La bodycam, un outil très utile à la police encore mal encadré

Leurs images ont été au centre du procès de Derek Chauvin, le policier reconnu coupable de la mort de George Floyd, à Minneapolis. De plus en plus, les bodycams font désormais partie de l’équipement de la police. En Belgique aussi, leur usage commence à se généraliser et le parlement fédéral y a donné son feu vert au début 2018, sans pour autant détailler l’utilisation du dispositif. « La zone de police de Namur, qui a été la première à les recevoir en Wallonie, a donc édicté des directives sur base de son expérience », explique Vincent Gilles, président du syndicat SLFP-Police. Les images peuvent être utilisées par le ou les policiers concernés pendant un mois, pour rédiger leur PV. Elles sont ensuite stockées avec les différents renseignements y afférents (lieu, date, etc.), de la même manière que les images publiques de vidéosurveillance. Elles peuvent être ressorties sur requête du ministère public. Les images, précise la directive namuroise, sont utilisables dans trois situations : dans le cadre de poursuites judiciaires (sur demande du pouvoir judiciaire), pour la rédaction du PV, et dans un objectif pédagogique (sur accord des policiers concernés). Les syndicats policiers craignent cependant que certains chefs de corps trouvent en ces vidéos de nouveaux moyens pour une « chasse à la discipline ». [scald=28032267:sdl_editor_representation] A Nivelles, les équipes d’intervention ont pu tester la bodycam durant trois semaines en décembre dernier. « L’essai a été concluant mais j’avais déjà décidé d’en acquérir une vingtaine avant ce test », commente le commissaire Pascal Neyman, chef de la police locale. « Ça représente un budget de 25.000 euros en comptant le stockage. Nous sommes dans une société de l’image dans laquelle la police doit toujours se justifier et motiver ses interventions. Il est normal que nous puissions apporter notre vision des choses, parfois différente de celle des citoyens. » Test concluant à Nivelles Les bodycams sont utilisables sans qu’il faille au préalable solliciter l’autorisation des individus filmés. Leur mise en route doit cependant être précédée d’un avertissement du policier, qui doit être identifiable comme un membre opérationnel des services de police, selon la loi de 1992 sur la fonction de police. C’est le policier qui décide s’il recourt à la bodycam ou non.« C’est justement pour déterminer quand et comment nous allons les utiliser que nous avons procédé à un test », poursuit le commissaire Neyman. « Elles seront réservées aux équipes de première intervention et pour les gros événements. Je trouve personnellement qu’elles n’ont pas d’effet calmant mais qu’elles peuvent au contraire exciter le public. » [scald=28032271:sdl_editor_representation] L’Organe de contrôle de l’information policière (COC) s’est montré sceptique face à l’utilisation de ces caméras, notamment parce que les boîtiers enregistrent en permanence les images et le son. Il est donc possible, lors d’une arrestation litigieuse par exemple, de remonter à avant que le policier n’enclenche l’enregistrement. « Lors du simple port de la bodycam, des données de tiers sont donc déjà traitées », a relevé le COC, « sans que la personne concernée n’en ait été avertie. » Cela contreviendrait, selon l’organe de contrôle, à la loi de 2018 sur la protection des données. Son ou pas son ? A Nivelles, le commissaire Pascal Neyman estime que « le son est aussi important que l’image, car il peut donner le ton d’une intervention litigieuse ». « Si le son est pris », réagit le syndicaliste Vincent Gilles, « c’est une méthode particulière de recherche et cela doit être ordonné par un juge d’instruction ». Les jugements à venir, dans certains dossiers de violence policière ou de violence à l’encontre de représentants des forces de l’ordre, feront jurisprudence en la matière. Afin d’y voir plus clair, Pascal Neyman aimerait, lui, pouvoir compter sur « une circulaire ministérielle claire et précise car on ne peut actuellement se baser que sur la loi sur la fonction de police ». Peut-être sera-t-il entendu par la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden puisqu’elle partage son avis. « On doit avoir recours aux techniques et technologies, mais tout est question de respect de la vie privée », déclarait-elle au Soir récemment. « Il faut des règles claires. Il faut des formations. Quand peut-on filmer ? Il faut pouvoir retourner 30 secondes en arrière car souvent, les secondes avant un incident sont importantes. » [scald=28032269:sdl_editor_representation] Mais la ministre insiste. Pour elle, ce nouvel outil doit être utilisé intelligemment. « On ne peut évidemment pas abuser de la bodycam, assure-t-elle. Mais d’autres personnes que les policiers filment et postent sur les réseaux sociaux. Dans ce cas, nous n’avons donc qu’une partie des faits, et certains la prennent comme étant la vérité. D’une façon intelligente, on doit pouvoir utiliser les caméras. Pas pour mettre à mal la vie privée mais pour connaître le contexte général. »

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