Les Festivals après le Codeco: entre annulations et espoirs variables

Il y a une semaine, les organisateurs de festivals nous confiaient leurs espoirs et leurs craintes par rapport au Codeco du 23 avril. Depuis les maigres avancées de celui-ci, beaucoup se montrent à la fois fatalistes et découragés par le manque de perspectives claires. Ne pouvant plus attendre, certains se voient contraints à l’annulation, la mort dans l’âme. Dans le domaine rock/pop/variété, il n’y aura aucun festival « à plein », c’est-à-dire normal, cet été. Dour annule purement et simplement comme annoncé dès jeudi dernier. Les Francofolies de Spa annulent également mais imaginent malgré tout, à d’autres dates et d’autres lieux, un festival 100 % artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles. [scald=28044092:sdl_editor_representation] Annulations en chaîne Pour les Ardentes à Liège et le Ronquières Festival, c’est l’annulation également avec l’envie, malgré tout, de monter des concerts qui ne seraient pas des « mini Ardentes » ou « mini Ronquières » mais plus des concerts ponctuels, en live streaming ou non… Les organisateurs envisagent aussi, comme l’AB, des concerts 3D avec des avatars… [scald=28044091:sdl_editor_representation] Comme annoncé précédemment, La Semo annule pour se réinventer sous le nom d’Explorarium qui prendra place dans différents endroits de Bruxelles et de Wallonie, sur le mode de « Ceci n’est pas La Semo » de 2020 qui avait permis à des bulles de 250 personnes d’assister assis à des concerts avec protocoles… Même réaction à Esperanzah, qui annule mais imagine l’organisation d’événements alternatifs dépendants de la jauge qui sera autorisée pour faire vivre la culture coûte que coûte (à condition d’avoir les financements complémentaires nécessaires afin d’atteindre un équilibre budgétaire). Aux Solidarités, à Namur, on annule et on attend les décisions gouvernementales pour imaginer ou non des événements à jauge réduite. Des lieux et dates, ainsi que des artistes, sont déjà prévus mais « les convoyeurs attendent »… Enfin, tandis que le BSF (Brussels Summer Festival) déclare attendre encore mais sans grand espoir, Tomorrowland, prévu du 27 août au 5 septembre, ne sait pas encore sous quelle forme il se déroulera : entièrement digital comme pour le Nouvel An ou en présentiel (et si c’est le cas, à quelle jauge). Pire que l’an dernier Contrairement au secteur rock, celui de la musique classique veut continuer à y croire. Bernard Mouton, organisateur des Midis-Minimes à Bruxelles et de l’Été Mosan, reste « persuadé que ça pourra se faire. Je ne suis pas inquiet outre mesure, on s’adaptera. Ce que je retiens, c’est qu’à partir de juin, on pourra normalement accueillir 200 spectateurs à l’extérieur comme à l’intérieur. On va donc vérifier si on remplit les conditions. Le problème, c’est que le gouvernement ne se pose pas les questions convenablement, donc on ne peut rien faire. Ils prennent un peu les gens pour des cons. La menace, c’est qu’à un moment donné, on doive désobéir. » [scald=28044088:sdl_editor_representation] Isabelle Bodson, pour les Festivals de Wallonie, ne dit pas autre chose : « Il n’y aura pas d’activation d’autres plans pour l’instant car nous n’avons aucune idée de la sauce à laquelle nous allons être mangés. On continue d’avancer prudemment, mais si nous n’avons pas de mesures claires, à un moment donné, nous serons contraints d’annuler purement et simplement. Si nous n’avons pas de mesures le 11 mai comme promis, nous prendrons une décision dans un sens ou dans un autre. Ce que j’attendais vendredi, c’était des mesures claires et non conditionnées. Ça n’a pas été le cas. C’est bien pire que l’an dernier, mais on continue à se battre, même si nous ne sommes pas très entendus. Le gouvernement nous fait porter ses responsabilités. » Un réaménagement et des questions On est un peu plus optimiste du côté du Gaume Jazz Festival. Mais l’organisateur, Jean-Pierre Bissot, se pose de nouvelles questions. « Bien sûr que les acteurs du monde culturel et leurs publics peuvent être très insatisfaits des annonces du Codeco de ce vendredi, même si pour le Gaume Jazz 2021, nous avons encore le potentiel d’attendre un peu. Par contre, je réalise aussi toute l’importance des procédures qui accompagneront chaque décision. Exemple : nous avions une soirée “Gaume Jazz de printemps” ce vendredi 30 avril (journée internationale du jazz) avec une double affiche : le trio Mohy-Liégeois-Gertmans et le Quintet de Jean-Paul Estiévenart. J’ai décidé de postposer cette fête de quelques semaines. Dès le 8 mai, je suis autorisé à proposer les deux concerts en version plein air pour 50 auditeurs masqués et en distanciation. Le public est-il obligé de réserver ? Puis-je ouvrir un bar ? Proposer un barbecue ? Il semble qu’à partir de juin, nous pourrions porter la jauge à 200 personnes (avec masque et distanciation) en plein air ET en intérieur ? Mais les mêmes questions organisationnelles restent : réservations obligatoires, bar… Difficile d’informer notre public sans des protocoles précis. Et il en sera de même pour les manifestations de cet été, mais on continue à y croire… plus que jamais. » Pour Bertrand Flamang, patron du Gent Jazz et du Jazz Middelheim à Anvers, c’est l’incompréhension qui domine. « D’abord nous comprenons, aussi bien que n’importe qui, la situation sérieuse dans laquelle nous sommes. Les chiffres disent tout. Mais… la perspective pour l’été n’a rien à voir avec aujourd’hui et tout avec juillet, août, septembre. Nous répondre que les chiffres d’aujourd’hui ne sont pas assez bons, ça revient à dire qu’ils n’ont pas lu notre proposition. Dans cette proposition pour l’été, tous les chiffres sont ceux utilisés par M. Facon (le commissaire Corona, NDLR) et le Pr Erika Vlieghe. On ne parle pas de vaccination mais d’immunité. C’est-à-dire que la proposition intègre un délai de trois semaines par rapport aux dates de vaccination. » [scald=28044089:sdl_editor_representation] Bertrand Flamang a d’autres raisons de s’indigner : « Le jour après le Codeco qui a déclaré ne pas pouvoir offrir de perspective pour l’été, le ministre flamand de la Santé, Wouter Beke, déclare que l’été ne sera pas un problème du tout, vu la vaccination. Le jour d’après ! Des jours auparavant, le Pr Van Gucht disait, à la VRT, qu’il ne prévoyait aucun problème pour l’été. Ne travaille-t-il pas pour le gouvernement ? Van Gucht et Beke sont-ils les seuls à s’appuyer sur le programme de vaccination ? Le Codeco ne devrait-il pas le faire, lui aussi ? » Reste que si l’organisateur veut continuer à croire à l’organisation du Jazz Middelheim à la mi-août, il est nettement plus pessimiste pour le Gent Jazz à la mi-juillet : « On pense sérieusement à l’annuler. Le temps de préparation d’un événement aussi ambitieux est trop court. Nous attendons les dernières réactions des artistes et des partenaires avant de prendre une décision ferme. » Pour le théâtre, trop d’incertitudes demeurent Dans le secteur du théâtre, les réactions sont nettement plus mitigées. Pour Philippe Kauffmann, du Festival au Carré qui débute la saison d’été à Mons, « c’est catastrophique. Ça reste trop flou pour prendre des décisions. Alors oui, ils nous laissent espérer 200 personnes en intérieur mais sans préciser quels seront les protocoles. Si les protocoles reviennent à ceux qu’on a vécus avant que les salles ne ferment – une rangée vide sur deux et deux sièges vides sur trois –, alors on arrivera péniblement à 100 spectateurs dans la grande salle, et 40 dans une petite salle. On ne pourra pas jouer pour des jauges aussi petites. On a une réunion de crise demain pour décider jusqu’où on pourrait aller sans que ce soit du délire économiquement. La moins mauvaise nouvelle, c’est qu’on pourrait sauver les meubles en extérieur. Dans tous les cas, on est déjà en retard pour la communication, l’impression des brochures, etc. Ce qui est le plus dur, c’est de maintenir les artistes dans une telle incertitude. La culture reste décidément invisible alors qu’on a tout fait pour faire de la pédagogie. En termes de projet de société, c’est effarant. » [scald=28044090:sdl_editor_representation] Même son de cloche chez Charlotte Charles-Heep, pour le festival de théâtre de rue de Chassepierre : « C’est une grosse déception. Nous misions beaucoup sur cette date du Codeco. On demandait juste un calendrier clair, jusqu’en septembre. On était prêt à comprendre les contraintes. Et au final, une fois encore, on n’est pas écouté, pas entendu. On sait, à 99 %, qu’un festival à 30.000 personnes, ce ne sera pas possible, mais pourquoi ce n’est pas annoncé, noir sur blanc ? On ne peut pas attendre indéfiniment. Un festival, ça ne se prépare pas en quinze jours. » Au Royal Festival de Spa enfin, Axel de Booseré résume la situation : « Il reste un réel espoir pour l’été. Au regard de ce qui est annoncé pour juin, on peut espérer des jauges acceptables pour le festival en août, même si tout cela reste encore très hypothétique. Mais malgré tout, je reste scandalisé par le manque d’attention et de travail que le gouvernement consacre au secteur culturel. »

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