Thierry Hance: «Les gens doivent se réapproprier les pouvoirs»

Si, comme François Gemenne (ULiège), certains jugent que l’urgence n’autorise pas de s’attarder sur la question du capitalisme, d’autres estiment que ce dernier contient les racines des crises actuelles. C’est le cas de Thierry Hance, professeur d’écologie à l’UCLouvain. Dans son précédent livre, il constatait déjà la « divergence des objectifs entre le monde économique et financier et les aspirations de l’individu », il s’interrogeait sur le mythe de la croissance illimitée et constatait « l’échec du paradigme capitaliste ». Aujourd’hui, il pioche plus profondément dans la « déconstruction » du modèle économique dominant. Un écologue égaré en économie… [scald=28447681:sdl_editor_representation] « Le modèle est basé sur l’idée que l’essence de l’économie c’est de faire du profit, du bénéfice. Il faut sans cesse augmenter les marges sinon l’entreprise n’est plus viable. Il y a plusieurs manières de le faire : vendre plus, réduire les coûts de production, trouver des matières premières moins chères, prendre des libertés avec la protection de l’environnement, mettre la pression sur les travailleurs et leurs droits, délocaliser… A côté de cela, l’insistance sur l’idée que l’on peut agir individuellement pour le climat et la biodiversité est sans valeur si on reste ancré dans un système économique qui promeut la surutilisation des ressources ». Tel qu’il fonctionne, le système creuse les inégalités, détruit la planète et alimente les mécontentements. [scald=28447682:sdl_editor_representation] Tant sur le climat que sur la biodiversité, les scientifiques alertent sur le franchissement de « points de basculement ». La situation s’aggrave, selon Hance. Selon lui, on ne changera pas le modèle économique qui masque une réalité inégalitaire « basée sur la nécessité d’un flux constant de richesses des plus pauvres vers les plus riches », sans s’attaquer à la question démocratique. « Nous vivons dans une démocratie de délégation où l’on vote pour des gens, pas pour des décisions. Après le vote, on perd toute possibilité de peser sur les décisions ; des gens les prennent à notre place. L’achat des nouveaux avions F35 par notre pays n’a pas exemple jamais fait l’objet de débat public ». Tous concernés La déconstruction du système économique ne peut se faire que « de l’intérieur, par une réappropriation des pouvoirs par les habitants de la planète ». Objectif : une économie « verte et bienveillante », « éco-mimétique » qui s’inspire du fonctionnement de la nature, de l’importance de la diversité, la non-hiérarchie, la décentralisation, la limitation des ressources. [scald=28447683:sdl_editor_representation] Condition : il faut partir de la base, l’économie étant recentralisée « au plus proche du citoyen ». La transition est compliquée, reconnaît Hanse. Il faut partir de petites structures interagissant entre elles autour de problèmes concrets comme la production d’énergie à l’inverse du modèle actuel qui est très centralisé. « L’innovation vient d’en bas par des gens qui sont en contact avec la réalité, que ce soit sur les questions sociales ou industrielles. Même au niveau des entreprises, si la démocratie s’impose, les objectifs fixés ne seront pas ceux d’actionnaires à la recherche du seul profit. Si on agit de la sorte, on ne risque pas de délocaliser la comptabilité en Inde ». On imagine mal un changement aussi radical en l’espace de quelques années, d’autant que la démocratie réclamée devra partir d’une participation de tous à la prise de décisions. Hance le reconnaît : « Mais est-ce qu’on a le choix ? On est dans l’urgence la plus totale. Peu de gens sont prêts à ces changements. L’alternative, c’est l’accaparement de la qualité de vie chez quelques-uns ou l’imposition d’une dictature extrêmement dure à la chinoise… Mais, oui, je suis aussi dans un monde de rêve et d’utopie ». [scald=28447176:sdl_editor_representation]

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