En mode local – Des saveurs de plus en plus durables dans les assiettes des cantines
Composition des repas, ingrédients bio, approvisionnement local… les choses sont doucement en train de changer dans la restauration collective. Mais la route vers le durable reste encore semée de quelques embûches.


Au menu des maternelles de l’Institut Saint-Henri ce lundi : des frites, de la salade et du vol-au-vent. Classique à première vue, mais c’est le chef cuistot des lieux qui nous chuchote la particularité : « Les frites viennent d’une entreprise de Mouscron et le vol-au-vent du boucher du coin », glisse fièrement Rudy Heughebaert. Depuis un peu plus d’un an, l’établissement scolaire situé à Comines-Warneton a entamé une mise au vert de ses cantines. Objectif : être le plus durable possible.
« Avant, on proposait des sodas, par exemple. Nous les avons supprimés et remplacés par une machine qui fait de l’eau pétillante. L’année passée, tous les élèves ont reçu une gourde et ont un accès permanent à l’eau potable », détaille Charlotte Gruson, professeur de français et responsable du projet dans l’établissement. La composition des menus a également été revue pour être plus locale et issue de l’agriculture biologique lorsque c’est possible. « Pour tout ce qui est viande, on a des partenariats avec des bouchers et des fermiers de Comines-Warneton. Pour les fruits, on travaille avec un fournisseur bio ».
A près de 200 kilomètres de là, les repas dégustés ce mardi par les élèves de plusieurs écoles namuroises avaient eux aussi une saveur « durable ». Derrière leurs fourneaux, les cuisiniers de La Cuisine des champs, à Fernelmont, fournissent chaque jour 250 écoles et crèches. Ici, l’engagement dans une alimentation saine et durable date d’une quinzaine d’années. Aujourd’hui, les recettes sont composées à 30 % de produits bio et 50 % de produits locaux. « Le reste, c’est du riz, des bananes… Ça ne peut pas être local, mais l’origine est contrôlée et on achète très peu de produits déjà transformés », indique Jeanne Collard, la directrice de la structure. « Au début, c’était simplement faire des repas de qualité, puis on a commencé à introduire quelques produits bio, puis on s’est interrogé sur la provenance des produits. On est dans une réflexion permanente ».
Le défi de l’approvisionnement
Le choix du lieu d’installation de la cuisine a d’ailleurs fait partie de cette réflexion. « On voulait vraiment se rapprocher des producteurs ». Car aujourd’hui, l’approvisionnement reste un défi de taille pour les cantines collectives qui souhaitent proposer des repas plus durables. Producteurs et maraîchers sont présents en nombre sur le territoire wallon, mais tous ne sont pas adaptés aux besoins spécifiques des collectivités. « Par exemple, si le client du maraîcher est un magasin, il va avoir besoin de 100 kilos de carottes toutes les semaines. Nous, quand on met la carotte au menu, on a besoin de 600 kilos de carottes d’un coup. C’est parfois un problème, parce que les maraîchers ne sont pas habitués à ce genre de démarche », constate Jeanne Collard.
Dans les cuisines de l’intercommunale Vivalia, qui gère en province du Luxembourg des services hospitaliers et plusieurs homes, c’est un problème qu’on connaît bien. Chaque jour, près de 1.600 repas sont préparés pour les résidents et les patients, 500 autres pour le personnel. Un travail sur la durabilité est aujourd’hui effectué, dans un premier temps pour les repas du personnel. « Nous avons été un peu bloqués par la grosse structure que nous sommes. Les petits fournisseurs n’arrivent pas à répondre à nos marchés publics. Nous avons donc mis en place une politique d’achat séparée pour les cantines de notre personnel. Plus de fournisseurs ont pu y répondre. Pour nos patients et nos résidents, on met aussi du durable, mais c’est plus compliqué car les volumes sont trop importants pour les petits producteurs locaux », explique Aurore Pierson, coordinatrice qualité et nutrition dans la structure.
Plus cher, vraiment ?
L’autre grand défi est évidemment le coût. Car le bio, ça a un prix. Chez chacun de nos interlocuteurs, on tente (souvent avec succès) de s’y retrouver. Chez Vivalia, les surcoûts sont évités grâce à un calcul sur l’offre alimentaire globale. « C’est une politique à avoir », reconnaît Aurore Pierson. « On rééquilibre les quantités. On met par exemple un morceau de viande de 130 g dans l’assiette, plutôt que 150 g. Alors, on peut se permettre pour le même prix un produit « durable ». Même chose si on utilise de l’alimentation végétale, les légumineuses vont coûter moins cher qu’un morceau de viande ou de poisson ».
A Comines, l’Institut Saint-Henri a tout de même augmenté légèrement le prix du repas, de vingt cents. « C’est vrai que ça a un coût. Nous ne sommes pas les moins chers du marché », admet de son côté Jeanne Collard, qui nuance toutefois. « Ça reste extrêmement raisonnable, car lorsqu’on travaille sur le gaspillage alimentaire, sur des grammages précis, sur une diminution de consommation de viande, on arrive à maîtriser les coûts ».
Reste toutefois un dernier obstacle, plus inattendu : convaincre les premiers concernés, à savoir les consommateurs. « C’est le gros gros gros défi ! », insiste Jeanne Collard. « Tout le monde trouve ça chouette quand il y a des repas de qualité dans les écoles, avec beaucoup de légumes et de fruits. Mais quand on met des brocolis au menu, les parents sont contents, les enfants moins. Il faut leur expliquer qu’une fricassée de lentilles, ça peut être bon ou qu’une purée de lentilles corail avec des poireaux, c’est délicieux ».
Et sur ce point, les plus vieux ne rattrapent pas forcément les plus jeunes. « Quand on parle d’alimentation saine et équilibrée, ça ne correspond pas du tout à notre alimentation spontanée en Belgique. La communication est assez difficile », appuie Aurore Pierson. « On est habitué au morceau de viande de 250 g ; or, ça va à l’encontre de l’alimentation durable. Les céréales complètes, comme le riz, les pâtes, le boulgour, sont aussi assez difficiles à faire apprécier. Je croyais que c’était acquis, mais ce n’est pas si simple, même pour du personnel soignant ». A l’institut Saint-Henri, un an après la mise en place de la nouvelle politique, le constat est toutefois rassurant, voire encourageant : la participation à la cantine est en augmentation.
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