Données: «Les registres dans l’horeca, c’était de l’amateurisme»

Pouvez-vous dire exactement ce que Sciensano fait de mes données ? Sont-elles détruites après X jours ? DS : C’est un point sur lequel nous n’avons pas été suivis dans nos avis : une base de données centrale avec les données corona n’est pas une bonne idée. Il vaudrait mieux décentraliser. Le gouvernement fédéral a dit « tututut, ce sera une base de données à Sciensano ». Comme toujours dans la vie, ce n’est pas non plus tout noir ou tout blanc, mais plutôt gris. Une base de données centralisée peut présenter des avantages : une gestion, on peut l’espérer, plus professionnelle. Mais cela peut aussi avoir des inconvénients en termes de confidentialité. Plus la base de données est volumineuse, plus la confidentialité est menacée. Si j’entre le résultat de mon test dans l’application de mon téléphone, est-il possible pour Sciensano de croiser mon dossier médical avec toutes les données de mon téléphone portable ? DS : Ce sont deux phases distinctes. Tant que je ne suis pas infecté, je ne suis pas censé être identifié. Personne ne peut reconstituer qui a été en contact avec qui. L’application a été conçue de manière à ce que la base de données se vide automatiquement lorsqu’il n’y a plus d’infections. Mais si je suis infecté, il faut bien que le gouvernement en informe l’autre personne. Dès lors, ce n’est plus anonyme. Cela signifie-t-il que l’on croise les données de mon téléphone avec mon dossier médical ? Non. Mais bien le code d’identification de l’application avec les données pertinentes pour la lutte contre covid. Pour les voyages à l’étranger, nous devons remplir un formulaire de localisation de passagers (PLF). Qui a accès à ces données et combien de temps seront-elles stockées ? H.H. : Les analyses doivent encore être faites. Notre service d’inspection étudie actuellement ce problème. Cela fait des semaines que des milliers de Belges remplissent ces documents. Et vous analysez toujours les conséquences ? D.S. : Les données du PLF sont gérées par le SPF Santé publique et ne peuvent, en principe, plus être utilisées après 28 jours. H.H. : Le fait de savoir si l’on a vraiment besoin d’enregistrer des personnes parce qu’elles reviennent de quelque part est une question politique. Nous sommes des spécialistes de la vie privée et l’essentiel, je pense, dans ce type de cas, c’est que nous puissions offrir un certain nombre de garanties à cet égard. Le PLF comporte des risques majeurs pour la vie privée. Nous avons supposé que ces données seraient détruites après quelques semaines. Et ? Sont-elles détruites ? D.S. : C’est précisément la question sur laquelle notre service d’inspection travaille. H.H. : Notre préoccupation est d’une part « combien de temps les données seront-elles conservées ? », et d’autre part « qui y a accès ? ». L’ONSS, par exemple, qui depuis l’arrêté ministériel du 12 janvier pourrait y avoir accès, et vérifier si un travailleur revenant d’une zone rouge respecte bien la quarantaine… D.S. : Oui, l’arrêté ministériel du 12 janvier le permet. Cette décision est une extension de quelque chose qui existait quelques mois plus tôt. Si nous nous adressons au Conseil d’Etat et que cette décision est annulée, ce contrôle ne peut plus avoir lieu. Est-ce ce que nous voulons ? Dans certains cas, j’accepte la critique selon laquelle nous avons peut-être trop réfléchi. Et que nous aurions dû aller au Conseil d’Etat depuis longtemps. L’essentiel, c’est que, au-delà de notre lutte contre le covid, nous retrouvions toutes nos libertés, y compris la vie privée. L’idée que le gouvernement puisse enregistrer nos contacts avec une application une fois que nous serons tous vaccinés et que le vaccin fonctionne est absolument hors de question. Le plus grand danger, c’est que cela constitue des précédents qui subsisteront même après la crise corona. Et nous serons très fermes sur ce sujet. H.H. : J’ai longtemps travaillé auprès du contrôleur européen de la protection des données. Il a été établi que bon nombre des mesures antiterroristes prises par l’UE n’étaient pas du tout utilisées pour lutter contre le terrorisme. Les données sur les passagers, par exemple, sont utilisées pour lutter contre toutes sortes de crimes ou à des fins d’immigration. Les compagnies aériennes ou les organisateurs de festivals pourront-ils un jour demander notre certificat de vaccination ? D.S. : Ce n’est pas autorisé aujourd’hui. Le gouvernement peut-il édicter des règles pour que cela soit bientôt autorisé et légal ? Oui, c’est possible. H.H. : Si les données de vaccination n’atterrissent pas n’importe où et qu’elles ne sont utilisées que dans ce but précis, j’imagine que c’est possible. Qu’ont fait les cafés et les restaurants avec les données des registres de présence obligatoires l’an dernier ? D.S. : Les registres dans l’horeca, c’était de l’amateurisme. Néanmoins, nous n’avons pas dit à l’époque que cette mesure devait disparaître. Peut-être n’avons-nous pas réagi assez fort. Mais une chose est sûre : dès que les restaurants rouvriront, nous voulons un meilleur système. Plusieurs restaurants ont utilisé les données d’enregistrement à des fins publicitaires. D.S. : Nous avons lancé un dossier de surveillance. Seront-ils sanctionnés ? Permettez-moi simplement de dire qu’ils devraient s’inquiéter. A ce propos, je tiens à dire que nous avons toujours été proactifs concernant les directives corona. H.H. : Le corona n’est qu’une petite partie de notre travail, 10 à 20 % des affaires à la Chambre contentieuse. Nous essayons, par exemple, de nous assurer que les entreprises ont leur politique de cookies en ordre ou que les écoles gèrent correctement les données des parents. La semaine dernière, nous avons infligé une amende de 50.000 euros au Family Service. Cette société distribue les fameuses « boîtes roses » avec des articles pour bébés. D.S. : Nous enquêtons aussi sur les fuites de données. Plus d’un millier ont été déclarées en 2020. L’année précédente, il y avait eu 869 fuites de données.

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