Sécurité et défense: l’UE promet de voler plus de ses propres ailes

La « guerre » contre le coronavirus bat son plein. Contre les variants. Bientôt contre les mutations des variants. Mais les autres menaces sur la paix n’ont pas disparu pour autant. Les chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union européenne l’ont rappelé, qui ont consacré le deuxième jour de leur sommet par vidéoconférence, ce vendredi, à la sécurité et défense, après la session dédiée à la lutte contre le covid. Le rappel, au plus haut niveau, n’était pas inutile : il s’agissait de la première discussion du Conseil européen sur ce thème, vital également, depuis décembre 2018, a souligné le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell. Brexit, Trump, climat et… pandémie ont phagocyté l’attention des « chefs » au cours des derniers mois… « Le débat aujourd’hui a montré un intérêt commun à agir de façon plus autonome, tout en tenant compte de nos partenaires internationaux, et d’abord l’Otan, mais aussi l’ONU et certaines organisations régionales », a souligné le président du Conseil européen Charles Michel. La déclaration des Vingt-Sept reflète cet engagement. [scald=27945192:sdl_editor_representation] La discussion se déroule sur fond du vieux débat, parfois vif, sur « l’Europe de la Défense ». Et, plus récemment, autour du concept d’« autonomie stratégique » ou de « souveraineté européenne ». Soit les velléités du Vieux continent d’avoir la capacité d’agir, de peser davantage sur les crises dans son voisinage et les menaces, en son sein. Un impératif au moment où les Etats-Unis, tout à leur tropisme sino-asiatique, ne feront plus « tout à notre place », relève une source diplomatique. Au moment, aussi, où la puissance britannique a largué les amarres de l’UE. « Face à une instabilité accrue dans le monde, l’UE doit assumer une plus grande responsabilité pour ce qui est de sa sécurité », proclame le sommet. Le débat reste délicat. Mais, selon ses partisans, l’idée d’« autonomie » est en passe de devenir dominante. Certes, avec des niveaux d’enthousiasme variés. Mais c’était plutôt l’exception jusqu’il n’y a guère, avant que le président français Macron, notamment, n’en fasse son fer de lance, lors d’un discours à la Sorbonne, en 2017. Et l’Europe de la Défense a connu un élan déterminant avec la Commission Juncker et la Haute représentante d’alors Federica Mogherini. Lune de miel avec Biden Une batterie d’initiatives a vu le jour : une coopération permanente entre 25 Etats membres pour des projets capacitaires ou opérationnels, un fonds pour la défense alimenté par le budget européen (8 milliards pour 2021-2027), la possibilité d’équiper des armées dans des pays partenaires, etc. Autant de chantiers qui attendent de s’épanouir. Ces ardeurs continuent toutefois d’inquiéter parfois les plus « atlantistes », « les pays de la ligne de front », comme le dit un responsable de l’UE, ceux qui ont fait l’expérience du Pacte de Varsovie (Baltes, Pologne, Europe centrale et de l’Est), tandis que Macron ne cesse de questionner la « pertinence » de la structure actuelle de l’Otan – le monde a changé depuis la chute du Mur. Ces pays-là auront apprécié l’échange, vendredi matin, avec Jens Stoltenberg. Le nº1 de l’Otan a souligné que la « coopération UE-Otan a atteint un niveau inédit ». Le sommet souligne que l’UE est déterminée à « coopérer étroitement avec l’Otan ». Autrement dit : autonomie, oui, mais sans couper le cordon ombilical avec les Etats-Unis. L’émancipation a des limites. Les chefs de file du mouvement « autonomiste » savent d’ailleurs que la lune de miel avec Joe Biden, après les années de confrontation sous Trump, pourrait tempérer ces ferveurs européennes (pour s’en remettre au « parapluie américain »)… « Prêts à faire notre part » Mais Charles Michel insiste : « Les Etats-Unis sont de retour : nous sommes prêts à faire notre part ». Le leitmotiv, dit-il, c’est la « complémentarité ». Dans les « scénarios où l’Otan n’est pas impliquée, l’UE doit être capable de prendre les choses en mains », complète Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission. « Si l’on est plus forts, c’est bon pour l’Otan, bon pour les Etats-Unis », ajoute Michel. Le sommet promet dès lors une série d’initiatives pour « approfondir encore la coopération en matière de sécurité et de défense entre les Etats membres, accroître les investissements dans la défense et renforcer le développement des capacités civiles et militaires et l’état de préparation opérationnelle au sein de l’Union ». L’UE planche aussi sur l’élaboration, d’ici mars 2022, d’une « boussole stratégique » : une nouvelle stratégie pour mieux répondre aux crises extérieures, mieux protéger l’UE et renforcer les partenariats, selon un haut responsable du Service européen pour l’action extérieure. Ce document, qui comporte une évaluation commune (et classifiée) des menaces, doit être prêt en même temps qu’un nouveau « concept stratégique » à l’Otan. Rhétorique, que tout cela ? Plutôt une sorte de « révolution silencieuse », défend un intervenant au sommet. Même si, relevait Borrell lors des 10 ans du service diplomatique européen, en décembre, avec 5.000 hommes et femmes engagés dans des missions sécurité et défense de l’UE à l’étranger, « ce n’est pas encore une armée européenne ! »

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