Simon Gougnard, sur la route

Il appelle ça « aimer les nouveaux challenges ». Deux ans après avoir rejoint, un peu à la surprise générale, le club de Louvain, alors promu, Simon Gougnard a, pour la neuvième fois de sa carrière, fait son baluchon et pris une autre direction, il y a quelques semaines, en rejoignant le Dragons « Je n’ai jamais eu peur de bouger », ajoute-t-il. « Certains sont très attachés à leur club ; moi, moins. » A 30 ans, le Brabançon wallon, qui est né à Nivelles, a grandi à Loupoigne et à Céroux-Mousty et vit désormais à Bruxelles, a une explication pour chacun de ses exils. Elle est parfois linguistique, comme quand il a été l’un des premiers de la génération actuelle des Red Lions à s’exiler aux Pays-Bas, en 2009, à Tilburg, « pour apprendre le néerlandais » ; liée à une amitié sans faille, quand il a filé au Racing pour rejoindre son pote Tom Boon avec lequel il est ensuite parti à Bloemendaal « où on a passé deux très chouettes années à partager le même appartement à Amsterdam » ; ou sportive, quand il a pris la direction d’Oranje-Zwart en 2010 et du Watducks, acte II, en 2017, « pour jouer le titre ». [scald=28274268:sdl_editor_representation] A Louvain, en 2019, c’était, avoue-t-il sans fausse honte, l’aspect financier qui avait joué dans sa transhumance, en même temps que l’idée d’avoir un impact plus grand qu’à Waterloo, où il était un Red Lion parmi pas mal d’autres. « Je voulais clairement un rôle de leader dans une équipe en construction, pouvoir coacher des jeunes, aussi. » Maintenant qu’il a filé du côté de Brasschaat, pour y rejoindre Felix Denayer, Florent van Aubel et Loic Van Doren, il a enterré cette motivation pour un vrai espoir de jouer le titre dès la saison prochaine. Dans la forme de sa vie Le hockey est venu à lui à 5 ans, comme une évidence, sous l’impulsion de son père Pierre, lui-même joueur au Pingouin, le club de Nivelles. « Je n’ai jamais eu l’occasion d’essayer autre chose », avoue-t-il, se remémorant ces week-ends qu’il passait le stick à la main, où il jouait invariablement deux matchs « parce qu’on me faisait également évoluer dans la catégorie supérieure », avant d’aller voir jouer son père avec la « mineure », puis l’équipe « A ». « Et quand je rentrais à la maison, j’allais encore taper des balles à répétition dans le jardin. Je ne me rappelle plus combien de fleurs j’ai détruites… » [scald=28274267:sdl_editor_representation] Est-ce à partir de là qu’il s’est constitué ce « gros moteur » qui fait aujourd’hui sa force ? Celui que l’on surnomme « Black Horse » avoue adorer l’effort physique qu’il développe, en équipe nationale, dans son rôle de milieu offensif « box-to-box », pour reprendre une expression à la mode, « là où en club, je suis plutôt distributeur ». « Je suis sans doute dans la meilleure forme de ma vie, avec le taux de masse graisseuse le plus bas, parce que je n’ai jamais autant travaillé. Même chez moi, je bosse régulièrement. Des exercices d’étirements qui contrebalancent ce que l’on fait en musculation. Ça compense les impacts qu’il y a dans notre sport. Si je ne le faisais pas, je serais sans doute tout cassé ! » [scald=28274269:sdl_editor_representation] Gougnard tient à durer, lui qui ne se fixe à sa carrière aucune limite dans le temps. En équipe nationale, il est l’un des « tauliers » même s’il n’était pas de la première aventure olympique de l’équipe actuelle, à Pékin, en 2008. « J’avais pourtant obtenu ma première sélection en 2007, mais ce n’est qu’à partir de 2009 que je suis devenu titulaire. A partir de là, à l’exception de la Coupe d’Europe 2015, j’ai été de toutes les campagnes. » [scald=28274270:sdl_editor_representation] Du coup, il a décroché, comme les autres, cette médaille d’argent olympique en 2016 qui lui reste toujours « en travers de la gorge » parce que ce jour-là, « l’Argentine n’était pas plus forte que nous mais a été plus intelligente ». Il était également de la partie lors de la conquête du titre européen, à l’été 2019, à Wilrijk, « avec ce scénario incroyable de la demi-finale face à l’Allemagne (4-2) avant cette finale contre l’Espagne (5-0) où on a pu dérouler » et, en décembre 2018, à Bhubaneswar, en Inde, quand les Red Lions ont remporté le titre mondial au terme d’une interminable séance de shoot-out face aux Pays-Bas (0-0, 3-2) en finale. Un tournoi dramatique pour lui. Bhubaneswar, victoire dramatique « Mon père souffrait d’un cancer depuis deux ans », évoque-t-il. « Parti de la vessie, il avait fini par se généraliser. L’année précédente, déjà, j’avais dû revenir en urgence d’un stage en Nouvelle-Zélande parce qu’on pensait que c’était la fin, mais il avait tenu bon. Deux ou trois semaines avant la Coupe du monde, nous nous étions également réunis en famille, avec mes parents et mes deux frères, à Durbuy ; un week-end pour être ensemble et se dire les choses. Quand je suis parti en Inde, il n’allait pas bien, mais je ne pensais pas qu’il s’en irait pendant le tournoi. Trois jours avant la demi-finale contre l’Angleterre, je l’avais encore eu au téléphone. Mais les choses se sont brutalement accélérées et, la veille du match, en pleine nuit, on m’a appelé pour dire que c’était fini. J’ai dit au groupe de se concentrer sur la rencontre, parce que ce n’était pas plus facile pour eux que pour moi, et j’ai joué… et marqué l’un des buts du 6-0. Cela a été plus dur ensuite, je l’avoue. Je me suis demandé ce que je faisais là, dans ce trou perdu, à jouer au hockey, mais, comme mon père était aussi mon premier supporter, je suis resté jusqu’au bout, comme il l’aurait voulu. Il n’y avait plus que trois jours de compétition, cela n’aurait rien changé si j’avais quitté les autres… » [scald=28274271:sdl_editor_representation] La suite, convient-il, relève du plus improbable des ascenseurs émotionnels. Un accueil dans les larmes à Brussels Airport par sa mère et ses frères, suivi d’un transfert en bus avec toute l’équipe jusqu’à la Grand-Place pour aller célébrer, dans une folie douce, ce premier titre mondial d’une équipe belge devant une foule immense au balcon de l’hôtel de ville, en mode Diables rouges. « Je ne regrette pas de l’avoir fait. Je voulais vivre ce moment avec les autres. J’ai mis mon cerveau sur “off” et j’ai attendu la fin de la célébration pour redescendre de mon nuage. Trois jours plus tard, aux funérailles, tous mes équipiers étaient là, même ceux qui avaient réservé des vacances et qui n’ont pas hésité à les décaler. » [scald=28274272:sdl_editor_representation] Cet esprit d’équipe, c’est, selon lui, l’une des principales raisons des récents succès de cette équipe nationale belge de hockey, qui, malgré les années qui passent, ne semble ne pas baisser de niveau, que du contraire, avec l’apport régulier de « lionceaux » qui s’intègrent rapidement et magistralement dans le moule. « Shane (NDLR : McLeod, le sélectionneur venu de Nouvelle-Zélande) veut laisser un héritage. Il nous parle régulièrement des All Blacks et de leur amour du maillot. Il dit que nous devons nous en inspirer et avoir la même attitude. » Besoin de personne Diplômé, en 2018, de la Louvain (la-Neuve) School of Management en sciences de gestion après avoir étalé ses cinq années d’études – dont celles de bachelor à l’Ichec – en huit, Simon Gougnard a vite rejoint l’agence Deloitte, section consultance une fois son viatique en poche. « J’ai eu la chance d’obtenir un CDI mais, en vertu d’un accord que j’ai avec eux, je ne travaille que quand je suis certain de pouvoir mener un dossier à son terme ; aujourd’hui, en raison de la préparation olympique, je suis à l’arrêt. En échange de ce bon procédé, ils utilisent mon image. » Une image qui a aussi attiré le regard d’une enseigne de vêtements de la très chic avenue Louise avec laquelle il collabore, ce qui lui a permis d’être désigné à une époque « homme le mieux habillé de Belgique » par un magazine spécialisé. « Heureusement qu’ils ne me voient pas dans ma vie de tous les jours ! », s’esclaffe ce multitatoué à qui il arrive de faire des piges d’« ambassadeur » du COIB. [scald=28274273:sdl_editor_representation] « Je veille à ce que mes tatouages ne se voient pas quand je suis en civil », précise-t-il, en révélant qu’il s’est fait dessiner « quelque part » le logo de Harley-Davidson, son autre passion. « Je roule à moto depuis… mes 15 ans. J’ai commencé par des petites bécanes que je trafiquais… et dont les moteurs explosaient régulièrement, avant de passer par une enduro KTM et une roadster Yamaha 700. Les Harley, je n’étais pas fan à la base, mais, après en avoir loué une lors d’un stage en Afrique du Sud, j’ai d’emblée été conquis. Aujourd’hui, je ne peux plus m’en passer et je suis déjà parti quelques fois avec des potes pour de longues randonnées. Mais mon rêve ultime, ce serait de le faire sur la côte ouest des Etats-Unis… » En vrai « Easy Simon Rider ». NDLR : la vidéo insérée dans cet article a été réalisée en 2020, avant l’annonce du report des JO de Tokyo.

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