Le casse-cou du cinéma français Rémy Julienne est décédé

Rémy Julienne était le roi de la cascade et des cascadeurs. L’as des as du cinéma français à une époque où l’on faisait appel aux hommes et pas encore aux ordinateurs pour embarquer le public au cœur de l’action et créer l’illusion. Il disait : « Plus la tâche est ardue, plus c’est excitant ». Né en 1930 dans le Loiret, il avait le goût du risque et c’est un virus, le covid, qui a eu raison de lui à 90 ans. A son actif, plus de 1.400 films dont Fantômas, La grande vadrouille, Les aventures de rabbi Jacob, L’aventure c’est l’aventure, Taxi, Da Vinci Code. Il a doublé Belmondo dans quatorze films dont Le marginal, Le Casse, Le guignolo, L’as des as, a pris tous les risques dans six James Bond (Rien que pour vos yeux, Octopussy, Dangereusement vôtre, Tuer n’est pas jouer, et Permis de tuer et Golden Eye). Cascadeur aussi pour des séries télévisées comme Julie Lescaut, L’Instit et des films plus intimes comme Mauvais sang, L’insoutenable légèreté de l’être ou Au revoir, les enfants. Rémy Julienne a associé son nom aux plus grands réalisateurs. Il était une référence, a transmis sa passion et son savoir-faire à ses fils Dominique et Michel ainsi qu’à son petit-fils David. Du métier, il nous avait confié : « Au départ, il faut être bon technicien. Ensuite, si vous faites vos preuves, on vous fait confiance et on vous sollicite pour imaginer des séquences d’action. Ce fut le cas pour les James Bond, pour la série du Gendarme de Saint-Tropez, des films avec Belmondo. Un James Bond n’a pas de mystère. Ce sont de belles nanas, de beaux paysages et de l’action. Sur cette base, je crée une séquence complète. Ensuite, aux scénaristes de trouver l’argument pour la faire fonctionner dans le récit. C’est un peu le monde à l’envers mais c’est très valorisant. » [scald=27890013:sdl_editor_representation] « L’or se barre » lui ouvre les portes des Etats-Unis Champion de France de motocross en catégorie 500 en 1957 et habile technicien, il avait atterri dans le cinéma par hasard, dans les années 60, pour doubler Jean Marais lors de cascades de Fantômas. Cette expérience qu’il doit au cascadeur phare de l’époque, Gil Delamare, se voulait temporaire. Il nous avait raconté un jour qu’au début, il n’avait pas été tout de suite séduit. Au contraire ! « J’étais assez horrifié de voir les méthodes employées par les gars qui organisaient les accidents pour des films d’action. J’ai cherché à comprendre la motivation des cascadeurs de l’époque comme feu Gil Delamare, pourquoi ils se lançaient dans de telles galères. Au fur et à mesure, je me suis rendu compte que ces hommes étaient comme tout le monde. Gil, qui me prit sous son aile, avait peur mais grâce à son intelligence et son habileté, il parvenait à maîtriser sa frousse pour des performances originales. Après deux ans de travail en commun, il m’a laissé la responsabilité de l’équipe mécanique d’un film avec Jean Marais avec une recommandation : si tu sens que la scène ne sera pas bien rendue, ne la fais pas. Cela m’a donné à réfléchir, à apprendre le montage subtil des prises de vue, à assister aux rushes. Je me suis passionné pour l’image, pour la fabrication d’un film. » En 1968, L’or se barre, avec Michael Caine, lui ouvre les portes des États-Unis. L’extraordinaire scène des Mini Cooper reste légendaire dans le monde de la cascade. Rémy Julienne travaillera de chaque côté de l’Atlantique jusqu’en 2010. Parallèlement à son activité cinématographique, il séduit le groupe Disney qui lui confie la conception de l’attraction show « Moteur, action ! » en 2002 pour Disneyland Paris. Le succès est tel que depuis 2005 le spectacle fut reproduit de manière identique en Floride au Disney-MGM Studios. Une seule ombre au tableau de cette vie à 200 à l’heure, le décès du cameraman Alain Dutartre lors d’une cascade sur le tournage de Taxi 2 en 1999. La saga judiciaire durera jusqu’en 2011, impliquant la société de Luc Besson, EuropaCorp. Rémy Julienne sera condamné à six mois de prison avec sursis et 2.000 euros d’amende. [scald=27890012:sdl_editor_representation] Comme le fond de sauce du cuisinier Sa devise était : « toujours plus haut, plus vite, plus fort, plus loin ». Quand on lui demandait ce qui faisait un bon cascadeur, il répondait : « Il faut avoir des qualités athlétiques, esthétiques et techniques, le goût du mouvement, le goût du risque mais surtout pas la violence. Place à l’intelligence, à l’habileté, à la technique ! Il est plus facile de casser des choses que de faire trois loopings à partir d’un tremplin olympique de ski avec une voiture et de la garder intacte jusqu’en bas de la piste. Il faut aussi beaucoup d’humilité. » Et quand, il y a plus de vingt ans, on évoquait avec lui les nouvelles technologies qui ouvraient le champ des possibles à l’infini pour des exploits surhumains et spectaculaires, il disait : « Elles n’ont pas l’attrait de la performance humaine. On sait que “c’est du cinéma” ! Depuis que je suis dans ce métier, j’entends dire que tout a été fait en cascade automobile. Mais tout avait déjà été fait avant par Mack Sennett, Chaplin… En fait, les bases de cascade sont toujours les mêmes comme le fond de sauce du cuisinier. Ensuite il y a le zeste et on accommode selon son style. Pour moi qui déteste vivre sur mes acquis, les images de synthèse sont une aubaine. On peut remplacer la tête du cascadeur par la tête de l’acteur. Donc plus besoin de filmer de dos. Les nouvelles techniques sont un complément à notre travail. » En France, il n’aura de cesse de défendre son métier pour une reconnaissance à valeur égale des acteurs comme aux Etats-Unis. En 2009, il raconta son incroyable parcours dans Ma vie en cascades.

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