Olav Spahl, chef de la délégation belge à Tokyo: «J’attends de meilleurs résultats qu’à Rio»

Arrivé à l’automne 2018 au COIB en provenance du Comité olympique allemand pour y succéder à Eddy De Smedt en tant que directeur des sports, l’Allemand Olav Spahl, 47 ans, assurera le rôle de « chef de mission » à Tokyo, un terme propre aux JO qui signifie qu’il sera le responsable de la délégation du Team Belgium, forte de 300 personnes. A quelques jours du début de Jeux, il est résolument optimiste sur les chances de succès de son groupe. Olav Spahl, le CIO a-t-il eu raison de vouloir maintenir ces Jeux de Tokyo à tout prix quand on voit dans quelles conditions ils vont se dérouler ? Je ne sais pas s’ils ont été maintenus à tout prix, il est encore trop tôt pour faire le bilan. On dira si c’était responsable après les Jeux. Mais il était important que le CIO suive un certain chemin, en se référant à plusieurs consultants, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et qu’il offre un certain espoir aux athlètes à une période où ce n’était pas facile. Quelle sera la grosse différence de ces JO par rapport aux précédents ? Essentiellement la liberté de mouvement, qui sera limitée, et la vie au village olympique. Un exemple : au restaurant, le temps du repas sera limité à 30 minutes et au lieu d’être un endroit de forum, comme d’habitude, où les athlètes se mélangent, il faudra rester dans la bulle de sa délégation. De plus, les athlètes ne pourront arriver que cinq jours avant leur compétition et devront repartir deux jours après celle-ci. La préparation de ces Jeux a-t-elle été compliquée pour vous ? Le virus n’est pas seulement un défi médical, mais aussi administratif ! Nous avons constamment dû nous adapter aux différents plans des organisateurs, notamment pour les vols Bruxelles-Tokyo et retour. Avoir eu une année en plus pour nous préparer a, dans ce cadre, été une bonne chose. Tout cela a-t-il alourdi le budget initial de l’opération Tokyo 2020 pour le COIB ? Pas vraiment. Notre budget total était de 3,5 millions d’euros et il n’a pas trop bougé. En revanche, il y a des postes qui ont pris du volume, comme l’accompagnement médical et le déplacement des chevaux, et d’autres qui ont été rabotés, comme les voyages des dignitaires et de nos partenaires. Ne risque-t-on pas, face à de tels changements, de passer à côté de l’essentiel, qui est l’accompagnement des athlètes ? Oui, cela a été un sujet de discussion permanent lors de nos réunions en interne et avec les fédérations. A côté de la préparation logistique, il fallait veiller à se focaliser sur la compétition, qui est la plus importante pour nos athlètes depuis cinq ans, et à bien rester concentrés sur les sujets liés à leurs performances comme les conditions climatiques, la charge d’entraînement, la planification des compétitions. C’était plus important que le respect des règles contre le virus. Avez-vous constaté une grosse remobilisation quand on a compris que les Jeux auraient bien lieu ? La préparation finale n’a pas vraiment été perturbée et personne dans le Team Belgium n’a laissé tomber les bras. Dès l’été dernier, la reprise des compétitions nous a aidés à préparer les Jeux. Cela a été un moment clé. Après, avec la décision politique concernant la vaccination, il était clair que ceux-ci auraient lieu. L’accompagnement psychologique des athlètes a-t-il été différent des Jeux précédents ? Absolument, d’où notre volonté d’impliquer très tôt les deux psychologues qui nous accompagnent à Tokyo (Ellen Schouppe et Jef Brouwers, NDLR) pour qu’ils travaillent avec toute l’équipe. Ce que je regrette, c’est que le report a incité certains athlètes comme Pieter Timmers (natation), Dirk Van Tichelt (judo) et Senna Deriks (gymnastique) à arrêter et que, pour d’autres, le pic est sans doute dépassé. Si on regarde la situation du hockey, il faut se dire que ce qui se passe avec Thomas (Briels) est dommage, mais j’admire la manière avec laquelle il a géré la situation. Sur un plan plus global, qu’avez-vous « perdu » par rapport à des JO qui auraient eu lieu, comme prévu, en 2020 ? On va perdre le sentiment de fête que procurent généralement les Jeux. Ceux qui en ont déjà connu pourront comparer ; en revanche, j’espère que cela ne jouera pas de rôle pour ceux qui y participeront pour la première fois. A contrario, je pense qu’il y a des athlètes qui ont « profité » du report, qui ont laissé reposer leur corps, qui ont travaillé d’une manière plus spécifique. Et nous avons « gagné » des athlètes qui n’auraient pas été présents en 2020, comme en gymnastique, en basket 3 x 3, en double messieurs en tennis, en skateboard, en kayak ou en athlétisme. Vous avez justement su saisir les occasions qui se sont présentées avec de nouveaux sports, comme le skateboard ou le basket 3 x 3 ou de nouvelles disciplines olympiques comme les relais mixtes. Qu’est-ce que cela dit du Team Belgium ? Cela montre qu’il y a chez nous une flexibilité et un potentiel de très haut niveau dans des sports qui, jusque-là, n’étaient pas au programme et je trouve super-sympa que l’on y soit représenté. Il est important que le mouvement olympique s’adapte au dynamisme et au changement du sport et de l’activité physique en général. En revanche, vous avez été inflexible vis-à-vis de la nageuse Valentine Dumont qui avait été invitée par sa fédération internationale. Pourquoi vous priver d’un jeune talent de 21 ans ? Sur un plan humain, je trouve la situation dommageable. Mais nous n’avons fait que respecter les critères établis par sa propre fédération nationale, que nous avions approuvés à l’époque et dont nous ne pouvions juridiquement nous écarter, parce que nous avions des situations comparables dans d’autres sports. Notre rôle se limitait à vérifier si les règles établies étaient bien suivies ou pas. Dura Lex, sed Lex… Cela fait bientôt trois ans que vous êtes arrivé en Belgique. Vous y êtes heureux ? Très. Je le dois en grande partie à l’équipe qui m’entoure qui est composée de vrais amoureux du sport de haut niveau, qui ne comptent pas leurs heures. Vous n’êtes donc pas près de partir ? Quand je suis arrivé, j’ai immédiatement dit que si l’on veut développer quelque chose dans le sport de haut niveau, il faut travailler sur une période de 8 à 10 ans. J’ai toujours évoqué comme point de référence, les Jeux de Los Angeles 2028. Après, qui sait ? Comment jugez-vous la situation du sport en Belgique ? Après avoir pris le temps d’appréhender son fonctionnement, la collaboration entre les communautés, le fédéral et le COIB, mais aussi la manière dont travaillent les différentes fédérations et ligues, je dois dire que je suis super-heureux de la situation actuelle. Nous sommes ambitieux et nous avons raison de l’être avec plusieurs sports où nos représentants figurent dans le top 5, voire le top mondial. Est-ce compliqué de devoir composer avec toutes ces instances qui revendiquent, à juste titre, leur responsabilité dans cette situation ? Non, ce n’est pas compliqué. Si on veut créer une situation exceptionnelle, il faut toujours collaborer parce qu’on ne peut rien réaliser tout seul. Et moi, je trouve que la collaboration se passe bien, et je ne dis pas ça pour faire plaisir. Si je compare avec l’Allemagne, on a en Belgique un dialogue plus structuré entre toutes les instances, on rencontre les ministres des Sports au moins trois fois par an, on appelle régulièrement les responsables de l’Adeps ou de Sport Vlaanderen. On a vu, durant le confinement, combien ces échanges ont été fructueux avec la mise à disposition immédiate des installations pour les athlètes de haut niveau, grâce à des dérogations. Cela a été super-fort. Les résultats que nous avons aujourd’hui, c’est aussi grâce à ces moments-là. On évoque souvent cette année sportive charnière qu’a été 2018. A-t-elle provoqué un déclic dans les consciences en faisant comprendre que l’on pouvait y arriver comme les autres ? Oui. Cela a surtout marqué parce que de nombreux très bons résultats ont été réussis durant l’été, notamment avec les championnats européens organisés à Glasgow et Berlin. Pour la perception, cela a été un moment clé. Qu’attendez-vous du Team Belgium pour ces Jeux ? J’attends des résultats sportifs super-positifs, meilleurs qu’à Rio au niveau des places de top 8, mais aussi des médailles (NDLR : en 2016, la Belgique avait décroché 19 places de top 8, dont 6 médailles, deux de chaque couleur). Rien n’est évidemment garanti. Pour personne. Mais cela donne aussi des occasions. Il n’y a pas de raison d’avoir peur de gagner, comme l’a écrit Rafael Nadal dans sa biographie. Je trouve cela très inspirant. J’espère aussi que tout le monde rentrera en bonne santé du Japon et que l’expérience sera positive pour chaque athlète. Enfin, j’aimerais que chaque Belge puisse s’identifier d’une manière ou une autre avec le Team Belgium à Tokyo, soit parce qu’il a un athlète venant de sa région ou qu’il pratique le même sport que lui. Vous misez sur combien de places de « finaliste » ? Le chiffre que j’ai en tête, c’est 21. Je m’inspire du bureau de statistiques sportives Gracenote, qui établit des prévisions en tenant compte des résultats récents lors des grandes compétitions. J’aime travailler avec les chiffres en arrière-plan, regarder où on se trouve, je suis convaincu par leur système et les algorithmes qu’ils utilisent. Ils parlent de 11 médailles. Cela veut dire qu’il y a un potentiel et un « momentum » dans l’équipe. Les athlètes eux-mêmes ont d’ailleurs exprimé cette ambition, certains en visant résolument l’or, comme les Red Lions ou Matthias Casse. D’autres, comme Nafi Thiam, Nina Derwael, Wout van Aert et Remco Evenepoel ne l’ont pas exprimé ouvertement, mais ils n’en pensent pas moins !

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