«Je regarde du côté du Manhattan de Woody Allen»

En 2015, Benoît Cohen, le réalisateur français des Enfants chéris et de Tu seras un homme , se sent vidé. A bout de souffle créatif, il décide de prendre un nouveau départ à New York. Il s’en va frapper à la porte de la Taxi Academy, potasse la géographie de West Village, East Village, Greenwich Village et décroche sa licence. Au volant, il cherchera, douze heures par jour, à nourrir de nouvelles idées de scénario en affrontant tous les possibles du rêve américain… Le cinéaste publiera le récit de cette vie oppressante de « taxi driver » dans le roman Yellow Cab . Six ans plus tard, Christophe Chabouté, sorcier du noir et blanc, met en scène cette échappée vertigineuse en bande dessinée. L’artiste scotche des visages sur les milliers de passagers du Yellow Cab et s’interroge sur la mécanique de la création, en célébrant New York de l’intérieur. Sur la banquette arrière du taxi de Benoît Cohen, c’est l’envers du rêve américain que dessine Chabouté. Tout au long de la première partie du récit, Benoît est à la Taxi Academy et New York semble insaisissable ? New York est absente, jusqu’au moment où Benoît reçoit les clés, prend le volant de son taxi et passe le pont de Brooklyn. Là, la ville devient très présente. Il circule entre les immenses buildings. Je joue avec la petitesse de la voiture : quand le taxi roule dans Manhattan, il est écrasé par les gratte-ciel et les cases sont très verticales. Au contraire, quand une scène se passe dans le taxi, on ne voit pas la ville car c’est ce qui passe à l’intérieur qui est important. Comment avez-vous fait pour rendre les innombrables passagers de son taxi aussi réels ? Ce qui me plaisait dans cette adaptation du roman de Benoît, c’était la galerie de personnages. Le taxi offre un défilé humain de gens très différents. Beaucoup de trognes s’offraient à moi. C’est un rendez-vous de Madame et de Monsieur Tout-le-monde. Ils s’assoient en silence et le lecteur peut se raconter ses propres histoires à leurs propos. Benoît les avait très bien décrits dans son livre. Tout ce qu’il raconte, il l’a vécu… Vous avez œuvré sans modèles ? On a tous des images mentales de New York et de ses habitants en tête. J’avais aussi des catalogues de photos. Je me suis beaucoup documenté sur New York. Certaines têtes ont des modèles bien réels, d’autres moins. Elles ont toutes en commun d’être crédibles sans être jamais tape à l’œil. A travers Yellow Cab , je pose les mêmes questions que Benoît sur le regard, l’écriture et le sens des choses. Est-il vrai que vous n’êtes jamais allé à New York ? Je venais de monter, à Bruxelles, l’expo A Real Dream of New York avec Charlélie Couture. Il y avait vécu et moi je n’y étais effectivement jamais allé, sinon à travers les comics, les photos et les films. Je n’y ai toujours pas été depuis mais je baigne dans son imagerie. C’est une ville cliché, une ville graphique par essence. Dans Yellow Cab , je me cache derrière Benoît ! Par ailleurs, je me suis retrouvé dans la même situation que lui, au bout du rouleau. J’avais besoin d’un nouveau souffle. Alors je n’ai pas changé de métier comme lui mais j’ai eu besoin de raconter ça. New York et son taxi m’en ont offert l’opportunité. Dans son taxi, on croise des petites gens, jamais de stars : vous dessinez le New York de l’ombre ? Yellow Cab n’est pas un guide touristique ni mondain. Je m’intéresse au quotidien des New-Yorkais, à ceux qui portent la cravate de travers, aux petits détails de la rue, pas à la carte postale de l’Empire State Building ni à la statue de la Liberté. Je regarde du côté du Manhattan de Woody Allen ou de Il était une fois en Amérique de Sergio Leone… Les Yellow Cab sont des icônes de la ville mais la réalité, c’est que le métier de chauffeur de taxi à New York est dur, difficile et dangereux. [scald=27909367:sdl_editor_representation]

Votre compte

«Je regarde du côté du Manhattan de Woody Allen»

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Livres

Critique Mohamed Mbougar Sarr, Anne Tyler, Rolando Villazón... Les Livres du Soir en bref

Céline, Appollo et Brüno, Rives, Philippon, Mosby: les cinq livres à ne pas manquer cette semaine

Critique Arturo Pérez-Reverte: des journalistes et des chiens

Critique Roman graphique: T’Zée, le fantôme noir de Mobutu

«Marginales»: raconter l’actualité par la fiction

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Guerre en Ukraine: la Russie prend des sanctions… contre des personnes mortes

Guerre en Ukraine: après la victoire sur Marioupol, Severodonetsk en ligne de mire de l’armée russe

Météo: les orages vont déjà faire leur retour

Variole du singe: toute personne qui a un contact étroit est à risque

Justine Henin réagit aux propos d’une joueuse à Roland-Garros: «Ça me fait bouillir»

Du désarroi chez les visiteurs de Batibouw: «Nous venons d’apprendre que notre budget ne tiendra pas la route»

« Nos collaborateurs sont des empereurs, les clients sont rois »

6 Belges sur 10 sont de plus en plus sensibles à la politique climatique de leur emploi

« Nous donnons de la valeur aux idées et encourageons à les transformer en projets concrets »

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel