Jean-Michel Larqué: «Le banc de Roberto Martinez regorge de solutions qui sont tout sauf indignes»

1 L’incertitude planant autour de la présence d’Eden Hazard et de Kevin De Bruyne n’est-elle pas de nature à conférer un net avantage à l’Italie qui, au départ, aurait peut-être dû se contenter d’un rôle d’outsider dans ce quart de finale face à la Belgique ? Non. Elle ne fait que rééquilibrer le rapport de forces et les cotes auprès des sociétés de paris. On connaît toute l’importance de ces deux pions majeurs dans le dispositif belge, mais le banc de Roberto Martinez regorge de solutions qui sont tout sauf indignes d’un quart de finale de l’Euro. Je pense entre autres à Jérémy Doku ou à Yannick Carrasco, deux noms que je préfère avancer par rapport à celui de Dries Mertens, particulièrement décevant lors des 4 matchs déjà disputés. Je ne comprends pas ce qui arrive au buteur napolitain, un peu comme s’il était présent sans être présent. Tielemans est lui aussi un ton en dessous par rapport à ses deux saisons à Leicester, mais je ne suis pas certain qu’il s’agisse d’une question de motivation ou d’incapacité à le faire. Il aurait tout simplement besoin de souffler mais les circonstances ne s’y prêtent évidemment pas. Witsel va devoir l’épauler un peu plus que d’habitude face à l’Italie, même s’il aura déjà fort à faire après son retour aux affaires au terme d’une rééducation de cinq mois. Je l’aime bien le joueur de Dortmund : calme, mobile, anticipatif et sans déchet. Il joue juste, très juste ! Comme les trois petits vieux, expression que vous m’aviez soufflée à l’oreille récemment – si, si, je vous dénonce (rires) – qui ont abattu un travail magistral contre le Portugal. Si l’équipe de France avait pu compter sur un tel trio d’expérience, jamais les attaquants suisses ne lui auraient passé 3 buts ! Martinez serait bien inspiré de reconduire Alderweireld, Vermaelen et Vertonghen car les Italiens vont prendre les Belges à la gorge, croyez-moi ! 2 La Squadra Azzurra semble vivre une expérience de vie commune inédite pour elle : la révolution Mancini est-elle en marche pour aller au bout de l’inattendu ? Personne ne peut le savoir mais tout le monde devine qu’il est en train de se passer quelque chose au cœur de cette Nazionale que je qualifierai de contre-culture. Mancini a choisi de tourner le dos à tout ce qui fait le terroir du football italien. Durant des décennies, on apprenait aux joueurs, dès le plus jeune âge, à courir se replacer pour espérer tuer l’adversaire en contre. Le nouveau Mister a pris le contre-pied de tout ce qu’on lui a enseigné pour se libérer en quelque sorte de ses propres chaînes. Et le football de sélection avec lui ! Dès le premier match de cet Euro, j’ai été frappé par la transition attaque-défense qui ne s’opère plus dans les deux camps, mais dans la portion de terrain advere. On attaque en combinaisons et si on perd le ballon, c’est illico pour une tentative de récupération avec un bloc-équipe pratiquemenesque positionné à l’avant de la ligne médiane. Imaginez le choc que cela représente pour le pays du monde qui compte le plus de défenseurs au panthéon du foot (Facchetti, Baresi, Bergomi, Nesta, Maldini, Cannavaro) aux côtés des traditionnelles stars offensives (Meazza, Riva, Rivera, Rossi, Baggio, Del Piero, Totti), que l’on trouve absolument partout en tête des plébiscites. 3 La Suisse peut-elle continuer à marcher sur l’eau, rien qu’à l’adrénaline, au moment d’affronter l’Espagne, ce vendredi à Saint-Pétersbourg ? Les protagonistes partent au moins à égalité au nombre de minutes jouées depuis le début du tournoi puisque leur huitième respectif s’est achevé au terme de prolongations. Mais pour le reste, je ne vois pas comment la Nati, de surcroît privée de son leader Granit Xhaka pour suspension, va pouvoir réitérer une performance aussi énorme que l’élimination de la France à quatre jours d’intervalle. Je lui souhaite sincèrement, mais il est difficile de tout remettre en ordre après un tel ascenseur émotionnel comme les Suisses l’ont vécu. Je parle à tort d’ascenseur car ce sont plutôt des montagnes russes. Si les joueurs helvétiques venaient à échouer, ce ne sera certainement pas par manque de motivation à l’heure de disputer le premier quart de finale de leur histoire. Mais à un moment, il faut que la connexion jambes-cerveau s’effectue en continu. Sera-ce le cas ? Encore une fois, il est difficile de maintenir le taux d’adrénaline à son maximum quand on n’a pas l’habitude des enchaînements à ce niveau. Et sur ce plan-là, cette Espagne hybride m’a donné l’impression, face à la Croatie, de franchir un cap. Elle s’est fait peur, mais elle est passée. Je pense que Luis Enrique a le gros du travail derrière lui et qu’il peut cesser de regarder dans le rétroviseur. Il a un joli bout de route devant lui lors de ce tournoi, même avec la perspective de rencontrer la Belgique ou l’Italie dans une partie du tableau dont le vainqueur aura bien mérité sa finale !

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