La TVA à 6% sur les démolitions-reconstructions doit booster le secteur du neuf

Un nouvel incitant fiscal est entré en vigueur ce 1er janvier : la TVA à 6 % sur les travaux de démolition-reconstruction de logements. On notera d’emblée qu’il est d’application jusqu’au 31 décembre 2022. Concrètement, si un particulier démolit un bien pour reconstruire un logement, il bénéficie du taux réduit. Idem pour un promoteur qui pourra proposer la vente du logement démoli et reconstruit à un acheteur sous les mêmes conditions. Cette mesure était réclamée depuis longtemps. Tant la Confédération Construction que l’Upsi (l’organe qui représente les promoteurs) tapaient sur le clou depuis plusieurs années car ils estimaient entre autres que le secteur du neuf était lésé par rapport à l’ancien. Alors, pourquoi l’avoir entérinée maintenant ? « La TVA à 6 % a été demandée la première fois en 2006 », explique à ce sujet Eline Van Impe, présidente de la Commission Fiscalité à l’Upsi. « Depuis, elle a toujours été sur la table des négociations. Le covid a clairement incité le gouvernement à accélérer les choses. Car cette mesure à trois objectifs : permettre aux moins favorisés d’avoir accès à un logement neuf, diminuer l’impact écologique des nouvelles constructions et favoriser la décarbonisation du patrimoine immobilier belge dont on sait qu’il est vétuste. » Reconstruire un bien ou en acheter un neuf en s’acquittant d’une TVA à 6 % (au lieu des 21 % d’application jusqu’ici) est évidemment une bonne chose, même si la mesure est liée à certaines conditions parmi lesquelles la plus importante est que le propriétaire du bien ne peut pas en posséder un autre et doit l’occuper pendant au moins cinq ans (lire par ailleurs). « La volonté sociale de la mesure est évidente », affirme ainsi Olivier Xhonneux, adjoint à la direction prospection et développement chez Thomas & Piron Bâtiment. « Elle concerne les primo-acquérants mais aussi les propriétaires qui revendent leur maison ou leur villa pour aller habiter dans un appartement puisqu’ils ont un an après l’achat de leur nouveau bien pour revendre l’ancien. Et n’oublions pas les investisseurs : ils peuvent aussi acheter à 6 % à condition de remettre le bien aux mains d’une AIS (NDLR : agence immobilière sociale) pendant au moins 15 ans. Chez Thomas et Piron, nous avons répertorié depuis le début de l’année une vingtaine de projets qui répondent aux conditions. » Même son de cloche chez Maisons Blavier, constructeur de logements clé sur porte. « Vu la pénurie de terrains à bâtir, la TVA à 6 % pour les constructions neuves sur les terrains où une ancienne habitation a été démolie incite beaucoup de maîtres d’ouvrage à acheter une maison à démolir… pour mieux reconstruire », explique Stefan Hallez, directeur général de Maisons Blavier. De tels cas de figure représentent déjà environ 15 % de tous les projets exécutés chez nous. Mais puisqu’il s’agit d’une mesure temporaire, il s’agit de réagir vite. » La mesure a-t-elle des chances d’être prolongée au-delà du 31 décembre 2022 ? « L’Upsi va insister lourdement pour que ce soit le cas », prévient Eline Van Impe. « Si on devait repasser dès 2023 à une TVA à 21 %, les gens n’y comprendraient plus rien. Et puis, les abattements existants sur les droits d’enregistrement sont des mesures permanentes, alors pourquoi ne pas faire pareil avec la TVA ? » Un argument commercial Il va sans dire que le nouvel incitant va pousser les promoteurs à davantage se concentrer sur des projets où une démolition est envisagée. « Ce qui est une bonne chose dans l’optique de reconstruire la ville sur la ville », fait noter Olivier Xhonneux. « Mais puisque la mesure est temporaire, elle concerne des projets que les promoteurs ont déjà dans le pipe-line car le délai est trop court pour en trouver de nouveaux. Nous allons principalement nous concentrer sur des projets qui sont déjà accompagnés d’un permis de bâtir, ou ceux pour lesquels on sait que le permis sera obtenu rapidement. » [scald=27974314:sdl_editor_representation] Patron d’e-maprod, producteur de logements actif essentiellement sur Bruxelles, Stéphane Benaym se veut plus nuancé par rapport à la TVA à 6 %. « Si un cadeau fiscal est attribué à certains acquéreurs, tant mieux pour eux », explique-t-il. « La mesure est intéressante pour moi également car elle me donne un argumentaire commercial de poids. Je vais pouvoir dire aux acheteurs qu’ils n’ont pas de temps à perdre avant de se décider, ce qui me permettra de faire rentrer plus vite de l’argent dans ma trésorerie. Mais le vrai nœud du problème de l’immobilier neuf se situe ailleurs. Il manque en Belgique une vraie politique d’urbanisme qui nous dise clairement ce qu’on peut construire et où. Surtout, il nous faut une politique de délivrance des permis autrement plus rapide que celle que nous avons aujourd’hui… » Car si davantage de logements neufs sont mis sur le marché – et l’on sait qu’ils manquent aujourd’hui cruellement – leurs prix baisseront sur base du principe de l’offre et de la demande. Les nombreuses conditions assorties à la TVA à 6 % limitent également le champ d’action. « Nous allons bientôt entamer la commercialisation d’un projet que nous lançons à Wavre », poursuit Stéphane Benaym. « Sur les 24 appartements en construction, il y en aura au maximum 8 qui pourront être achetés par des acquéreurs qui répondront aux conditions d’accès à la TVA réduite. » Le promoteur ne croit pas non plus à une baisse future des prix, même si l’incitant fiscal était prolongé au-delà de 2022. « Généralement, on lance ce genre de mesure quand on a un marché immobilier atone. Or, le marché belge fait face à une demande en logements qui reste très soutenue. Et si on prolonge la TVA à 6 %, je crains un effet pervers, à savoir que les promoteurs vont finir par l’intégrer dans leur faisabilité et les prix continueront de monter. Je le répète, si le gouvernement veut faire baisser les prix, il ferait mieux de se concentrer sur l’obtention des permis… » [scald=27974315:sdl_editor_representation] Citydev.brussels applique déjà depuis plusieurs années un taux de TVA à 6 % pour les logements conventionnés à destination d’un public bruxellois moins favorisé. Benjamin Cadranel, son administrateur-général, mesure parfaitement l’effet qu’un tel incitant peut avoir sur l’accession au logement. « Si nos logements conventionnés ne bénéficiaient plus d’une TVA réduite, beaucoup de gens seraient exclus de l’acquisition », dit-il. « L’immobilier ancien bénéficie des abattements sur les droits d’enregistrement. Le gouvernement a pris une mesure pour favoriser l’immobilier neuf. Je m’en réjouis d’autant plus que citydev.brussels a besoin d’un marché du neuf en bonne santé pour conclure des collaborations fructueuses avec ses partenaires. » Une promotion des démolitions ? Une des questions qui entourent la TVA à 6 % est de savoir si elle ne va pas favoriser les démolitions dont on sait qu’elles ne recueillent pas l’adhésion de tous. D’un point de vue strictement écologique, elles prêtent d’ailleurs à discussion. « Tout le monde veut aller vers davantage de durabilité mais il conviendra d’analyser au coup par coup la faisabilité des projets », analyse Stéphan Sonneville, CEO du promoteur Atenor. « Certains devront obligatoirement s’accompagner d’une démolition, d’autres pas. Mais une chose est sûre : il faudra qu’une partie de la population abandonne ses volontés de radicalisme : le promoteur ne doit pas être vu comme quelqu’un qui cherche à tout prix à démolir. » [scald=27974313:sdl_editor_representation] A ce sujet, Eline Van Impe ne croit pas que les promoteurs vont démolir davantage. « Le délai de deux ans est beaucoup trop court pour à la fois prospecter le marché, dessiner les plans et obtenir un permis », dit-elle ainsi. « Et puis, au moment de démarrer une construction, le promoteur sait qu’il aura plus d’arguments de vente et d’acquéreurs potentiels avec la TVA à 6 % mais il ne saura jamais combien de ses acheteurs pourront réellement en bénéficier. En matière de démolition, la faisabilité d’un projet restera déterminante dans ses choix. » [scald=27974312:sdl_editor_representation] Autre question en suspens : les promoteurs vont-ils profiter de la TVA à 6 % pour augmenter leurs prix de vente ? Chez Thomas & Piron Bâtiment, on jure qu’il n’en sera rien. « Bien souvent, le public ignore que la mesure existe, et il arrive même de plus en plus souvent qu’il soit informé entre la signature du compromis et la signature de l’acte définitif », conclut Olivier Xhonneux. « Cela nous oblige à effectuer un gros travail d’analyses en interne pour savoir comment communiquer au mieux sur le sujet mais nous n’allons pas adapter nos prix pour autant. L’essentiel est de savoir si la TVA à 6 % a du répondant du côté des acheteurs. Et ça, c’est clairement le cas… »

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