Joëlle Milquet: itinéraire d’un poids lourd politique, allergique à l’inaction

Joëlle Milquet démissionne ? On dirait un oxymore, tant la femme est réputée pour ne jamais rien lâcher. Un proche dit d’elle : « C’est une force de la nature. On dirait qu’il n’y a que l’inaction qui pourrait la faire s’effondrer. » Une question se pose. Comment celle que Le Soir qualifiait, dans un portrait récent , d’« inépuisable et épuisante » va-t-elle bien pouvoir occuper ses journées… ? Au tout début de sa carrière politique, le ministre de l’Enseignement supérieur, Michel Lebrun, la cerne immédiatement : « Elle a la compétence pour s’occuper de tout, mais elle pense que les journées ont 72 heures. » Elle débarque dans son cabinet en 1992, toute jeune maman, « avec ses biberons et ses maxi-cosi », dira-t-elle. A 31 ans, la diplômée en droit, originaire de Charleroi, est déjà passée par le Barreau de Bruxelles et le secrétariat politique du groupe PSC au Sénat. Elle grimpe : elle devient le bras droit du président du parti, Gérard Deprez, en 1995. Ce dernier, au turbin depuis 1981, rêve de céder le flambeau à la « petite jeune ». Milquet est candidate en 1996, mais elle est supplantée, à 23 voix près, par le vétéran Charles-Ferdinand Nothomb. Elle prend sa revanche le 23 octobre 1999. Un poste de présidente qu’elle gardera 12 ans, avec la poigne et la vigueur réformatrice qu’on lui connaît. [scald=898935:sdl_editor_representation] Elle dépoussière le PSC, devenu CDH On lui doit, en 2002, le changement du nom : le PSC devient CDH, le Centre démocrate humaniste. Exit le « C » chrétien, la vieille garde du parti peste en silence… En 2004, survient ce que Milquet considère comme la période la plus dure de sa présidence, ce qu’elle a appelé « l’OPA agressive » du MR, qui tente de débaucher des mandataires CDH. C’est aussi l’année de l’alliance avec le PS d’Elio Di Rupo dans les gouvernements régionaux, union qui relègue le MR dans l’opposition : dix ans après, il y est toujours. En 2006, la désormais Bruxelloise décroche l’échevinat de l’Emploi à la Ville de Bruxelles. L’année d’après vient l’Orange bleue, ce gouvernement libéral-centriste qu’Yves Leterme tente de créer avec le cartel CD&V – N-VA. Joëlle Milquet résiste sur le plan institutionnel, au point d’être surnommée « Madame non » ou « la Dame de fer de Val Duchesse ». L’Orange bleue meurt dans l’œuf et les socialistes reviennent dans le jeu. Milquet devient ministre de l’Emploi et de l’Egalité des chances, avant de passer à l’Intérieur… jusqu’en 2014. Elle obtient alors près de 20.000 voix à la capitale aux élections régionales. Pourtant, à la Ville de Bruxelles, le PS décide de délaisser son ancien allié qu’est le CDH en faveur du MR. Cette année-là, Benoît Lutgen refuse de monter dans la coalition fédérale avec le MR et la N-VA. Joëlle Milquet devient ministre de l’Enseignement, de l’Enfance et de la Culture à la Communauté française. Elle préférait le prestigieux étage du fédéral – ce n’est pas un secret. Mais elle se dévoue corps et âme à sa fonction. La politique des petits pas d’une Simonet ou d’une Schyns, c’est fini. Place au Pacte d’Excellence Aux oubliettes ! Place à l’ambitieux Pacte d’Excellence. En moins de deux ans, Milquet réunit, à un rythme très soutenu, tout le gratin du milieu enseignant avec un objectif : une grande réforme de l’école. Début mars, elle convie tout ce petit monde à Spa pendant trois jours pour tirer les grandes conclusions. Joëlle Milquet part avant le terme de l’exercice. Mais elle n’a pas attendu ce texte pour laisser son empreinte : elle interdit le redoublement en maternelle, renfloue les écoles de devoirs, s’attaque au décrochage scolaire, aux cours philosophiques… Les épreuves des examens (CE1D et CESS) fuitent ? Elle ne flanche pas, malgré le caractère exceptionnel de la situation, et dépose un décret pour rendre le suivi des documents plus efficaces. [scald=898934:sdl_editor_representation] Son tempérament spontané et volcanique, ainsi que sa communication parfois confuse, lui jouent des tours. Certains rient encore de l’« hystérie mortifère démoniaque » (c’est ainsi qu’elle explique le terrorisme à un enfant à la radio) ou du dauphin classé dans la catégorie des poissons pendant une émission télé (une anecdote qui aurait été insignifiante si Milquet ne s’était pas emportée…). Lors de la semaine de niveau d’alerte 4 en novembre 2015, le Premier ministre lui reproche d’avoir annoncé la fermeture des écoles « alors que la discussion était en cours ». Qu’elle séduise ou qu’elle irrite, Joëlle Milquet ne laisse personne indifférent. Elle s’éclipse avec sérénité, selon certains membres du CDH. Et parle déjà d’avenir, de nouvelles fonctions. Quand on vous dit qu’elle ne lâche jamais rien.

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