Infrabel enterre des vipères et énerve Natagora

Natagora, association généralement placide, est énervée. Elle vient de porter plainte contre Infrabel qu’elle accuse d’avoir « remblayé illégalement plusieurs kilomètres de crête de talus » à l’occasion de travaux ferroviaire sur la ligne Bruxelles-Luxembourg entre Libramont et Bertrix. Ce faisant, l’entrepreneur aurait détruit « plusieurs dizaines » de vipères péliades, une espèce de serpent protégée en Wallonie. Réalisés entre juillet et décembre 2019, les travaux de creusement de caniveaux pour l’installation de câbles auraient dû faire l’objet d’une demande de dérogation, laquelle se serait accompagnée de mesures de précaution et de compensation. « Nous avons demandé à notre sous-traitant de faire cette demande. Cela n’a malheureusement pas été fait », dit-on chez Infrabel. Résultat « probablement plusieurs dizaines de vipères ont été ensevelies sous le remblai, affirme Eric Graitson, expert chez Natagora. Cela représente 10 à 20 % de la population totale de ces serpents adultes en Wallonie ». La vipère péliade est un petit serpent discret d’environ 80 centimètres de long qui s’enterre pour hiberner. Etre enterrée peut lui être fatal. [scald=27889080:sdl_editor_representation] Au DNF (département de la nature et des forêts) de l’administration wallonne (SPW), on confirme que des réunions préparatoires avaient eu lieu à propos du chantier et qu’une dérogation avait été exigée comme c’est de coutume dès lors que des travaux se déroulent sur un site protégé ou risquent d’affecter des espèces protégées. «Constatant qu’un habitat d’espèce protégée avait été endommagé sans dérogation, un procès-verbal a été immédiatement dressé et des auditions ont eu lieu», indique Clément Rebuffat, spécialiste de la gestion des aires protégées, en charge pour la direction de la nature et des espaces verts des rapports avec Infrabel. Le chantier a été mis à l’arrêt par Infrabel, l’affaire est entre les mains de la justice. Et si ce n’est elle, c’est le fonctionnaire sanctionnateur de la Région qui interviendra pour imposer des réparations. Réparation Il faudra cependant d’abord évaluer les éventuels dégâts. Le responsable final de la destruction ? « Le juge le dira, continue Rebuffat. Nous avons constaté les faits et mettrons tout en œuvre, une fois que les responsabilités de chacun auront été définies, pour revenir à l’état initial. Nous maîtrisons les techniques de réintroduction et nous travaillons déjà au plan de restauration, lequel sera imposé au responsable. La Région s’est dotée depuis quelques années d’un centre de sauvegarde de reptiles, qui pourrait jouer un rôle central dans la restauration de cette population. L’administration proposera des mesures de réparation cohérentes, en rapport avec le dommage constaté, majorées au double ou au triple». Infrabel et sa filiale TUC Rail « collaborent activement à l’enquête menée par le DNF. Les deux entreprises mettront en œuvre toutes les mesures de compensation qui seraient jugées nécessaires », indique de son côté Frédéric Sacré, porte-parole de l’entreprise chargée de l’infrastructure ferroviaire. [scald=27889079:sdl_editor_representation] Chez Natagora, on estime que l’affaire est « la goutte qui fait déborder le vase. La coupe est pleine, poursuit Graitson. Infrabel collectionne les PV et ne suit jamais les recommandations. Il y a quelques années, à Bièvre, un mur qui servait de zone d’hibernation à des péliades a été carrément arraché en plein hiver lors de travaux alors que là aussi des avertissements avaient été donnés mais pas respectés. Même des petits travaux peuvent avoir des effets importants ». « Il y a effectivement un passif d’infractions commises par Infrabel, confirme-t-on au DNF où désormais on verbalise systématiquement. Mais depuis un an, nous constatons que les mentalités et les pratiques changent, l’entreprise montre une véritable bonne volonté. On dialogue, des négociations sont en cours à propos du passif conservatoire et en vue de l’établissement d’un cahier de bonnes pratiques ainsi que d’une liste de moyens de réparation et de compensation ». L’administration met par ailleurs en œuvre une série d’actions visant à reconstituer les populations de péliades en captivité et à procéder à des relâchages dans des zones protégées.

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