Le pass sanitaire «élargi» adopté en Italie

Inquiétude, colère mais parfois aussi une lueur d’espoir. L’extension de l’obligation du pass sanitaire, adoptée, ce vendredi, par le gouvernement de Mario Draghi, a déclenché une explosion d’émotions contrastées. Dans la capitale italienne, apparemment placide sous un soleil de plomb, les esprits sont échauffés. Ce certificat, qui peut être téléchargé sur les téléphones portables avec un QR code, atteste de l’injection d’au moins la première dose du vaccin ou de la réalisation d’un test négatif au Covid-19 de 48 heures ou encore d’une guérison de la maladie depuis moins de six mois. Il est désormais obligatoire pour accéder à tout lieu où se rassemble du public. Cinémas et théâtres, musées et piscines, stations thermales et spas mais aussi restaurants et bars (terrasses et comptoirs exclus), salles de jeux, congrès et foires sont aujourd’hui concernés. L’exécutif envisage, de même, d’étendre son utilisation, à partir du mois de septembre, au sein des établissements scolaires et des universités, dans les trains et les avions. « C’est une aberration morale, une absurdité sur le plan économique et un désastre potentiel pour le secteur de la restauration et du tourisme. Il s’agit surtout d’une obligation détournée de vaccination », lance Saverio Cristiano, un chef qui a géré divers restaurants en Italie et aux Etats-Unis. « Ces derniers jours, les clients des restaurants et des hôtels appellent pour avoir des précisions, ils sont anxieux et confus. On navigue à vue… » ajoute-t-il. « Un supplément de sérénité » Depuis l’annonce de l’extension du pass sanitaire, les représentants politiques au pouvoir, qui ont suivi la ligne tracée par le président français, Emmanuel Macron, n’ont cessé de souligner l’importance de ce certificat pour permettre enfin le redémarrage complet du système économique national. « L’été est déjà empreint de sérénité pour les Italiens et nous voulons que la situation reste ainsi. Avec ce pass, nos concitoyens auront la certitude de se retrouver parmi des personnes non contagieuses. C’est une mesure qui offre un supplément de sérénité… », a précisé le Président du Conseil, Mario Draghi. De même, l’exécutif, sous l’impulsion de la Ligue, a annoncé vouloir mettre en place une stratégie nationale qui permettra la baisse du prix des tests de dépistage du Covid-19, notamment pour les écoliers et les étudiants. [scald=28332795:sdl_editor_representation] « Cela ne me soulage pas… C’est tout le système qui est pourri. Ce virus est devenu un business. Or, trop de gens ont déjà perdu leur travail, leur dignité… certains se sont même suicidés. Nos dirigeants nous abreuvent d’angoisse. Il faut que cela change ! » clame Saverio Cristiano. Stefano Sabelli, un acteur basé à Rome, directeur dans sa région natale, le Molise, du Teatro del Loto, est d’un tout autre avis. « Si le gouvernement n’avait pas adopté cette mesure, je l’aurais fait moi-même dans mon théâtre ! L’art et la culture doivent absolument recommencer à vivre ! Et j’espère que, grâce à ce certificat, nous aurons enfin le droit de remplir nos salles à 100 %… », déclare-t-il d’un ton optimiste. Une démission qui fait du bruit Le pass sanitaire a, néanmoins, profondément divisé l’univers de la culture national. La démission présentée, ce mardi, par Fabrizio Masucci, directeur depuis plus de dix ans du Musée de la Chapelle Sansevero, à Naples, a ébranlé la péninsule. Par une longue lettre ouverte, cet homme de 43 ans a expliqué cette décision dictée « par la voix de sa conscience ». « En raison de toutes les mesures de sécurité déjà adoptées, les musées représentent le lieu où le risque de contagion est le moins important… » explique-t-il avant de conclure : « Pour cette raison les musées ne doivent pas être instrumentalisés au nom d’objectifs étrangers à leur mission première (en l’occurrence, accroître l’adhésion vaccinale), surtout si cette instrumentalisation contribue inévitablement à mettre en péril la cohésion sociale. » Épargnées par le pass sanitaire, les terrasses de café de la capitale restent animées. Touristes et Romains profitent nonchalamment de la douceur de l’été italien. Entre-temps, les propriétaires de bars et restaurants s’adaptent et s’organisent. « Je me demande si ce certificat est vraiment la solution à nos problèmes… Quelle différence entre une terrasse et un espace à l’intérieur où la distanciation sociale est rigoureusement respectée ? », se demande Alessio Tagliaferri, le jeune propriétaire de Achilli, un élégant café au centre-ville, ainsi que d’un restaurant renommé situé à deux pas du siège du Parlement. Prudent, respectueux des règles et désireux de renouer avec les rythmes du passé, Alessio est quelque peu perplexe. « Nos dirigeants veulent nous aider mais nous subissons beaucoup d’impositions et de nombreuses zones d’ombre subsistent. Or si, cet hiver, nos administrateurs devaient cesser de soutenir le secteur de la restauration, comme ils le font depuis des mois, le mécontentement général risque d’être très fort… » ajoute-t-il. Le ton est donné. La survie de ce certificat sera inéluctablement liée à l’évolution de la courbe épidémique mais aussi aux équilibres et aux aléas d’un système économique qui ne demande qu’à rebondir.

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