Marka: «J’aurais aimé avoir un grand frère comme Stromae»

Marka, qui fêtera ses 60 ans sur la scène de l’AB (en stream live) ce 27 mai, n’est jamais vraiment parti. On l’a vu reformer Allez Allez avant de rechanter « Accouplés » avec les Négresses Vertes. Mais il était temps qu’il publie un nouvel album afin qu’aux yeux des Français, il ne soit pas que « le père de… ». Celui qui se raconte également dans un livre intitulé de même Terminé bonsoir nous a parlé de sa carrière, de ses deux « monstres » et de son avenir en tant qu’acteur et musicien. Tant dans le livre que dans le disque, vous reprenez des bribes déjà connues de votre parcours… Oui, tout à fait. C’est une remise à jour du livre que j’avais publié en 2013. Il s’est passé tellement de choses ces cinq dernières années que je me suis rappelé des détails concernant les enfants. « Terminé bonsoir », ça n’a rien à voir avec le « Oostend bonsoir » d’Arno dont je reparle dans le livre à propos de la rivalité entre Allez Allez et TC Matic. « Terminé bonsoir », c’est une expression très bruxelloise pour mettre fin à quelque chose. Ici, je mets fin à cinq ans d’attente d’avoir osé sortir un disque. L’idée du come-back, c’est pour la France où je n’ai plus sorti de disque depuis 2001. Je le sors sur mon label Daring mais en licence française sur le label At(h)ome que distribue Sony Music. Je dis donc : terminé, bonsoir, l’air de dire que ça fait cinq ans que je ne peux rien faire, que les deux autres prennent toute la place. Ça ne veut pas dire que je ne ferai plus d’album, je pense déjà au suivant… C’est vrai qu’en France, on vous connaît plus comme le « père de… ». Vous avez même déclaré dans la presse : « Mes enfants me vengent »… Je n’ai pas du tout dit ça. Laurence (Ndlr. Bibot), ma femme, a dit dans une interview que les enfants vengeaient leur papa. C’est différent de le dire soi-même. Moi, je ne me venge de rien. Je suis très fier de leur succès bien sûr. Mais moi, je continue à faire mon métier. Je comparerai ça aux frères Borlée. Je ne fais pas une course de 400 mètres mais une grande course de fond, une espèce de marathon. Le père Van Laeken était occupé à courir depuis des années et puis j’ai passé le relais à mon fils qui l’a passé à sa sœur. Si je n’ai pas réussi à exploser comme je l’aurais espéré, mes enfants l’ont fait. [scald=28051693:sdl_editor_representation] Dans le livre, vous avouez que vous vouliez les protéger et les aider mais qu’à leur demande, vous avez dû faire un pas de côté – au point de déprimer – et les laisser se débrouiller comme des grands… J’ai dû passer un cap que j’ai eu du mal à comprendre. Je ne comprenais pas qu’ils voulaient faire leur chemin sans mon aide. Moi, mon père n’était pas là et j’ai dû tout faire tout seul. Il a fallu qu’un copain me dise que, mon père n’étant pas là, j’ai eu tout le loisir de faire ce que je voulais. Eux, en restant sur leur chemin, je les empêchais d’être libres. La vision de Laurence était différente car c’est une maman ne faisant pas le même métier artistique. Elle ne pouvait pas vaciller sur son propre terrain, comme moi. Elle me disait toujours : laisse-les faire leur expérience, là où moi je voulais trop les protéger. C’était moi le papa poule. Alors qu’ils ont une force de caractère, ce dont tu as besoin pour réussir dans ce métier. C’est ce qui m’a manqué au début. Avec Allez Allez, on avait un côté amateur, on a dû tout créer. Il n’y avait rien, pas de sono décente, pas de salles pour nous accueillir. Aujourd’hui, ils ont tous, très jeunes, une vision à 360º. Le plus fort dans le genre, c’est Stromae. Angèle aurait pu se mettre sur Daring Music, ma boîte, et elle a préféré créer VL Records. Elle a bien fait… Je suis persuadé que Stromae a influencé toute une génération. Il a tout compris ce garçon. C’est l’avantage de toute cette génération des Caballero & Jeanjass, Roméo, Damso, L’Or du Commun, Angèle, Claire Laffut, Lous… Ce sont tous des enfants de Stromae qui a décomplexé les Belges. J’aurais aimé avoir un grand frère comme Stromae, j’aurais fait mon métier autrement. C’est un modèle même pour un vieux comme moi. [scald=28051692:sdl_editor_representation] Jacques Duvall a une fois de plus trouvé les bons mots avec « Le daron », laissé pour mort, victime de ses enfants, délinquants juvéniles… Je lui avais demandé une chanson et en parlant, il me dit qu’on se fait vieux et moi je lui réponds qu’on sent le souffle des jeunes dans le cou. Du coup, il a eu l’idée du « Daron ». J’ai pris mes vieux copains pour le clip car ce sont aussi des punks ou des rockeurs devenus papas. Cette chanson va au-delà de Marka, elle parle de la progéniture, mais tout chef d’entreprise se pose la question : qui va reprendre la boîte ? Est-ce que je suis fini ? Jacques n’a pas d’enfant mais il se pose aussi des questions et il était dans un creux d’inspiration à ce moment-là. Gil Dal, dans « Avant d’être moi », vous fait chanter : « Je suis beaucoup de choses avant d’être moi, je suis le mari, je suis le papa »… On en revient une fois de plus à cette progéniture qui accapare toute la lumière de la famille… L’idée m’est venue à l’enterrement de Marc Morgan où une dame me demande : « Vous êtes le mari de… ? ». Je ne lui ai pas laissé terminer sa phrase pour lui dire : « Je suis beaucoup de choses avant d’être moi. » C’est sorti tout seul et c’est devenu une idée de chansons. Je me rends compte que je vis un truc extraordinaire car j’ai des enfants qui ont un succès exceptionnel, tous les deux. Et ils le font sur mon terrain. Cette phrase : « vous êtes le mari de, le père de… », c’est comme de mettre à la poubelle tout ce que vous avez fait et vous n’êtes plus rien. J’ai envie de dire que je suis aussi le fils de ma mère. Quand Gil écrit que je fais mes confitures, c’est vrai. J’ai un potager, une serre, je fais mon sugo, ma sauce tomate… Mes confitures sont hyperconnues. J’ai même failli vendre les confitures de « Tonton Marka » aux concerts. Gil a aussi écrit le texte pour la planète de « Garanti 100 % », une chanson très bio… Il faut que je te raconte l’histoire de la gourde. Il y a trois, quatre ans, à Noël, j’offre une gourde métallique à Roméo et à Angèle. Ils me regardent tous les deux comme si j’étais fou. Je leur dis qu’ils sont des personnes influentes et que s’ils montent sur scène avec une gourde, ça peut servir d’exemple. Aujourd’hui, Roméo vend des gourdes... [scald=28051695:sdl_editor_representation] Dans « Si demain je reviens », vous dites : « Faut vraiment que ce soit bien/ Que j’impressionne tout mon monde »… Oui, passer à la radio aujourd’hui, à l’âge que j’ai, ce n’est pas évident et Salvatore (Adamo) ne dira pas l’inverse. La radio, c’est pour les jeunes. Donc, à mon âge, il faut vraiment que ce soit bien pour avoir une chance d’y passer. C’est de l’humour aussi. Ça ne sert à rien d’être revanchard. Ce sont tes enfants et t’es super-content pour eux. J’ai de la chance car j’ai des copains dont les enfants ne savent toujours pas ce qu’ils vont faire ou n’ont pas de boulot ou tournent mal. Les nôtres travaillent, ça leur réussit et on est fiers. Je pense qu’il y a des gens qui sont faits pour le succès. Je ne pense pas que j’étais fait pour ça. La chance compte bien sûr. Peut-être que je n’étais pas prêt, il faut aussi savoir se remettre en question. J’ai quand même eu trois chances : celle que m’a offerte Allez Allez, celle que m’a offerte ma femme qui est venue me chercher et là maintenant, on m’a téléphoné il y a un an pour jouer dans une série, avec Béatrice Dalle. D’autres y ont pensé avant mais je n’étais pas prêt, je n’ai jamais voulu devenir acteur. Maintenant, j’y prends plaisir… Une de mes plus grandes fiertés, en dehors de mes enfants, c’est de pouvoir continuer à faire des albums le reste de ma vie. C’est ce que disait aussi Pierre Rapsat. Sur « Poulette », votre chienne décédée, toute la famille est réunie aux chœurs… C’est une chanson qu’on avait faite avec Laurence sur l’album Monsieur et Madame. L’an dernier, j’ai fait treize concerts confinés, chez moi, en streaming. J’ai été le premier en Belgique à faire ça. L’idée m’est venue de Jean-Louis Aubert qui le faisait avant la crise du covid même. Et j’ai refait « Poulette », qui tout comme « Tu es formidable », date de 2008. Avant Stromae donc. Les gens en France m’ont demandé de le remettre sur l’album. J’ai repris les voix de Laurence, Roméo et Angèle de l’époque. Aujourd’hui, je ne les aurais pas, t’inquiète. Angèle m’a fait des chœurs sur cinq chansons mais elles datent d’il y a deux, trois ans. Elle avait le temps à l’époque. Myriam Leroy est venue aussi faire des chœurs sur tout l’album. Elle chante super-bien. C’est Laurence qui m’a conseillé de lui demander. Dans la foulée, elle m’a fait les paroles d’« En bas ». [scald=28051694:sdl_editor_representation]

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