À Liège, la magie de l’opéra renaît à travers l’écran

Attention, tout le monde en place, nous commençons dans 15 minutes. » Un après-midi de mars, 13 h 45. La voix de Flavia Mangani, régisseuse générale de l’Opéra royal de Wallonie-Liège, se répand à travers les haut-parleurs du théâtre pour informer les artistes, les techniciens et l’ensemble des collaborateurs que la captation de La Traviata prévue ce jour-là va bientôt commencer. Si le retour du public en salle n’est pas encore possible, l’ORW a en effet décidé de proposer une dizaine de spectacles en streaming tout au long de la fin de la saison. Sur scène, les musiciens de l’orchestre s’accordent dans un fourmillement réjouissant. L’humeur est joyeuse, la joie de se retrouver bien réelle. « L’énergie est différente, le live nous manque, les applaudissements du public aussi, mais c’est très gai de se retrouver », dit Flavia Mangani. « Tout le monde est content de reprendre ! » Malgré les masques, les distances, les plexiglas qui entourent les vents, on devine en effet les sourires. Comme si le théâtre reprenait vie avec un naturel évident, malgré les épreuves : la pandémie, mais aussi la disparition soudaine et tragique de Stefano Mazzonis, directeur général et artistique de l’institution en février. [scald=28005642:sdl_editor_representation] « Attention, nous commençons dans cinq minutes. » Une concentration, plus extrême encore, s’installe. L’effervescence fait place au silence en quelques minutes. Tout le monde semble avoir trouvé ses marques dans ce dispositif exceptionnel. L’orchestre est installé sur scène. Le chœur dans la salle (tant dans le parterre qu’aux balcons). Et les solistes se succéderont sur le proscenium (l’avant-scène), dos à la cheffe Speranza Scappucci, mais face au chœur. [scald=28005641:sdl_editor_representation] « Les maquilleuses n’ont pas encore tout à fait terminé… ». Il est 13 h 57. La captation doit commencer dans trois minutes. Petit empressement. « Heureusement, ce n’est pas du direct », lance la régisseuse en souriant, avec une décontraction impressionnante. Pourtant, quelques secondes plus tard, tout le monde est en place et la magie du spectacle opère. Les lumières s’éteignent. Speranza Scappucci prend place sur son podium. L’enregistrement peut commencer. Une énergie explosive La mise en espace, réalisée par Gianni Santucci, assistant de Stefano Mazzonis, sur base de ce que ce dernier avait fait en 2009, est sobre et épurée. Dès le Prélude, la puissance de ce classique de l’opéra transparaît sous la baguette du maestro. Avec une énergie folle, sa délicatesse et sa fantastique personnalité musicale, Speranza Scappucci sautille, se tourne tantôt vers son orchestre, tantôt vers la salle et les chœurs, tantôt vers les solistes (Patrizia Ciofi en Violetta, Dmitry Korchak en Alfredo mais aussi des Belges comme Caroline de Mahieu, Julie Bailly et Samuel Namotte) pour les unir à travers la partition. La disposition est inhabituelle, mais les perspectives sonores intéressantes. Face à l’adversité, tout le monde s’adapte. Peu importe si cela nécessite parfois dix fois plus d’énergie. [scald=28005640:sdl_editor_representation] Il est 14 h 34. La première prise de l’Acte 1 se termine. Une des parties les plus complexe sans doute puisqu’elle implique les chœurs. « Bravo, magnifique », lance le maestro. « Patrizia vieni qui. » Les équipes se réunissent, jugent des extraits qui nécessitent d’être refaits – parfois pour des raisons techniques, parfois pour tendre un peu plus encore vers la perfection. Les musiciens de l’orchestre font alors remarquer qu’ils entendent beaucoup la régie, installée sous leurs pieds, pendant les prises. « C’est embêtant pour eux parce qu’ils ont déjà les plexiglas, donc ils s’entendent moins… On fait des miracles là ! (…) Le Brindisi, c’était bien, Christian, non ? » Le membre de l’équipe de production acquiesce. Flavia Mangani, régisseuse générale, apparaît sur scène. Son rôle est similaire à celui qu’elle endosse en temps normal, « mais c’est un peu moins stressant », nous confiera-t-elle après la captation. « La base de mon travail reste la partition. Je ne peux pas la quitter des yeux. Ni être distraite. J’y note les entrées, les sorties, la présence d’accessoires, les changements de lumière, les tops vidéo… Mon rôle est de faire en sorte que tout soit raccord. Que les solistes rentrent bien sur scène. Puis de préparer les choses en amont. Il faut penser à tout. » Le chef d’orchestre « ou l’aiguilleur ! » des coulisses, en quelque sorte. Après quelques vérifications, le passage des accessoiristes, la régisseuse donne son feu vert. La captation peut reprendre. « Siamo pronti ? », demande Speranza Scappucci. « Dai ! Silenzio, s’il vous plaît ! » La salle retient son souffle. La captation reprend avec minutie. Un travail de fourmi qui permet à la magie de renaître et à la musique de reprendre sa place. En attendant le retour du public en vrai. [scald=28005643:sdl_editor_representation]

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