Comment faciliter la formation du gouvernement fédéral?
Dans le cadre de l’initiative Re-Bel (Rethinking Belgium), Christophe Convent (DPG Media) introduira le mardi 12 janvier un débat sur le thème « Comment faciliter la formation du futur gouvernement fédéral ? » En introduction à ce débat, nous publions une carte blanche d’Edoardo Traversa (UCLouvain) et Dave Sinardet (VUB/ USaint-Louis – Bruxelles).

De mai 2019 à septembre 2020, comme de juin 2010 à décembre 2011, les partis politiques se sont montrés incapables de former une coalition disposant d’une majorité parlementaire. De ce fait, des gouvernements en affaires courantes ont été prolongés de manière anormalement longue, avec une capacité d’action constitutionnellement réduite – ce qui diminuait leur efficacité- et sans véritable contrôle politique du Parlement – ce qui nuisait à leur légitimité.
L’accord de gouvernement du 30 septembre 2020 exprime le souhait « d’éviter, à l’avenir, que les formations de gouvernement s’éternisent ». Nous nous en réjouissons. Et l’initiative Re-Bel souhaite contribuer à la réalisation de ce souhait en organisant un débat public sur diverses propositions visant à atteindre cet objectif.
Dans le texte de l’accord, le gouvernement affirme : « Nous évaluerons les règles pour la formation d’un nouveau gouvernement fédéral, en prévoyant, par exemple, un délai officiel ou un mécanisme de déblocage ». Mais il ne précise pas la conséquence du dépassement de ce délai. Il pourrait s’agir de nouvelles élections. Le but ne serait alors pas tant de rendre la voix aux électeurs que de faire pression sur les partis politiques et éviter des jeux tactiques inspirés par des logiques partisanes. Par exemple, les partis bien représentés dans le gouvernement en affaires courantes peuvent avoir intérêt à le garder en place. La perspective d’une sanction électorale pourrait suffisamment effrayer les partis concernés. C’est cette peur des élections qui a finalement convaincu certains d’entrer dans la coalition Vivaldi.
D’autre part, certains partis ayant la faveur des sondages pourraient bloquer la formation, pour retourner aux urnes. Certes, même ce scénario peut être considéré comme préférable à un enlisement. Mais qu’en serait-il si les résultats ne différaient pas significativement entre les deux élections ? Des pays comme l’Espagne ou Israël ont connu des élections à répétition depuis plusieurs années, sans que celles-ci permettent de garantir une stabilité gouvernementale. On pourrait aussi prévoir d’autres incitants d’ordre financier, comme une dégressivité des dotations aux partis politiques, voire aux parlementaires eux-mêmes, après un certain laps de temps.
Un « mécanisme de blocage » non défini
Le texte de l’accord évoque également un « mécanisme de déblocage » non autrement précisé. Il pourrait s’agir de formaliser la procédure de formation du gouvernement en rendant automatique certaines coalitions : par exemple, une « coalition miroir » qui serait le reflet des gouvernements régionaux ou communautaires. Une telle formule aurait des implications institutionnelles fondamentales. Quel serait en effet encore le rôle – et l’utilité - de la Chambre des représentants et des élections fédérales ? Par ailleurs, dans sa variante bi-régionale, cette formule ne tiendrait pas compte de la région de Bruxelles-Capitale. Dans une variante tri-régionale le gouvernement fédéral serait structurellement composé d’un très grand nombre de partis (9 dans la situation actuelle). En outre et surtout, ce n’est pas parce qu’on oblige des partis à former une coalition qu’il leur sera plus facile de s’accorder sur un programme. Cela risque plutôt d’avoir l’effet inverse : puisque les partis concernés sauraient alors qu’aucune coalition n’est possible sans eux, ils pourraient abuser de leur pouvoir de blocage.
Une proposition qui pourrait par contre inciter les partis à un positionnement plus ouvert au consensus avec les partis de l’autre communauté est l’instauration d’une circonscription fédérale, aujourd’hui défendue par divers responsables politiques. Elle inciterait les partis à plus tenir compte des intérêts et sensibilités des électeurs de tout le pays. Il faut cependant noter que les formations gouvernementales récentes ont été au moins autant entravées par des conflits entre partis du même groupe linguistique que par des tensions communautaires.
L’expérience d’autres pays peut peut-être aussi servir d’inspiration. En Suisse, le conseil fédéral est composé de sept membres élus individuellement par l’Assemblée fédérale. Ils sont généralement proposés par les partis suivant une clé proportionnelle, selon le résultat des élections, mais il est arrivé que l’Assemblée fédérale ne suive pas les candidatures officielles. Ce système paraît bien fonctionner. Reste à savoir s’il est transposable en Belgique, en particulier au regard des différences entre les deux pays quant à la forme du fédéralisme et du système politique.
Une alternative originale
Dans un essai récemment publié par le think tank Itinera, Christophe Convent fait une proposition alternative originale. Si après trois mois aucune coalition ne dispose du soutien de 50 % des députés, le seuil nécessaire pour obtenir la confiance est abaissé à 45 %, puis à 40 % après six mois. Une fois obtenue la confiance, ce gouvernement même minoritaire resterait de plein exercice pendant toute la durée normale de la législature, sauf adoption d’une motion de méfiance constructive par 50 % des députés et installation d’un nouveau gouvernement.
Cette formule a l’avantage de faciliter la formation du gouvernement en abaissant le quorum requis pour le soutien parlementaire. Mais, d’abord, jusqu’où l’efficacité doit-elle primer sur la représentativité ? Le seuil de 40 % ne deviendrait-il pas la norme, plutôt que l’exception ? Y aurait-il encore un incitant à former des coalitions plus larges ? Ensuite, de tels gouvernements seraient-ils en mesure de réaliser leur programme, vu qu’ils devraient quand même faire voter à la majorité absolue les lois nécessaires pour leur mise en œuvre ? Enfin, les difficultés rencontrées par les partis pour former un gouvernement sont-elles principalement dues à des mécanismes institutionnels inadéquats ou inexistants ? Les causes véritables ne sont-elles pas à rechercher ailleurs ?
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