Panama Papers: le gouvernement ouvre une enquête, l’opposition ne décolère pas

Du Lux Leaks en 2014 au « Panama Papers » aujourd’hui en passant par le SwissLeaks l’an dernier, on assiste peut-être, comme l’écrit l’Express, au « sacre de l’investigation mondialisée », a fortiori pas à celui des politiques visant à lutter contre la grande fraude financière. Pour elles, ce serait plutôt le sacré retard. Quoi qu’il en soit, à la divulgation de nos informations dimanche soir et lundi, l’opposition a bondi pour incriminer le pouvoir en place depuis près de deux ans, la suédoise donc, accusée carrément de freiner dans le concert des nations… Pour les socialistes, Ahmed Laaouej, député-expert, ne fait ni une ni deux : « Les résultats de l’Inspection spéciale des impôts sont en net recul, l’Office central de la lutte contre la délinquance économique et financière a vu ses moyens réduits, le régime de sanctions liées aux commissions secrètes a été écorné, la taxe Caïman est un gruyère ! La lutte contre la criminalité financière était devenue une priorité sous le gouvernement précédent, on a basculé, on est dans la pantalonnade ». Le socialiste ponctue : « Et pour l’immédiat, après les nouvelles révélations, nous demandons que, chez nous, des poursuites au pénal puissent être envisagées pour les “cerveaux” des montages frauduleux ». [scald=871254:sdl_editor_representation] Remontés eux aussi, les verts ont réclamé, en premier, d’activer au plus vite la commission des Finances, et obtenu de son président, Eric Van Rompuy (CD&V), l’audition de Johan Van Overtveldt, mais aussi de Hans D’Hondt, patron du SPF Finances, et Frank Filippsen, de l’Inspection spéciale des impôts. Le député Georges Gikinet est à la manœuvre : « Qu’est-ce que la Belgique a fait des informations du LuxLeaks ? Quelles modifications législatives et pratiques ont-elles été décidées à la suite de l’Excess Profit Ruling en 2015 au bénéfice des multinationales ? Là, notre gouvernement se retourne contre la Commission européenne qui nous avait interpellés, pour la contredire ! C’est le comble ! ». [scald=871282:sdl_editor_representation] [scald=871278:sdl_editor_representation] Le ministre des Finances réagit prudemment En face, la majorité ne reste pas sans voix. Johan Van Overtveldt a réagi prudemment. « S’il apparaît que nous sommes devant une fraude effective, le fisc dispose d’un arsenal de moyens pour agir et entamer des poursuites comme il se doit dans ce genre de dossier. Mais après enquête. » Et enquête il y aura, puisque le ministre a saisi l’Inspection spéciale des impôts. Il estime également que les évolutions dans la lutte contre ce type de comportement résident dans la coopération internationale. « Les journalistes qui font aujourd’hui ces révélations ont fait du très bon travail, mais ceci vient d’une fuite. Ce qu’il fait donc, c’est obtenir des mécanismes internationaux structurés pour que la transparence fiscale soit un fait. On y travaille, mais c’est une tâche de longue haleine. » Sur la réaction que suscitent nos révélations dans le public, le ministre des Finances se dit compréhensif. « Je comprends que cela suscite des réactions irritées, mais nous allons tout faire pour que, de manière réaliste, la justice ait le dernier mot. » [scald=871264:sdl_editor_representation] Au final, quel regard les « anciens », en charge de la lutte contre la fraude avant Johan Van Overtveldt, portent-ils sur la politique de la suédoise après deux ans aux affaires ? Là aussi, on se divise. Pénaliser banquiers et avocats Secrétaire d’Etat entre 2011 et 2014, président du SP.A depuis 2015, John Crombez se réjouit, dit-il, de la levée partielle du secret bancaire au plan international et de l’accentuation de l’échange d’informations : « Ce sont de très bonnes choses ». Mais il ne passe rien au gouvernement fédéral : « Il n’y a pas d’objectif budgétaire, aucune vraie nouvelle initiative législative depuis qu’il est en place, et les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2015, l’Inspection spéciale des impôts affichait un résultat de 900 millions, contre 1,4 milliard l’année précédente ». Soit. Que faire concrètement après le PanamaPapers ? « Deux choses. Un : renforcer les sanctions pour les banquiers et les avocats qui jouent les intermédiaires et qui prétendent agir en toute légalité, ce n’est plus acceptable. Deux : arrêter une fois pour toutes les opérations de régularisation des capitaux, qui offrent une issue aux fraudeurs ». [scald=871265:sdl_editor_representation] Pour Bernard Clerfayt, secrétaire d’Etat entre 2008 et 2011, la fraude fiscale est d’abord et avant tout un phénomène international. « J’ai toujours dit qu’en Belgique, la fraude était plus sociale que fiscale. L’argent des grands fraudeurs, même s’ils sont belges est à l’étranger. Les moyens de lutte sont donc surtout dans la coopération internationale. Et c’est là que le bât blesse encore : beaucoup de pays ont des exceptions dans leur législation qui empêchent la lutte contre la fraude. » L’ancien secrétaire d’Etat concède qu’« il y a encore beaucoup d’argent planqué à l’étranger. » Mais pour lui, il est difficile de le rapatrier. « C’est pour cela que les régularisations fiscales ont prouvé leur efficacité. », dit-il. Il se défend pourtant de toute inaction, dans le passé. « La directive sur les revenus de l’épargne va entrer en vigueur en 2017. Elle prévoit un échange de données entre états européens. Ce sont des mesures prises dans le passé qui portent à présent leurs effets. » Pour Bernard Clerfayt, la fraude fiscale devient donc de plus en plus difficile à mettre en place. « Seuls les grands fraudeurs vont encore pouvoir frauder, malgré nos efforts de lutte, car ils ont des moyens financiers importants. La fraude moyenne va devenir impossible. », conclut Bernard Clerfayt. [scald=871296:sdl_editor_representation]

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