Luc Katra: «Malines veut redevenir la référence»

« Qui n’avance pas recule… » Luc Katra, le truculent président des Kangoeroes qui rêve de soulever un premier trophée en finale de la Coupe, ce dimanche après-midi dans l’immense Palais 12 du Heysel désert face à l’épouvantail ostendais, y croit tellement qu’il n’a pas jugé utile de revisiter l’album de la prestigieuse histoire du Racing malinois lorsqu’il a emménagé avec son club de Willebroek, il y a trois ans, dans la cité archiépiscopale. Malines est pourtant un des berceaux du basket belge et le matricule 71, propriété des Giants d’Anvers depuis 1995, a été un grand d’Europe durant trente ans ! Du Marché aux Légumes, qu’enflammait l’Empereur Willy Steveniers dans les années 60, au Winketkaai, qui a accueilli des légendes telles que Drazen Petrovic ou Arvydas Sabonis à son apogée dans les eighties, Malines a fait vaciller les plus illustres clubs européens sous les vibrations qui déferlaient de gradins suintant la Maes que le patron Theo servait aux étudiants pour souder toute la ville derrière son équipe. « L’histoire a une fonction : on peut en tirer des leçons. Mais c’était une autre époque et seul l’avenir m’importe », tranche l’héritier qui s’ignore. « Je ne suis pas sensible au passé, je n’ai jamais joué au basket et je ne reconnais même pas les stars NBA ! Les trois seuls joueurs qui m’ont marqué sont Dirk Domen, un vrai clubman, Pieter Loridon, un gars très franc, et Pape Badji, tellement notre ancien pivot sénégalais était sympa. » Luc Katra ne s’embarrasse d’aucune culture sportive. En revanche, huissier de justice de son état, il y a des dérapages qu’il n’oublie pas. « Si le Racing est parti à Anvers, c’est parce qu’il a fait faillite. Alors ne commettons pas les mêmes erreurs. Dans mes armoires, j’ai beaucoup de gens qui sont montés très haut avant de tomber tout en bas. Je ne peux pas me permettre de dettes. Le plus important, c’est de rester sain. Quel club l’est encore ? Chez nous, tout euro est sous-pesé et on a franchi chaque palier en étant préparés, sans risque. » Cela fait 24 ans que l’échelle ne craque pas ! « Je viens de Genk, mais j’ai étudié à Anvers et mon étude est installée à Bruxelles. Alors avec ma femme, on a acheté une maison entre les deux, à Willebroek. Je ne connaissais personne et je n’avais jamais assisté à un match de basket. Mais je n’aime pas perdre. Alors quand un voisin m’a demandé de résoudre un problème dans son club de Provinciale 3… j’ai fini président. » Tiré à quatre épingles de l’aube à la fermeture de la buvette, Luc Katra continue à apposer lui-même les stickers sur le parquet ou à garnir de fleurs les tables de ses invités. Comme il n’hésitait pas, avant d’en installer une au Winketkaai, à se relever la nuit pour faire tourner une deuxième machine avec les équipements des joueurs au soir d’une défaite qui exigeait une remise en question dès potron minet. « Je ne supporte pas les gens qui font semblant de s’investir. Et il faut montrer l’exemple pour susciter l’adhésion. » Les stakhanovistes qui ont suivi se retrouvent donc en division 1, à rêver d’une première Coupe de Belgique et même d’un futur… titre européen ! « Parce que les Kangoeroes ne constituent pas un club, mais un projet, avec une vision », poursuit leur ambitieux patron. « Ceux qui traitaient Willebroek de château gonflable ne rigolent plus. Il faut des ambitions pour avancer. Je vise toujours le plus haut. Quant à l’atteindre réellement, c’est une autre question. » Mais il s’en donne les moyens, avec son flair d’huissier rusé. Comme lorsqu’il répond il y a 8 ans à l’invitation d’une Ligue qui perdait ses membres comme des perles en osant à contre-temps le grand saut dans le basket professionnel. « Quand on se développe dans un contexte qui régresse, on franchit plusieurs étapes à la fois : il faut savoir saisir le moment. » Lorsque le Schalke, la petite salle communale de Willebroek, menace l’essor de ses Kangoeroes, ce moment est donc venu de leur chercher un terreau plus fertile. « J’ai découvert à Malines une Ville qui vit pour le sport et respire le basket : les édiles me parlent toujours du Racing ! » Ce prestigieux passé finira bien par l’intéresser… « On veut redevenir la référence basket de la région : c’est l’objectif commun. Je continue à enrôler chaque saison des spécialistes, comme Tony Van den Bosch en tant que conseiller sportif. Nous collaborons commercialement avec le club de foot du KV. Une nouvelle salle devrait s’ériger sur le site Ragheno d’ici trois à quatre ans. On s’est associé avec Guco Lier, club de D2 réputé pour sa formation avec lequel on engage des jeunes à long terme. Notre équipe dames a fusionné avec Wavre-Sainte-Catherine pour devenir le premier club actif en D1 masculine et féminine. Et je veux les mêmes standards des deux côtés ! » Cette première finale de Coupe n’est donc qu’une nouvelle étape aux yeux de Luc Katra. « Sans supporter, c’est triste. Mais je la dédie à tous ceux qui, bénévoles, coachs, partenaires, nous accompagnent depuis tant d’années. Je suis content : c’est un remerciement. Garant des tirages de la Loterie Nationale, les chiffres sont importants dans ma vie et je rends des gens heureux en fin de journée. Alors qui sait si l’EuroMillions Cup et le 21 mars ne va pas nous porter chance ? Il faut être honnête : Ostende est meilleur, plus riche, plus profond. Mais on a pris l’habitude de le battre une fois par saison. Et sur un match et terrain neutre… Il y a deux ans, La Gantoise aussi était sûre de battre le KV Malines en finale. L’underdog qui gagne, ce serait magnifique. Et ce premier trophée permettrait d’ouvrir de nouvelles portes qui restent fermées. »

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