En Birmanie, un putsch marque le retour des années noires

Ce lundi, le nouveau parlement birman issu des élections législatives de novembre aurait dû entrer en fonction. Les dirigeants militaires avaient de façon flagrante perdu cette élection : leur parti, l’USDP, n’avait gagné que 33 sièges sur 476. Ils ont donc préféré mettre fin à la transition démocratique démarrée il y a dix ans : ils ont arrêté Aung San Suu Kyi, 75 ans, principale figure du pouvoir civil, ainsi que le président de la République, Win Myint, et d’autres responsables de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), qui avait gagné 396 sièges. [scald=27903356:sdl_editor_representation] Des élections pourraient être organisées après la fin de l’état d’urgence, qui a été proclamé « pour un an », et la Constitution a été révoquée. Un seul homme, le chef de l’armée, le général Min Aung Hlaing, est désormais en charge des pouvoirs « législatif, administratif et judiciaire ». Un autre général, Myint Swe, occupe le poste honorifique de président par intérim. « Les portes viennent de s’ouvrir vers un futur très différent, certainement plus sombre », a expliqué sur Twitter l’historien Thant Myint-U. « La Birmanie est un pays qui était déjà en guerre avec lui-même, bourré d’armes, avec des millions de personnes à peine capables de se nourrir, profondément divisé selon des fractures religieuses et ethniques. C’était presque un miracle que de tels progrès vers la démocratie aient eu lieu cette dernière décennie. Je crains que personne ne soit capable de contrôler ce qui va arriver… » Un contexte fragile C’est donc la fin d’une parenthèse démocratique : la Birmanie, aussi appelée Myanmar, avait été un des rares pays où une junte militaire avait accepté de céder le pouvoir à des civils après la victoire du parti d’Aung San Suu Kyi aux élections de 2015. Une évolution politique qui avait été saluée mais restait compliquée et fragile : les militaires gardaient la main, occupant toujours des ministères essentiels (l’Intérieur, la Défense et les Frontières). Un système hybride, mélange de démocratie et d’autocratie, visant à donner à la Birmanie une figure plus acceptable, plus séduisante, et à obtenir la levée des nombreuses sanctions internationales imposées à l’époque de la junte. Cette stratégie avait été mise à mal après les opérations de nettoyage ethnique et autres actes de génocide menés par l’armée birmane contre la minorité musulmane des Rohingyas, et qu’Aung San Suu Kyi n’avait pas dénoncés : de nouvelles restrictions avaient alors été imposées contre des responsables militaires. [scald=27903355:sdl_editor_representation] « Trois jours après les élections du 11 novembre et son humiliante défaite, l’USDP avait organisé une conférence de presse pour clamer que les élections n’avaient pas été libres ni honnêtes, et avait refusé d’en accepter le résultat », détaille Richard Horsey, spécialiste de la Birmanie à l’International Crisis Group. « Il n’avait pourtant présenté aucune preuve pour appuyer ses dires. Dans ce pays, les élections ne sont pas considérées comme acquises : pour la plupart des électeurs, après 50 ans de régime militaire, ce n’était que la deuxième fois qu’ils avaient la possibilité de voter pour le parti de leur choix ». Mais l’ampleur du raz-de-marée en faveur d’Aung San Suu Kyi, toujours immensément populaire dans son pays malgré les sévères critiques internationales, s’est finalement retournée contre son parti, dont la victoire vient d’être effacée. Réactions contrastées « Je vous en prie, faites entendre votre voix pour dire que ceux qui abattent Aung San Suu Kyi et son gouvernement agissent mal, opposez-vous à eux », a plaidé U Win Htein, un des plus anciens conseillers de « The Lady ». « Je ne parle pas de violence : comme le demande Aung San Suu Kyi, agissez de façon non violente via la désobéissance civile ». Mais la population semble tétanisée : personne en Birmanie n’a oublié comment, en 1988, l’armée avait tiré dans la foule lors de plusieurs soulèvements populaires, faisant 3.000 morts. À l’international, le nouveau président américain a en tout cas réagi avec une grande fermeté : « La communauté internationale doit parler d’une seule voix pour exiger de l’armée birmane qu’elle rende immédiatement le pouvoir », a indiqué Joe Biden, annonçant un réexamen « immédiat » des sanctions qui avaient été levées en raison « des progrès vers la démocratie » : « Les États-Unis défendront la démocratie partout où elle est attaquée ». Pékin a réagi plus sommairement : la Chine, alliée politique et économique de la Birmanie, a appelé les acteurs politiques birmans à « régler leurs différends dans le cadre de la Constitution et des lois afin de maintenir la stabilité politique et sociale », selon les mots de Wang Wenbin, porte-parole des Affaires étrangères. Le Conseil de sécurité de l’ONU tiendra ce mardi une réunion d’urgence sur la situation en Birmanie.

Votre compte

En Birmanie, un putsch marque le retour des années noires

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Asie-Pacifique

Des nouvelles révélations sur la répression des Ouïghours en Chine

Une multinationale met fin à son offre en Chine

Joe Biden, Taïwan et l'avertissement donné à la Chine

La Chine répond aux propos de Biden sur Taïwan

Les Etats-Unis interviendraient à Taïwan en cas d’invasion chinoise

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Etats-Unis: quinze personnes tuées dont 14 enfants dans une fusillade dans une école primaire

Permis à points: le débat est ouvert

Guerre en Ukraine: le double désarroi de Biélorusses en exil

Critique Avec «Tori et Lokita», les frères Dardenne bouleversent à nouveau Cannes

Roland-Garros: Elise Mertens qualifiée pour le 3e tour après le forfait de son adversaire

Dossier Le phénomène des «piqûres sauvages», entre psychose et enquêtes

« Nos collaborateurs sont des empereurs, les clients sont rois »

6 Belges sur 10 sont de plus en plus sensibles à la politique climatique de leur emploi

« Nous donnons de la valeur aux idées et encourageons à les transformer en projets concrets »

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel