RCoop redore le blason des métiers de la beauté

Balayage cuivré sur une longue chevelure soyeuse, colo châtaigne et mèches blondes, tignasse courte et violette aux reflets irisés, crête de punkette arc-en-ciel et même barbe verte ! Clémentine Langlais, son truc, c’est clairement la couleur. Ou plutôt les couleurs. A 27 ans, la jeune Ixelloise peut désormais vivre de sa passion. Après dix années d’un parcours « chaotique » fait de travail précaire, dans l’ombre, sans contrat, la coiffeuse s’est lancée comme indépendante en octobre dernier. Entrepreneuse mais pas seule, elle travaille sous l’aile de la coopérative des métiers de la beauté RCoop. « Ça a tout changé ! », souligne-t-elle. « Je peux travailler en sécurité, à mon compte. Le secteur de la coiffure, c’est un peu comme l’horeca, on n’est pas toujours déclaré comme employé. Au début, c’était difficile, je n’avais vraiment pas beaucoup de sous. Puis ça a commencé à aller mieux, mais je restais inquiète, j’essayais d’économiser parce que tout pouvait toujours s’arrêter du jour au lendemain. Maintenant, je n’ai plus aucun stress d’être virée, j’ai pu prendre un appartement et moi qui ai peur de ce qui est administratif, je suis entourée. » Vivre dignement de sa passion C’est là tout l’objectif de la coopérative : aider les travailleurs du secteur à quitter l’illégalité et la précarité en leur offrant un accès à la profession et à la gestion. En particulier dans un quartier, Matonge, où les contrôles de l’inspection du travail ont révélé, voici quelques années, la persistance du travail au noir. Avec parfois une forme d’exploitation, des sièges de coiffure mis en location dans des salons et un chiffre d’affaires partagé de manière inégale. Coopérative du groupe bruxellois d’aide à la création d’entreprise JobYourself, soutenue par la Région de Bruxelles-Capitale et la commune d’Ixelles, RCoop propose ainsi un accompagnement administratif et financier. « La TVA, les cotisations sociales, c’est nous qui faisons tout ça », explique la responsable Marie-Charlotte Pottier. « Nous proposons aussi un accompagnement entrepreneurial : faire une carte de visite, un flyer, un site internet, créer une page Facebook ou Instagram, des choses devenues essentielles. » Et depuis deux ans, la coopérative a transformé son siège de la rue de la Paix en un salon partagé. Quatre fauteuils de cuir devant de grands miroirs, une table de manucure, deux bacs à shampoing et une cabine d’esthétique que les coopérateurs, mais aussi des externes peuvent louer et utiliser à leur gré. [scald=28027777:sdl_editor_representation] « Ce sont les coiffeurs qui ont créé ce besoin », précise Marie-Charlotte. « Au départ, c’était un espace de rencontre, un pôle sur les métiers de contact. Désormais, c’est un salon de coiffure et de beauté un peu plus fixe. Et mon bureau ! » La responsable de la coopérative reçoit les (futurs) membres sur place, ce qui permet de créer du lien avec ceux qui travaillent dans leur propre salon ou à domicile. « Pas un Dachkin ou un Biguine » Quand il est ouvert, ce qui devrait être à nouveau le cas à partir de lundi prochain, le salon de beauté a quelque chose d’atypique, sans patron, avec un fonctionnement différent, en autogestion. Un endroit où chacun jouit de sa liberté d’indépendant et que chacun traite avec soin, comme son propre salon. « C’est un lieu multiculturel, avec des pros, qui travaillent souvent depuis des années, réunis en coopérative, des valeurs. Il y a un parti pris, on n’est pas un Dachkin ou un Biguine. Les clients cherchent ça aussi : on soutient un coiffeur et un projet, l’argent que l’on paie revient au coiffeur. » Les treize membres de la coopérative agréée en économie sociale en détiennent des parts (de catégorie B à 50 euros). Ils sont libres d’utiliser les produits qu’ils veulent, de choisir leurs horaires et leurs tarifs, mais ils se serrent les coudes, s’échangent les infos utiles et nourrissent une réflexion commune, notamment via leur groupe de discussion Whatsapp. C’est comme ça qu’ils ont par exemple décidé de recycler tous les cheveux coupés du salon, transformés en boudins utilisés pour absorber les marées noires et autres produits polluants se déversant dans les mers et cours d’eau. « Le message que cela véhicule, c’est que tu peux vivre de ta passion », souligne Clémentine. « Tu n’es pas obligé d’être complètement servile et de gagner 10 % du chiffre d’affaires. Tu peux avoir une bonne qualité de vie comme coiffeur. Ce sont des métiers importants, ce ne sont pas des sous-métiers. »

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