Formule E: les courses électriques sur courant alternatif

Le week-end dernier s’est ouverte, aux portes de Riyad, la 7e saison de Formule E. Et, dans un mois, la toute première épreuve d’Extrême E – réservée à d’improbables tout-terrain aux allures d’engins lunaires – prendra son envol, en Arabie saoudite également. Les rois du pétrole devenus chantres de la cause électrique ! Il fallait y penser, et surtout oser. [scald=27949237:sdl_editor_representation] Mais ça, on n’avait rien à craindre à partir du moment où le même homme – l’Espagnol Alejandro Agag – s’occupe de ces deux séries électrifiées. En 2014, c’est déjà lui qui, poussé dans le dos par le président de la FIA, Jean Todt, avait osé lancer la Formule E (FE), qui reposait alors sur des monoplaces incapables de rouler plus de 25 minutes sans tomber en panne de jus. Pas vraiment la pub rêvée pour une industrie supposée démontrer grâce à la FE tous les bienfaits de l’énergie électrique, vers laquelle se sont tournés bon gré mal gré la plupart des constructeurs afin de répondre aux exigences de l’Europe, notamment. En une demi-douzaine d’années, le bébé a grandi : les voitures tiennent une petite heure, le spectacle est au rendez-vous pour ceux qui aiment les accrochages, le championnat a reçu le label mondial sans en faire totalement le tour, et, surtout, les constructeurs ont mordu à l’hameçon. Neuf d’entre eux sont officiellement représentés dans cette compétition (Audi, BMW, DS Techeetah, Jaguar, Mahindra, Mercedes, Nissan, Porsche et NIO), ce qui n’existe dans aucune autre compétition de ce calibre ! Un seul vainqueur Deux de ces constructeurs, et non des moindres – Audi et BMW –, ont toutefois annoncé qu’ils débrancheraient la prise au terme de cette saison. Et si la marque aux anneaux a prétexté un recentrage de ses activités sur le Dakar (électrique) et un retour au Mans (qu’elle a quitté il y a 4 ans à peine), son homologue munichois s’est fait plus explicite : « Le groupe BMW a épuisé les opportunités de développement de ses groupes propulseurs électriques et de cette forme de transfert technologique dans l’environnement compétitif de la Formule E », a-t-il carrément avancé. Une claque pour les promoteurs de cette compétition « verte ». « Vil prétexte parce qu’ils n’ont pas gagné », répliquent en chœur la plupart de leurs adversaires. « Si nous les avons dégoûtés, nous en sommes fiers », s’enjaillait récemment Xavier Mestelan-Pinon, ex-directeur de l’écurie DS Performance, double championne en titre. « Plus sérieusement, il est évident qu’un championnat qui réunit tant de constructeurs a pour principale difficulté qu’il n’y en a qu’un qui gagne ! Du coup, ça peut dégoûter les perdants. Mais je vois ce championnat se stabiliser autour de 6 ou 7 constructeurs, qui fourniront des teams partenaires pour compléter l’autre moitié de la grille. Et quoi qu’il advienne, car on compare souvent les deux, F1 et FE me semblent vouées à vivre longtemps côte à côte. » Opération marketing Car pour cet ingénieur passionné par ce nouveau challenge sociétal, l’apport de la compétition au marché du véhicule électrique ne fait aucun doute. « Tous les constructeurs ont besoin d’accélérer leur R&D (recherche et développement) en matière de véhicules électriques, et seule la compétition peut les y aider », poursuit Xavier Mestelan-Pinon. « Et c’est aussi vrai pour les fournisseurs qui équipent nos voitures de série (NDLR : composants électroniques, batteries, lubrifiants, etc.) et qui nous poussent à ce challenge, seul susceptible de maintenir le rythme dans un marché en plein développement. Tout l’écosystème de l’auto souhaite être présent en FE, qui, dès lors, n’est pas seulement une opération marketing. » Symboliquement lancée en septembre 2014 dans les rues de Pékin – l’une des villes les plus polluées au monde –, la Formule E en avait d’emblée pris les apparences en commençant par surfer sur la vague du show-biz et des courses truffées d’artifices – grilles de départ peuplées de stars extra-sportives, puissance supplémentaire délivrée aux pilotes plébiscités par leurs supporters sur les réseaux sociaux, etc. – pour façonner son image. En plus de se dérouler au cœur des villes et d’ainsi rencontrer un nouveau public, la FE avait alors clairement pris l’ascendant à ce niveau sur la F1, trop fermée et totalement imperméable aux nouveaux médias dont Bernie Ecclestone ne voulait pas entendre parler, avant que ses successeurs américains (Liberty Media) ne les inondent désormais de F1. Horizon 2023 Mais alors que les lendemains de la crise du covid risquent d’encore impacter l’accessibilité à ces deux disciplines, ce sont bien ses bases technologique et sportive que les promoteurs de la FE doivent s’employer à solidifier ; bien plus que son côté strass et paillettes. En commençant par éviter le retrait d’autres constructeurs, tout en favorisant de nouvelles arrivées. Un seul Japonais (Nissan, dans le cadre de son alliance avec Renault), par exemple, est présent dans un championnat ignoré par Toyota, qui a pourtant une image avant-gardiste au niveau des nouvelles énergies. « L’autre challenge va être de maîtriser les coûts », a suggéré Toto Wolff (Mercedes), avant que la FIA n’introduise un « cost cap » (limitation de budget), dont on connaît cependant le côté très aléatoire… Légitimité technologique, sportive et budgétaire : voici donc le triple défi à relever par les promoteurs de courses électriques, qui tardent à se diversifier (voir ci-dessous), en plus de maintenir suffisamment de constructeurs sous tension : à l’aube de cette 7e saison, deux d’entre eux seulement (Mahindra et DS Techeetah) ont confirmé leur engagement au-delà de 2023 (Gen 3). Et la date limite pour formuler celui-ci a été fixée au 31 mars prochain. Dans un mois ! La trotteuse galope…

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