Charles-Henri de Maleissye-Melun: «Le consommateur veut bénéficier de l’usage pérenne de ses électroménagers»

Le lave-vaisselle qui flanche, alors qu’il tourne à plein régime en ce moment, vu que tous les repas de la famille se prennent à domicile, crise du covid oblige. Un frigo pris d’une grosse fièvre au bout de trois ans seulement. Une machine à laver bloquée qui expose à des frais imprévus vraiment malvenus… C’est à ces situations d’électroménagers en détresse qui perturbent la vie quotidienne, nuisent à l’environnement et grèvent le portefeuille, que va tenter de répondre un service d’un nouveau genre sur le marché belge. Pour 12,99 euros par mois, Vanden Borre Life – c’est son nom – promet à ses souscripteurs la tranquillité d’esprit, la participation à la lutte contre l’obsolescence prématurée, ainsi que la prévisibilité des dépenses. En effet, le distributeur, doté de son propre service de réparation, s’engage à remettre en marche, durant la disponibilité des pièces de rechange, tout composant du parc de gros électroménager (pour les appareils de plus de 150 euros, hors hotte et produits de plus de 15 ans) des ménages, qu’il ait été ou non acheté dans un des magasins de l’enseigne (avec un supplément unique de 79 euros pour la première réparation d’un appareil acquis ailleurs). Le coût de l’intervention est plus élevé que celui du produit ? Le souscripteur reçoit alors un bon à valoir d’un montant équivalent au prix de l’appareil neuf. Si ce service apparaît en 2021, qui plus est en pleine crise du covid, ce n’est pas totalement par hasard, comme l’explique Charles-Henri de Maleissye-Melun, patron de Fnac Vanden Borre. Pourquoi avoir lancé ce nouveau service ? Chaque année, notre service après-vente traite plus de 65.000 appareils défectueux en magasins et intervient plus de 62.000 fois à domicile. Nous en réparons plus de 80 %. Nous constatons aussi que sept clients sur dix viennent acheter un nouvel électro suite à une panne. Celle-ci est la première raison de renouvellement des électroménagers. Pouvoir les réparer est donc un vrai besoin. En même temps, le consommateur veut de la sécurité. Avec notre nouveau service, il n’a plus à se préoccuper de savoir s’il a une extension de garantie – que nous continuons à proposer – et quand elle arrive à échéance. Par ailleurs, il se soucie de plus en plus de durabilité. Or, avec Vanden Borre Life, nous allons plus loin dans notre engagement à prolonger la durée de vie des produits. Cinq ans, ça ne suffit pas. Aujourd’hui, nous avons un engagement de disponibilité des pièces détachées de 7 ans minimum. Nous travaillons avec les marques pour allonger ce temps. Avec Liebherr et Electrolux, nous atteignons déjà 10 à 12 ans. Est-ce vraiment normal de devoir payer un abonnement pour qu’une machine à laver ou un frigo dure 5 ans, voire plus ? La garantie légale de deux ans couvre largement les vices de fabrication ou les problèmes de conception du produit, lesquels se déclarent durant les premiers mois d’utilisation. Obtenir plus de garantie, cela présente un coût qui n’est pas inclus dans le prix du produit. A moins que le client ne doive payer plus cher… Pas sûr qu’il accepte. Avec notre nouveau service, nous lui offrons le choix. De plus, nous contraignons les fabricants à s’engager sur la durabilité de leurs produits en rendant les pièces les plus disponibles possible. Par ailleurs, nous sommes en train de mettre au point un baromètre de fiabilité des marques et des produits sur base des taux de pannes que nous constatons. Pourquoi avoir lancé ce service en pleine pandémie de covid ? Durant cette crise, les gens ont fait le point sur leur consommation et se sont recentrés sur l’essentiel, tout en pensant à leur impact environnemental. Ils ont aussi eu besoin, plus que jamais, de se mettre à l’abri de frais imprévus. Notre programme, lancé avec succès en France par Darty (groupe propriétaire de Fnac Vanden Borre, NDLR) il y a un an, représente une dépense mesurée pour pouvoir bénéficier de l’usage pérenne de ses électroménagers. Cette maîtrise du budget est, en réalité, propre à l’époque. On le voit avec les formules d’abonnement pour le contenu télé ou encore le leasing auto : les gens se focalisent davantage sur l’usage que sur la consommation. Pour l’électroménager, cela fait d’autant plus sens que ce n’est pas le produit le plus séduisant qu’on a envie de changer au fil des évolutions technologiques. Justement, au cours des dix derniers mois, quels produits ont le mieux fonctionné ? Même si les chiffres du marché ne sont pas astronomiques, l’électroménager a tiré son épingle du jeu. Les gens ont davantage utilisé leurs appareils qui, du coup, sont davantage tombés en panne. Les autres produits qui ont le plus bénéficié de la crise sont ceux dédiés au télétravail : ordinateurs, imprimante, équipement réseau, webcam. Le petit électroménager a aussi très bien fonctionné : les tondeuses à cause de la fermeture des coiffeurs, les robots de cuisine et les appareils pour s’amuser en famille comme les machines à raclette. Le marché de la télévision se porte très bien lui aussi. Nous avons enregistré de fort belles ventes de grands écrans de qualité. Les gens se sont fait plaisir en utilisant le budget qu’ils consacraient d’ordinaire aux voyages d’été ou de Noël. Par contre, les fers à repasser et les générateurs vapeur ont moins bien fonctionné. A cause du télétravail, les gens soignent un peu moins leur apparence. Ils portent notamment moins de chemises. Les consommateurs se sont aussi adonnés davantage aux achats en ligne. Avec quelles répercussions pour vos enseignes physiques ? Avec la fermeture des magasins au premier confinement, nous sommes devenus des acteurs exclusivement en ligne. Or, notre modèle d’affaires repose sur l’omnicanalité consistant à commencer ses achats en ligne et à les terminer en magasins ou l’inverse. Ce fut donc pour nous un travail colossal d’adaptation au niveau de la logistique et de la livraison. Nous nous en sommes bien sortis car nous avions déjà l’expérience d’internet – le site de Vanden Borre existe depuis 2002. A la réouverture des magasins, nous avons vu les clients revenir mais avec un poids du net toujours plus important à cause des contraintes sanitaires comme l’interdiction du shopping à deux. Le deuxième confinement, en novembre, a été très différent grâce à l’autorisation du click & collect en magasins. Plus de la moitié des commandes en ligne a été retirée dans nos magasins à cause de la pression sur bpost . Cela rassurait nos clients de venir prendre livraison de leurs produits en 30 minutes et de pouvoir parler à un vendeur juste avant de payer. Ça nous a renforcés dans notre conviction que les consommateurs ont encore besoin du magasin. Où en est maintenant la santé de l’entreprise ? Grâce à notre organisation omnicanal, nous nous en sommes plutôt bien sortis. Nous avons aussi réussi à limiter la casse en activant le travail de nuit dans notre dépôt pour de la préparation de colis, grâce à un accord social antérieur à la crise. Ça nous a permis de tenir nos délais de livraison de 24 heures presque tous les jours. Le click & collect nous a aussi beaucoup aidés lors du deuxième confinement. Face à l’inconnue de la crise, nous avons eu quelques craintes au début pour l’entreprise qui a bénéficié d’un prêt garanti par d’Etat en France. En Belgique, nous avons dû malheureusement recourir au chômage temporaire. Mais grâce à notre agilité, nous n’avons aujourd’hui pas d’inquiétude pour la santé de Fnac Vanden Borre. Au contraire, nous investissons dans des projets à long terme qui ont du sens, comme Vanden Borre Life. Le service, ça représente quoi pour Vanden Borre ? C’est sur le service que nous avons basé toute notre stratégie depuis des décennies. Il est là pour fidéliser le client. Mais il est très difficile à tenir à un niveau élevé de performance et d’engagement. Notre service après-vente multimarque, intégré dans notre structure de coût, nous sommes le seul distributeur belge à le faire lui-même. Nous sommes sûrs que cela valorise notre offre et que cela fait venir les clients en plus grand nombre. De ce fait-là, c’est économiquement viable pour nous. Même face aux pure players comme Amazon et Coolblue ? Comme on l’a vu avec la crise du covid, les gens ont besoin de contact avec les commerçants. Beaucoup de pure players l’ont d’ailleurs compris : ils ouvrent des points de vente (Coolblue s’y est mis et Bol.com joue la complémentarité avec Delhaize, NDLR), parce qu’internet tout seul, ce n’est pas possible. Nous nous sommes frottés à eux. Et, bien sûr, en confinement, quand les ventes ne peuvent se dérouler que par le net, cela profite plus à ceux qui réalisent d’ordinaire 100 % de leur chiffre d’affaires en ligne qu’à ceux qui en tirent 20 %. En ce début d’année 2021, que reste-t-il des achats en ligne ? Avant la crise, l’e-commerce en ligne évoluait d’un point par an. En quelques mois, il a gagné 5 à 6 ans d’évolution. Le voici à 25-30 % du marché. Il va maintenant se stabiliser. Cette progression ne profitera pas uniquement aux pure players mais aussi aux enseignes comme la nôtre dont les affaires ont explosé sur le net. Et cela continue car les conditions antérieures de circulation en magasins ne sont pas encore rétablies. Cela dit, pour moi, le poids de l’e-commerce, ne veut plus dire grand-chose. Quand vous faites du click & collect avec une commande en ligne et un retrait en point de vente, est-ce un achat internet ou physique ? Concernant les pure players opérant depuis l’étranger, revendiquez-vous, comme Comeos, des mesures pour vous battre à armes égales ? C’est un vrai sujet : aujourd’hui, il y a une distorsion de la concurrence. Nous ne payons pas tous la même chose et nous ne devons pas respecter les mêmes règles, même si nous appartenons au même marché européen. Nous, nous avons pris la décision de défendre l’emploi et l’économie en Belgique. Il y a trois ans, nous avons ouvert un deuxième entrepôt à Willebroek, pas aux Pays-Bas comme d’autres distributeurs. Il est essentiel que toutes les parties prenantes, syndicats inclus, se rendent compte qu’on est dans un marché ouvert. Il ne faut pas accepter n’importe quoi. Mais il faut être conscient de l’existence d’intervenants extérieurs, notamment aux Pays-Bas et en France qui bénéficient de conditions différentes. Ça leur coûte moins cher d’employer quelqu’un dans leurs dépôts pour préparer les commandes. Nous, ça nous coûte 30 à 50 % plus cher. Mais cela permet d’avoir encore des gens capables de consommer chez nous parce qu’ils ont un travail en Belgique. Je relance donc cet appel aux consommateurs belges : achetez dans des enseignes présentes et actives en Belgique.

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