Nucléaire: prolongera, prolongera pas?

Ce sera assurément aussi l’un des dossiers importants de la rentrée : la prolongation éventuelle de deux réacteurs (Doel 4 et Tihange 3) parmi le total des sept qui sont légalement promis à extinction d’ici 2025. Un dossier important, parce qu’une étape cruciale doit être franchie cet automne : la validation du scénario prévu dans l’accord de gouvernement, qui confirme certes l’extinction totale… sauf si la sécurité d’approvisionnement ne peut être garantie après la fermeture de la filière atomique. Le planning jusque fin novembre est connu. Des enchères, en octobre, détermineront quels acteurs participeront ou non au programme de rémunération de capacité (CRM), censé suppléer, par le biais notamment de la construction de centrales au gaz, au déficit de production à venir en l’attente du relais par le renouvelable. Un rapport analysera ensuite, sur cette base, les conséquences de l’extinction de l’atome. « Si ce monitoring montre qu’il y a un problème inattendu de sécurité d’approvisionnement, le gouvernement prendra des mesures adéquates comme l’ajustement du calendrier légal pour une capacité pouvant aller jusqu’à 2 GW » (soit la prolongation de deux réacteurs nucléaires, NDLR), stipule l’acte fondateur de la Vivaldi. [scald=28389778:sdl_editor_representation] Résumons : si le CRM fonctionne, et donc si la sécurité d’approvisionnement est garantie, on ne prolonge pas les deux réacteurs et on éteint la filière nucléaire en totalité. Limpide ? Ce qui semble l’être sur papier ne le sera peut-être pas dans la réalité. Et ce, pour plusieurs raisons… Recours en cascade D’abord, le CRM lui-même, qui est fondamentalement un mécanisme de subsidiation d’acteurs privés, n’est pas encore validé par l’Europe – mais on devrait en savoir davantage d’ici peu. Ensuite, la construction des futures centrales au gaz, dites TGV pour « turbine gaz-vapeur », ne sera pas une partie de plaisir. Des demandes de permis, comme celle introduite par Engie Electrabel à Vilvorde pour une centrale de 875 MW par exemple, sont entravées par des recours, parfois introduits par l’autorité publique (la province du Brabant flamand, dans ce cas). [scald=28389779:sdl_editor_representation] Plus fondamentalement, c’est l’idée même de construire de centrales au gaz, émettrices de CO2, qui est désormais frontalement remise en cause par certains. Les contempteurs du gaz s’appuient, pour ce faire, sur le dernier rapport du Giec sur le climat, qui est alarmant, et estiment que c’est un non-sens de se priver du nucléaire, soit une source de production d’électricité qui n’émet pas directement de CO2, pour la remplacer par une technologie qui, sur ce plan, est bien plus polluante. Le MR pour un « vrai débat » Au sein de la Vivaldi, la plupart des partis disent s’en tenir pour l’instant à l’accord de gouvernement. A savoir : attendons les conclusions de l’analyse qui sera portée par la ministre de l’Energie, Tinne Van der Sraeten (Groen), et voyons les options à ce moment-là. Chez Ecolo, on est moins évasif. « Si le CRM ne pose pas de problème, il n’y aura aucune raison de prolonger les réacteurs », résume Jean-Marc Nollet, co-président d’Ecolo, qui souligne qu’il faut intégrer la hausse des émissions de CO2 à l’échelle belge dans une perspective européenne – les nouvelles centrales TGV permettront d’accélérer la fermeture des centrales allemandes au charbon, bien plus polluantes, notamment. [scald=28389780:sdl_editor_representation] Mais ce n’est pas pile-poil l’avis du MR, lui aussi membre de la Vivaldi, dont le président Georges-Louis Bouchez se montre nettement plus réservé. « Il m’est impossible d’ignorer que ces centrales au gaz vont émettre davantage de CO2 dans l’atmosphère alors que l’urgence est de les diminuer, insiste-t-il. Le monitoring prévu dans l’accord de gouvernement doit intégrer cette réflexion, de même que celle relative à la sécurité de l’approvisionnement, y compris en gaz, ou encore celle relative à l’impact sur les prix. L’enjeu est trop important, trop stratégique, pour en limiter l’analyse à la seule réussite ou non du CRM. Je souhaite donc, en novembre, un vrai débat sur l’opportunité de prolonger ou non les réacteurs nucléaires. » Une saga pas terminée Ajoutons à cela le fait que, hors gouvernement, la N-VA fait clairement monter la pression en faveur de la prolongation, et que, par ailleurs, le propriétaire du parc nucléaire, Engie Electrabel, a quant à lui annoncé vouloir tourner la page de l’atome – et se fera donc prier si la décision du gouvernement devait finalement porter sur une prolongation –, et l’on comprendra que la saga du nucléaire en Belgique n’est pas terminée. Peut-être même, alors que les urgences énergétiques et climatiques s’entremêlent publiquement désormais, ne fait-elle que vraiment commencer…

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