Le poulpe roi du camouflage grâce aux variations de lumière
Le poulpe capte les variations de lumière directement avec la peau, ce qui lui permet de changer de couleur en une fraction de seconde.

Le poulpe, c’est le roi du camouflage. En une fraction de seconde, sa peau passe du rouge au noir. Cette prouesse technique, le céphalopode serait capable de la réaliser les yeux fermés. Et pour cause, il capte les variations de lumière de l’environnement directement avec la peau. Cette découverte fait la une de la revue scientifique Journal of Experimental Biology.
Les auteurs de l’étude étudiaient des biopsies de peau de onze spécimens d’Octopus bimaculatus, la pieuvre à deux points de Californie, lorsqu’ils se sont rendu compte qu’elles changeaient brusquement de couleur sous la lumière blanche, mais aussi aux longueurs d’onde allant du rouge au bleu.
Observés chez l’animal vivant, ces changements de couleur sont dus à un mécanisme d’étirement-relâchement des chromatophores composant la peau du poulpe. « Ce sont des cellules pigmentaires en forme d’étoile. Alors que la partie centrale est une vésicule composée de pigments (noir, rouge, bleu), chaque branche est façonnée de fibres musculaires formées d’actine et de myosine. Lorsque, à l’instar d’un élastique tendu, ces fibres sont étirées, les pigments sont étalés et la coloration est intense. Le retour au repos fait contracter le sac pigmentaire rendant les couleurs moins visibles », explique le Dr Mathieu Poulicek, biologiste marin (ULg).
Des rhodopsines dans la peau
Comment expliquer qu’une peau morte de biopsie puisse elle aussi détecter des variations de lumière ? Les scientifiques ont alors cherché et trouvé des rhodopsines dans la peau des poulpes. Ce sont des protéines de la vue habituellement retrouvées dans les yeux des vertébrés et des poulpes. Composantes des bâtonnets, les rhodopsines assurent le contraste visuel, tandis que la détection des couleurs se fait par des protéines spécifiques, les opsines, retrouvées dans les cônes des yeux. Ne possédant que des rhodopsines, la peau du poulpe perçoit des informations visuelles, mais moins détaillées que celles traitées par ses yeux et son cerveau.
Toutefois, les poulpes étant dotés de deux yeux aux excellentes capacités visuelles – supérieures aux nôtres car étendues jusque dans l’ultraviolet –, pourquoi ont-ils développé une vision secondaire via leur peau ? Selon le Pr Jérôme Mallefet, chercheur FNRS et responsable du laboratoire de biologie marine (UCL), « cette perception plus fine de l’intensité lumineuse lui permettrait d’ajuster son camouflage extrêmement rapidement ». Il ne lui faut, en effet, qu’une fraction de seconde pour virer de couleurs, arborer un motif tacheté puis ligné, voire pour passer d’une peau lisse à une peau hérissée de petits nodules. Pour échapper aux prédateurs, il est le maître de l’homochromie. On le confond alors avec un amas d’algues ou un fond sableux.
« Ces changements de couleurs sont liés au système nerveux : si le poulpe est relax, s’il a envie de séduire ou s’il est poursuivi par un plongeur, il ne montrera pas la même couleur. C’est commandé par le cerveau, explique le Pr Thierry Backeljau, directeur du service de taxonomie et phylogénie à l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique. Au contraire des lézards par exemple, où les modifications de couleur de peau sont dirigées par des hormones. »
S’il en maîtrise la technique avec dextérité, le poulpe n’est pas pour autant le seul céphalopode à changer de couleur au gré de son humeur. Cette capacité, de la pieuvre au calmar, ils l’ont tous. « La parade nuptiale des seiches se fait presque autant par modification du pattern coloré que par les danses et signaux des bras », explique le Dr Poulicek. Et de raconter une anecdote : « Lorsqu’elle veut se reproduire, la seiche adopte un patron coloré sombre et lève deux tentacules. Par mimétisme, le plongeur peut déclencher une tentative d’accouplement. Il lui suffit, d’une main gantée de noir, de lever deux doigts en forme de V tout en s’avançant vers l’animal. »
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