JO 2020: l’heure d’écrire l’histoire est venue pour Nafi Thiam

Elle attend ça depuis 22 mois. Ces mercredi et jeudi, au stade Olympique de Tokyo, Nafi Thiam va retrouver son biotope préféré. Un peu moins de deux ans après les Mondiaux de Doha, la Belge va enfin pouvoir de nouveau disputer un heptathlon. Et pas n’importe lequel. Cinq ans après son triomphe surprise de Rio, la Belge va partir à l’assaut d’une deuxième victoire consécutive aux Jeux dans cette épreuve protéïforme qui consacre l’athlète la plus complète, celle qui est le mieux capable de courir, sauter et lancer, les trois mamelles de l’athlétisme. L’exploit ne serait pas mince. Depuis que cette épreuve est au programme olympique, c’est-à-dire depuis les Jeux de Los Angeles 1984, lorsqu’elle a remplacé le pentathlon, seule l’Américaine Jackie Joyner-Kersee a réussi à s’y imposer à deux reprises, et consécutivement qui plus est, en 1988 à Séoul – avec le record du monde en prime – et en 1992 à Barcelone. En cas de victoire, outre le prestige de rejoindre « JJK », la Namuroise deviendrait aussi la première sportive belge à décrocher deux médailles d’or consécutives aux Jeux, une autre preuve de la difficulté de cette tâche. Une seule défaite en cinq ans Depuis son titre de 2016, survenu un peu par surprise, alors qu’elle allait tout juste avoir 22 ans, Thiam a évidemment pris une autre dimension. Elle a d’abord accumulé les titres : championne du monde en 2017, championne d’Europe en 2018, championne d’Europe en salle en 2017 et 2021. Ensuite, pas une année ne s’est passée sans qu’elle ne batte au moins un record personnel dans une des épreuves de son concours : 9 (!) en 2017, 4 en 2018 et 2019, 1 en 2020 (malgré la pandémie) et 2 en 2021 – ceux du 800 m en salle et du pentathlon lors de l’Euro indoor de Torun qu’elle a remporté en mars. Cette dernière victoire a également un peu plus confirmé sa mainmise sur les épreuves combinées. Depuis Rio, elle a remporté 7 des 8 heptathlons/pentathlons qu’elle a disputés et s’est élevée au rang de troisième performeuse de tous les temps avec un total de 7.013 pts lors du meeting de Götzis, en 2017. La seule défaite qu’elle a subie au cours de cette olympiade s’est produite aux Mondiaux de Doha, en octobre 2019, où elle a été devancée de 364 points par la Britannique Katarina Johnson-Thompson : 6.981 pts pour 6.617. « Mais cet écart ne veut pas dire grand-chose », assure Roger Lespagnard, son entraîneur. « Quand on a compris, après la longueur, où elle n’avait pas réussi à faire la différence, que Nafi ne pourrait pas gagner, je lui ai dit d’arrêter après son premier essai au javelot pour qu’elle ne se fasse mal au coude. Il lui aurait fallu lancer à 59 mètres, et ce n’était pas possible. Moi, je pensais déjà aux Jeux et il ne fallait pas risquer de se blesser À l’époque, rappelez-vous, on n’en était plus éloigné que de neuf mois… » L’inconnue KJT Aujourd’hui, avec le report d’un an de JO 2020, les données ont bien changé. Thiam a retrouvé la confiance alors que Johnson-Thompson l’a un peu égarée en chemin en se déchirant le tendon d’Achille lors d’une séance d’entraînement, en décembre dernier, même si elle essaie de faire bonne figure. Si elle affirme qu’elle sera « complètement rétablie et prête pour Tokyo », la Britannique n’a guère été convaincante lors de sa dernière compétition : lors du meeting Diamond League de Gateshead, le 13 juillet, elle n’a réussi que 6,10 m en longueur, à 83 cm de son record personnel. Et peu de temps avant, le 30 juin, à Orange, elle n’a franchi que 1,84 m en hauteur. Tout cela alors que les sauts font partie de ses spécialités. Difficile de croire au bluff… Thiam, en revanche, se dit prête. Elle a construit sa saison pour arriver au top de sa forme à Tokyo et affirme qu’elle sera « difficile à battre » lors de cet heptathlon olympique. Ses seules hantises sont une blessure ou un accident de parcours comme un faux départ ou une chute sur les haies, voire trois essais nuls en longueur. Mais, jusqu’à présent, cela ne lui est jamais arrivé même si, à Rio, elle a échappé de justesse à la gifle lors du 100 m haies, la première des sept épreuves du programme avant la hauteur, le poids, le premier jour, la longueur, le javelot et le 800 m, le deuxième. Au lendemain de son arrivée au village, elle s’est déconnectée de tous ses réseaux sociaux pour se concentrer plein pot sur son épreuve, sans aucune distraction extérieure. Il n’y a pas de doute, elle est déjà entrée dans sa compétition. Si « KJT » ne devait pas être au sommet de sa forme, Nafi Thiam, qui, si on additionne les points générés par ses sept records personnels, peut rêver à un total potentiel de 7.234 pts (pour 7.104 à la Britannique), doit-elle craindre d’autres adversaires ? Les Américaines pourraient s’avérer coriaces. Lors des « trials », Annie Kunz a pulvérisé son record personnel de 550 points pour le fixer à 6.703 pts, et ses deux dauphines, Kendell Williams et Erica Bougard, n’étaient pas loin avec respectivement 6.683 et 6.667 unités. Il y aussi la Hongroise Xenia Kriszan, qui a totalisé 6.651 pts lors du meeting de Götzis, fin mai. Autant de totaux qui, en temps normal, ne devraient toutefois pas faire frémir une championne olympique en titre en forme optimale. Ces mercredi et jeudi, ce sera surtout Nafi Thiam contre Nafi Thiam à Tokyo.

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