Rik Verbrugghe: «Chris Froome est dans le bon tempo pour le Tour »

Près de deux ans après l’accident qui a bien failli lui coûter la vie (violente chute lors de la reconnaissance du CLM du Dauphiné, à Roanne, le 5 juin 2019), comment se porte Chris Froome? Pour les plus distraits, le Britannique est toujours cycliste pro, il a troqué le maillot sombre d’Ineos Grenadiers pour une tunique plus claire, celle d’Israel Start-Up Nation, où le puissant mécène Sylvan Adams lui a offert un contrat de… cinq saisons. L’athlète se reconstruit, patiemment, avec la force de travail qu’on lui connaît depuis ses années Sky. Plutôt épargné par les blessures jusque-là, le «Kényan blanc» n’avait pas fait dans la demi-mesure en banlieue lyonnaise (fractures d’un fémur, d’une hanche, d’un coude, de plusieurs côtes et d’une vertèbre cervicale), au point qu’il fut l’un des rares à ne pas songer à une fin de carrière brutale, dans les semaines qui ont suivi hospitalisation en soins intensifs et opérations multiples. À bientôt 36 ans (le 20 mai prochain), «Froomey» ne renonce pas, il reste persuadé qu’il sera au départ du Tour de France, le 26 juin à Brest. Objectif raisonnable, estime le manager sportif de son team, Rik Verbrugghe, qui l’accompagnera cette semaine en Romandie (épreuve WorldTour que le Britannique a gagnée en 2013 et 2014). «Il est tout à fait dans les temps pour cela…» Rik Verbrugghe, les récents résultats de Chris Froome n’incitent pourtant pas à l’optimisme… Il vient par exemple de terminer à la 83e place du Tour des Alpes, dans une forme d’anonymat. Les données du récent Tour des Alpes sont trompeuses, en tout cas réductrices, elles doivent être analysées dans un contexte de travail plus large. Ces deux derniers mois, Chris a consenti énormément de sacrifices pour reconstruire une condition physique aussi solide que possible, il a passé plusieurs semaines sur les pentes volcaniques du Teide (Tenerife), notamment pour perdre un peu de poids. Pas qu’il se soit empâté, cela reste un coureur longiligne, mais en vue d’un grand tour, un coureur doit être maigre. N’empêche, il semble avoir souffert dans les ascensions autrichiennes et italiennes, la semaine passée. Les premières étapes ont été difficiles, puis il s’est glissé dans une échappée et a retrouvé ses sensations au fil des jours. Le Tour de Romandie, qui débute ce mardi, fait partie de ce plan de travail soutenu et exigeant, en perspective des échéances de l’été. Dans la continuité, il prendra un peu de repos puis se profileront le Dauphiné et la Grande Boucle. Nous espérons en fait qu’après ces grosses charges de travail, son organisme va en quelque sorte effectuer un «reset», une remise à jour, pour que Chris NDLR: qui évoque lui-même «un déclic» dans les colonnes de La Gazzetta dello Sport) s’approche du niveau qui était le sien avant l’accident. Est-ce plausible, compte tenu de la gravité de ses blessures et de son âge? Il rêve certes d’un 5e succès au Tour, qui lui permettrait d’intégrer un club très fermé (Anquetil, Merckx, Hinault, Indurain) mais c’est un homme intelligent et lucide... Chris est doté d’une force mentale hors du commun, qui l’a toujours aidé à supporter un rythme de travail stakhanoviste. Son objectif est de retrouver un niveau de compétition qui lui permette de rivaliser avec les meilleurs dans les ascensions, les chronos… Mais il sait que redevenir lui-même, ou presque, ne sera peut-être pas suffisant pour gagner un grand tour, parce que le cyclisme a changé, une génération d’exceptionnelle qualité a surgi… Une 5e victoire sur les Champs-Élysées ne l’obsède pas, il veut avant tout retrouver un rôle concret dans la finale des courses. Vous travaillez avec lui depuis quelques mois, quel genre de collaborateur est-il? Respectueux et très gentil, conforme à l’image que j’avais de lui lorsque je le croisais dans le peloton par le passé. Il est aussi, naturellement, dans le partage d’expériences avec le groupe. Ne risque-t-il pas de perdre une énergie précieuse en assumant le leadership de l’équipe? Son vécu, son palmarès et son charisme parlent pour lui, c’est un leader-né. Mais on ne lui demande pas de porter la responsabilité de l’équipe au départ d’une course, pas à ce stade en tout cas. Il se concentre sur son come-back, c’est la seule priorité. Et vous, comment vous sentez-vous dans ce nouvel environnement professionnel, très différent de la précédente expérience à la tête de l’équipe nationale? Je prends mes marques, dans un rôle de manager sportif qui me convient parfaitement. Tout ce qui a trait au sport proprement dit est de mon ressort, le management général est, lui, assumé par Kjell Carlström (NDLR: ancien coureur finlandais, chez Liquigas surtout, qui avait déjà travaillé avec Rik chez IAM). Notre complémentarité permet de peu à peu affirmer l’identité sportive souhaitée par le patron israélien de l’équipe, Sylvan Adams: un travail pro dans un esprit familial. En course, c’est la cohésion qui prime, de premiers résultats significatifs commencent à illustrer cette approche (Sep Vanmarcke 5e du Tour des Flandres, Michael Woods 4e de la Flèche Wallonne et 5e de Liège-Bastogne-Liège). Revenons à Chris Froome, que vous accompagnez cette semaine en Romandie. Un Tour de France réussi, ça rassemblerait à quoi, pour un champion de son statut? Faire partie des meilleurs dans les cols et enlever une victoire d’étape (NDLR: il n’a plus gagné depuis près de trois ans, le Giro 2018), ce serait extra. Difficile mais possible, Chris est tout à fait dans les temps. La priorité, finalement, est qu’il redevienne lui-même…

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