Schwalm & Reuter: formidables découvertes sonores
Aufbruch


Aufbruch, c’est le départ, l’émergence. Le titre le dit : malgré l’obscurité qui enserre notre monde, l’abandon du paysage industriel d’il y a quelques décennies, les menaces sur la nature et sur l’avenir de la planète, les souffrances causées par la pandémie, il reste de l’espoir pour une réinitialisation. Comme dans les romans post-apocalyptiques où une poignée de survivants ressuscitent petit à petit une société. Avec l’album de J. Peter Schwalm et Markus Reuter, on est dans les ruines. L’invention sonore des deux musiciens allemands, Schwalm aux synthétiseurs, aux pianos, aux percussions électroniques, à la programmation, Reuter à la Touch Guitar, aux nappes, à l’électronique, nous plonge dans un univers catastrophique. Bruits tourbillonnants, distorsions, bourdonnements, téléphone sonnant à vide, rythmes de pistons, pluie gouttant sur des poutres rouillées, grincements de tôles… On s’imagine dans un monde sidérurgique abandonné, vide, laissé à l’entropie dévastatrice.
« Il semblait que nous avions le même genre d’image à l’esprit, explique Markus Reuter. Cela ressemble à un avenir dystopique où le paysage urbain industriel du passé a commencé à se faire coloniser par de la mousse verte, des arbres et des feuillages. » Et J. Peter Schwalm ajoute : « Markus est le peintre et moi le sculpteur. » Ils ont d’abord travaillé à distance pendant le confinement puis ils se sont vus et ont improvisé ensemble. Et Reuter a laissé Schwalm donner le « cut » final. « Ce qui a rendu le travail en commun très agréable, reprend Schwalm, c’est que Markus a incorporé tant d’idées dans le processus de travail et m’a donné le feu vert pour faire ce que je voulais avec elles. »
Ces deux artistes créatifs, compositeurs et concepteurs sonores, sont rejoints sur deux titres (« Lebewohl » et « Losgelöst ») par Sophie Tassignon, une chanteuse belge établie à Berlin, dont la magnifique voix donne un peu d’humanité et donc d’espoir à ces paysages gangrenés par la corrosion. Le dernier morceau, « Abschied », sombre mais ouvert en même temps, vient souligner cette possibilité de résurgence.
En tout, 51 minutes de formidables découvertes sonores. A écouter attentivement. Ce n’est pas une musique de décor qu’on peut se permettre d’entendre aisément d’une seule oreille, alors là, pas du tout. C’est un long chemin à parcourir dans le paysage sonore des deux Allemands. C’est d’ailleurs le titre d’un des morceaux : « Der Lange Weg ».
Rare Noise Records
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