c’est pour tenter d’empêcher cela qu’il est bon de mettre en lumière ces données choquantes.
« Cet indicateur n’est en effet pas un gadget : il est là pour rappeler l’État à ses responsabilités : c’est à lui de veiller à ce que cette pauvreté disparaisse, insiste Bernard De Vos. Tous les dix ans, la Délégation publie un rapport sur cette pauvreté. Le dernier est sorti en 2019. Or, la situation ne cesse de s’aggraver. Il y a trente ans, la grande pauvreté ne concernait que ce qu’on appelait le quart-monde belgo-belge. Ces familles sans emploi formel, où la pauvreté se transmet de génération en génération. Cette catégorie existe toujours. Mais trois autres groupes s’y sont ajoutés ».
Il y a désormais aussi les travailleurs pauvres : leurs revenus sont trop faibles. Comment faire vivre une famille avec 1.300 euros ? Et ils ont souvent des horaires fragmentés qui compliquent terriblement la vie de leur famille.
Il y a ensuite les nouveaux pauvres : ils avaient du travail, avaient pris des engagements financiers pour une maison, une voiture, et puis, à la suite d’une délocalisation, d’une faillite, tout s’écroule, ils tombent dans une pauvreté d’autant plus terrible qu’ils n’ont aucune expérience de cet état, ils ne savent pas où demander de l’aide. Viennent enfin les migrants intra ou extra-européens. Certains sont dans une pauvreté épouvantable, contraints à vivre dehors avec leurs enfants.
« Mais il faut aussi prendre garde à ne pas culpabiliser les parents, les rendre coupables de cette pauvreté qui frappe leurs enfants et qui est due essentiellement à l’organisation de la société », met en garde Carine Baiwir, qui travaille bénévolement pour ATD-Quart Monde après avoir connu elle-même la grande pauvreté. « Et tout faire pour que, à ce terrible dénuement, cesse de s’ajouter le mépris. Celui que subissent les parents face à l’administration, face à certains dirigeants d’établissements scolaires. Celui qui frappe les enfants : ces regards blessants de leurs camarades de classe et parfois des enseignants, et qui font aussi mal que la misère ».
« Dans tous les ménages, les parents font du mieux qu’ils peuvent pour leurs enfants. Mais le grand risque, pour ces familles qui ont trop peu de tout, c’est le repli sur soi : on mange ses forces pour essayer de survivre, on n’a plus les moyens de se confronter aux autres, de développer son esprit critique, de faire preuve d’audace. Et on perd ses rêves, ses désirs, ses espoirs », alerte Christine Mahy, du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté
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Quel est l’impact du covid ?
« La crise du covid est venue encore aggraver cette situation », souligne Caroline Van der Hoeven, coordinatrice du Réseau belge de lutte contre la pauvreté. « Les travailleurs précaires (en intérim ou du secteur informel) qui ont perdu leur travail ne bénéficient pas du chômage temporaire. Et en plus, avec le confinement, les frais de chauffage et d’électricité ont augmenté. Tout comme les prix des aliments dans les supermarchés. Les familles qui étaient déjà en difficulté financière ont plongé dans le surendettement ».
« Le covid est comme une loupe qui accroît les inégalités, poursuit Christine Mahy. Dans les familles sans ordinateur, sans wifi, comment poursuivre le travail scolaire ? Dans un logement exigu, comment confiner dans le calme une famille nombreuse ? Et que deviennent les jeunes s’ils perdent le contact avec l’école, avec les éducateurs de rue des quartiers populaires ? »
Ces observations de la réalité sociale sont confirmées par de nouveaux chiffres de l’OCDE. « En Belgique, la crise du covid devrait entraîner une chute de 12 % du PIB en cette année 2020, détaille Maud Dominicy, d’Unicef Belgique. Le taux de pauvreté infantile, qui est de 20,6 %, devrait grimper à 25 % cette année. Or, cet impact négatif risque de durer au moins cinq ans, ce qui est énorme dans la vie d’un enfant… »
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Quelles pistes pour en sortir ?
« Face à la crise du covid, poursuit Maud Dominicy, on observe que, dans les pays riches comme la Belgique, 85 % des programmes de soutien sont destinés aux entreprises, au secteur privé. On comprend qu’il faut soutenir l’économie. Mais si on ne consacre que 15 % de ce budget de crise à l’aide sociale, au soutien aux familles en difficulté, on va à la catastrophe. Il est urgent de renforcer la protection sociale des plus démunis et de venir en aide à ceux qui tombent actuellement dans la pauvreté. Quelques mesures ponctuelles ont été prises, des allocations plus élevées, un congé parental, mais il s’agit de programmes à très court terme, valables pour quelques mois, alors que les conséquences de cette crise seront ressenties à long terme, avec des impacts graves pour les enfants en termes de santé, de santé mentale, d’apprentissage, de formation des jeunes, de leurs chances futures de trouver un emploi ».
« Alors que de nombreuses familles dépendent uniquement des allocations, il est donc encore plus essentiel d’augmenter les minima sociaux, qui sont en dessous du seuil de pauvreté en Belgique, détaille Caroline Van der Hoeven, du Réseau belge de lutte contre la pauvreté. Comment s’en sortir avec un revenu d’intégration de 639 euros pour un cohabitant, 959 euros pour une personne isolée et 1.296 euros pour un chef de famille ? En 2011, le gouvernement Di Rupo avait promis de les augmenter, suivi en cela par le gouvernement Michel, mais rien ne s’est concrétisé. La nouvelle équipe De Croo a pris le même engagement. Cette fois-ci, ce n’est plus un secrétaire d’État mais une ministre, Karine Lalieux, qui est en charge de la lutte contre la pauvreté. Nous espérons donc un réel engagement financier, mais aussi un plan stratégique, une vision ».
« Il faut aussi investir massivement dans l’accueil de la petite enfance, plaide Bernard De Vos. En Belgique, il n’y a de places en crèche que pour 35 % des bébés. Contre 100 % dans les pays nordiques. Or, les 1.000 premiers jours de la vie sont cruciaux. Dans les crèches, des activités d’éveil et de psychomotricité sont développées. Les enfants sont dans un bain linguistique, c’est là qu’ils font leurs premiers apprentissages. Chaque euro investi dans ce secteur permet d’en économiser jusqu’à 8 plus tard, car cela permet d’éviter des retards de scolarité, des problèmes, de la remédiation. C’est une des clés de l’épanouissement des enfants ».
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S'abonnerQuelques règles de bonne conduite avant de réagir5 Commentaires
Sans avoir lu l'article, ma réponse immédiate à la question que pose le titre serait "en utilisant beaucoup d'impôts à une aide sociale efficace plutôt qu'à rétribuer des postes inutiles dans le mille-feuilles institutionnel".
Si on ne mettait pas la majorité des logements sociaux dans les mêmes quartiers il y aurait une meilleure mixité sociale parmi les élèves, quand on ajoute encore et encore dans les mêmes quartiers les écoles sont asphyxiées, il faut arrêter de raconter n importe quoi
Comment ? En n'en faisant pas plus qu on ne peut élever et quoi qu en dise Bernard Devos qui aime défendre les communautés maghrébines ,non on ne met pas d office les enfants maghrébins dans l enseignement spécial ,beaucoup d enfants dans l enseignement spécial sont issus d unions consanguines, d où de lourds problèmes ,mais il est plus facile de dire que c est de la faute des autres,il y a quelques années la fondation roi Baudouin affirmait que 60 % des marocains en Belgique étaient propriétaires au Maroc,cela doit être encore plus à l heure actuelle, alors dans la vie il faut assumer ses choix et dans beaucoup de ces familles il y a plus de gsm que de livres, ce gars m énerve, il prépare son avenir car son contrat s achève en 2021 et il ratisse large et veut faire pleurer dans les chaumières
Exact, mais c'est tellement plus facile de raconter des salades.
Pourquoi font-ils autant d'enfants quand ils sont déjà dans des situations précaires ?