LuxLeaks: début d’un procès historique au Grand-Duché

C’est un procès qui risque de faire parler de lui. En pleine affaire des Panama Papers, sont attendus ce mardi devant la justice luxembourgeoise Antoine Deltour, Edouard Perrin, et Raphaël Halet. Les trois hommes sont accusés par PricewaterhouseCoopers (PwC) d’être à l’origine de la fuite ayant conduit aux LuxLeaks, cette affaire d’optimisation fiscale publiée en novembre 2014 par Le Soir et l’ICIJ (le consortium international de journalistes d’investigation). [scald=954889:sdl_editor_representation] LuxLeaks révélait comment le Grand-Duché, sous l’ère Jean-Claude Juncker, avait encouragé, via les fameux tax rulings, de grandes multinationales à venir installer des filiales sur ses terres. Ces rulings, comparables à des accords avec le fisc, fixaient au préalable le traitement fiscal réservé aux filiales luxembourgeoises. Un traitement souvent très généreux. Des pratiques a priori légales, même si dans de nombreux cas révélés à l’époque, des fiscalistes consultés par Le Soir affirmaient que le Luxembourg avait franchi la ligne rouge, et que les avantages fiscaux offerts à certains groupes pour les appâter allaient au-delà de ce que la loi permettait. Depuis ces révélations, la Commission européenne, en charge de faire respecter les règles de saine concurrence entre Etats, a d’ailleurs jugé plusieurs rulings illégaux. Ce fut le cas pour celui obtenu par Starbucks aux Pays-Bas, pour Fiat au Luxembourg, et pour l’ensemble des « excess profit rulings » belges. Comme quoi, il n’y a pas qu’au Luxembourg que le dumping fiscal trop agressif fait/faisait loi. [scald=954887:sdl_editor_representation] Mais, curiosité, parmi les près de 400 sociétés épinglées dans les LuxLeaks, aucune n’a été inquiétée jusqu’à présent par la Commission européenne (les dossiers Fiat et Starbucks ne faisaient pas partie du Leaks). Les premiers à se retrouver sur les bancs des inculpés, ce sont donc les lanceurs d’alerte, accusés par PwC, la société ayant rédigé les rulings, d’avoir volé des données ultra-confidentielles. 50 organes de presse accrédités Parmi eux, il y a Antoine Deltour, ex-auditeur junior au cabinet PwC à Luxembourg. Français d’origine, il est poursuivi pour « vol domestique, violation de secrets d’affaires, violation du secret professionnel, blanchiment et accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données ». Idem pour Raphaël Halet, qui a également travaillé chez Price. Enfin, le journaliste français Edouard Perrin, membre du Consortium des journalistes d’investigation (ICIJ), est lui aussi inculpé depuis avril 2015. Il travaille à l’agence Premières Lignes, qui produit le magazine d’enquête « Cash Investigation », diffusé sur France 2. Avant la sortie mondiale des LuxLeaks en 2014, il avait déjà révélé quelques rulings luxembourgeois douteux dans un numéro de « Cash Investigation » de mai 2012. La juge d’instruction luxembourgeoise Martine Kraus l’a inculpé pour complicité de vol domestique, violation du secret professionnel, violation de secrets d’affaires et blanchiment. Elle lui reproche surtout d’avoir manipulé Raphaël Halet pour organiser la fuite de documents, et d’avoir joué un rôle « actif dans la commission de ces infractions ». [scald=954888:sdl_editor_representation] Ce procès s’ouvrira mardi matin, à 9 heures. Six audiences sont prévues au total, jusqu’au mercredi 4 mai. Une cinquantaine d’organes de presse sont accrédités pour suivre ce procès, « une première au Luxembourg » écrit le quotidien local Paperjam. Le procès sera également ouvert au public. L’administration judiciaire a même annoncé sa retransmission dans une deuxième salle, car elle s’attend une présence massive d’ONG et de politiques qui veulent prendre la défense des lanceurs d’alerte. Plusieurs manifestations de soutien sont d’ailleurs prévues. Selon le Luxemburger Wort, des grandes figures de la classe politique devraient venir témoigner pour défendre les inculpés. On parle de Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence, Pascal Saint-Amans, le très médiatique directeur fiscalité à l’OCDE, ou encore Sven Giegold, eurodéputé vert. Seul ce dernier est annoncé dans le programme officiel, qui précise toutefois que la liste des témoins « n’est pas exhaustive ». Les trois inculpés risquent jusqu’à 10 ans de prison et 1 million d’euros d’amende. Et aucun tracas à l’horizon pour les multinationales impliquées dans LuxLeaks.

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