Transition énergétique: «Les entreprises font partie des problèmes, mais aussi des solutions»

L’humanité sous la menace « d’impacts irréversibles », c’est le nouveau cri d’alarme lancé dans un projet de rapport rédigé par des centaines de scientifiques rattachés au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). En adoptant l’Accord de Paris en 2015, le monde s’est engagé à limiter le réchauffement climatique par rapport à l’ère préindustrielle à « bien en dessous de 2ºC », si possible 1,5ºC. Mais selon les experts du Giec, atteindre +2ºC plutôt que +1,5ºC aurait de lourdes conséquences : 420 millions de personnes de plus sur Terre feront face à des « canicules extrêmes » et jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires seront menacées par la faim d’ici 2050. Au nombre de 17, les objectifs de développement durable, adoptés par l’ensemble des Etats membres de l’Organisation des Nations unies, dans le cadre de l’Agenda 2030, constituent des lignes directrices pour limiter la casse et transformer le monde. Et les entreprises ont, à ce titre, un rôle primordial à jouer. « Les entreprises font partie du problème, mais elles font également partie des solutions. On ne résoudra pas les problèmes devant lesquels nous sommes sans la participation très sérieuse, voire même fondamentale, de ces acteurs essentiels que sont les entreprises », souligne Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l’UCLouvain, ancien vice-président du Giec et membre du Conseil fédéral du développement durable. Certes, il n’y a pas que sur les épaules des entreprises que cette responsabilité repose. Mais selon le climatologue et physicien, les rôles de chacun doivent être envisagés dans leur complémentarité. « La législation, la réglementation, la mise en place de taxes ou encore de subsides appartiennent aux gouvernements et aux administrations. Les citoyens, individuellement ou collectivement, ont, eux, un rôle à jouer au niveau de la consommation. Quant aux efforts en matière de production de biens et services, ils doivent mobiliser les entreprises », estime Jean-Pascal van Ypersele. Accepter la réalité Les priorités, bien que non exhaustives, doivent être à la hauteur de l’urgence de la situation. « De nombreuses entreprises doivent d’abord prendre conscience de ce qu’on appelle les limites planétaires, et les accepter. La Terre dispose d’une quantité finie de ressources, minérales ou biologiques. C’est un fait que les entreprises ne peuvent plus nier. Et nous devons veiller, tous ensemble, à préserver cette planète, qui est la seule habitable du système solaire, pour les générations actuelles et futures », insiste le climatologue. Adopter un comportement bien plus cohérent avec ce but ultime aurait d’ailleurs autant d’intérêt pour notre planète que pour les entreprises elles-mêmes. Car adhérer aux objectifs de développement durable, c’est aussi continuer d’être capable d’attirer des talents. « De plus en plus de travailleurs, en particulier les jeunes, affirment leur volonté de ne plus travailler que pour des entreprises qui se soucient de l’environnement mais aussi des inégalités sociales, de genre et d’une série d’autres questions importantes situées au cœur des objectifs de développement durable. Car l’Agenda 2030 est au carrefour des objectifs environnementaux, bien sûr, mais aussi d’objectifs sociaux et économiques qui doivent être considérés ensemble de manière équilibrée. Si les entreprises continuent de nier ces problèmes et qu’elles ne changent pas leur mode de fonctionnement, elles risquent de voir leur attractivité considérablement décroître auprès du personnel dynamique et de qualité. Non seulement elles continueront à utiliser des énergies fossiles, mais elles se fossiliseront elles-mêmes », considère Jean-Pascal van Ypersele. « L’argent, le nerf de la guerre » PME ou géants, toutes les entreprises sont aujourd’hui sommées de prendre le train en marche, peu importe leur secteur d’activité. Mais s’il y a bien un secteur clé dans cette transition vers une économie plus propre, plus durable et plus juste, c’est la finance. « Tout simplement parce que l’argent, c’est le nerf de la guerre. Ce qui est financé, la manière dont c’est financé et les priorités qui sont adoptées par ceux qui financent sont absolument essentielles, même si certains pensent parfois qu’un tableau de chiffres d’investissement ou de désinvestissement n’a pas de conséquence directe sur l’environnement. Faire des choix qui vont dans le bon sens, qui soutiennent justement les entreprises qui sont prêtes à aller de manière résolue dans la bonne direction, c’est extrêmement important », conclut le climatologue.

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